En premier lieu, ce psaume montre combien la bonté de Dieu a été unique : il a daigné choisir en effet pour son héritage la descendance d'Abraham. L'ingratitude de ce peuple est ensuite jugée : on doit lui reprocher de n'avoir jamais cessé de se montrer rebelle en méprisant par sa malice obstinée les bienfaits incessants de Dieu. La conclusion exalte la miséricorde du Seigneur : il a tout rétabli en la personne de David, en vertu de la promesse qu'il lui a faite.
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| 1 | Sois attentif, mon peuple, à ma doctrine, Que ton oreille attentive s’incline Pour recueillir tous les mots de ma bouche ; | 
| 2 | Car maintenant il faudra que je touche Un sujet grave, et que par moi soient dits Les grands secrets des œuvres de jadis. | 
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| 3 | Nous les avons jadis bien écoutées Quand nos parents nous les ont racontées. | 
| 4 | À nos enfants nous les ferons connaître, Et même à ceux qui sont encore à naître ; Nous leur dirons les actes merveilleux, Le grand pouvoir du Seigneur, notre Dieu. | 
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| 5 | Dieu chez Jacob dressa son témoignage, En Israël il mit sa loi très sage. Il ordonna quʼelle fut enseignée Par nos aïeux de lignée en lignée, | 
| 6 | Quʼun tel bienfait soit toujours rapporté De père en fils, à la postérité. | 
| — 4 — | |
| 7 | Afin quʼen Dieu soit toute leur attente, Quʼils aient son œuvre à chaque instant présente, Et quʼà ses lois ils demeurent fidèles, | 
| 8 | Sans imiter leurs ancêtres rebelles Qui nʼon pas eu devant Dieu le cœur droit, Ni lʼesprit humble et ferme dans la foi. | 
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| 9 | Ceux dʼEphraïm, trop fiers de leur puissance (Toute une armée ayant lʼexpérience De bien tirer) ne firent rien qui vaille, Tournant le dos, le jour de la bataille, | 
| 10 | Sans maintenir lʼalliance de Dieu Et sans marcher dans sa loi leur mieux. | 
| — 6 — | |
| 11 | On a si vite oublié les merveilles De lʼÉternel, ses œuvres sans pareilles ! Ils les avaient cependant contemplées ; | 
| 12 | Tous ces hauts faits, ces œuvres déployées Depuis lʼÉgypte et Tsoan, bien au sûa De leurs aïeux dont les yeux ont tout vu. | 
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| 13 | Il a fendu les masses dʼeaux profondes, Et fait passer son peuple entre les ondes En retenant la mer amoncelée. | 
| 14 | Il les guida le jour par la nuée, Puis il dressa un grand flambeau luisant Qui chaque nuit allait les conduisant. | 
| — 8 — | |
| 15 | Il a brisé les rocs par sa puissance Pour abreuver son peuple en abondance Dans le désert, car, à même les veines | 
| 16 | Des dur rochers, il tira des fontaines ; Il fit sortir telle abondance dʼeaux Quʼon put les voir couler à grands ruisseaux. | 
| (Pause) — 9 — | |
| 17 | Après cela, malgré tout ils péchèrent Contre leur Dieu quʼencore ils irritèrent Dans le désert, le tentant en eux-mêmes. | 
| 18 | Pour satisfaire à leurs désirs extrêmes, Ils ne rêvaient que dʼun menu meilleur, On entendait critiquer le Seigneur. | 
| — 10 — | |
| 19 | « Dieu (disaient-ils), dans la terre déserte Pourrait-il donc nous tenir table ouverte ? | 
| 20 | Les grandes eaux que lʼon croyait taries Quand il frappa le roc sont bien sorties ; Mais pourrait-il aussi donner du pain Et procurer un peu de viande aux siens ? » | 
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| 21 | Dieu lʼentendit. Sa colère enflammée Contre Jacob alors fut allumée ; Il dédaigna son peuple israélite | 
| 22 | Qui, lui montrant une foi si petite En oubliant sa force et son appui, Pensait trouver son salut loin de lui. | 
| — 12 — | |
| 23 | Car même avant ces plaintes superflues, Dieu avait fait commandement aux nues, Et du haut ciel ouvrait déjà la porte. | 
| 24 | Il fit pleuvoir la Manne en telle sorte Quʼà ces méchants, pour apaiser leur faim, Du ciel lui-même il envoya du pain. | 
| (Pause) — 13 — | |
| 25 | Lʼhomme mortel (merveilles bien étranges) Sʼétait nourri du pain même des anges, Rassasié à sa suffisance pleine. | 
| 26 | Ce nʼest pas tout : Dʼune force soudaine Dieu fit souffler du ciel un double vent, Lʼun du Midi et lʼautre du Levant. | 
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| 27 | Il fit pleuvoir comme de la poussière La viande offerte à cette foule entière. Il nʼy a pas plus de sable au rivage | 
| 28 | Quʼil ne pleuvait dʼoiseaux par cet orage Sur ce grand camp, et de tous les côtés Où lʼon voyait leurs pavillons plantés. | 
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| 29 | Par ce moyen cette troupe gourmande Se vit gavée entièrement de viande ; Dieu leur donnant selon leur convoitise, | 
| 30 | Leur faim cessa, mais non leur gourmandise. Même en mourant, ils avaient de la chair Entre les dents et voulaient la mâcher. | 
| — 16 — | |
| 31 | Sur les plus forts, la main juste et sévère De lʼÉternel fit tomber sa colère ; Israël vit sʼabattre son élite. | 
| 32 | Malgré cela, cette foule maudite Péchait toujours, car un cœur orgueilleux Ne veut pas croire aux miracles de Dieu. | 
| (Pause) — 17 — | |
| 33 | Voilà pourquoi leurs jours et leurs années Sont vanité, si vite terminées. | 
| 34 | Alors chacun, voyant la mort présente Cherche son Dieu, devant Lui se présente. Dès le matin on élève son cœur Pour retrouver la bonté du Seigneur. | 
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| 35 | Alors chacun pense aux jours de détresse, Quand lʼÉternel était leur forteresse Et que lui-même, en les tirant de peine, Manifestait sa force souveraine. | 
| 36 | Mais pas un mot sincère ne sortait Hors de leur bouche, et leur langue mentait. | 
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| 37 | Ils ont fait preuve envers Dieu dʼinconstance Et sont sortis de sa sainte alliance ; | 
| 38 | Mais lui, jamais ne fut impitoyable, Il effaça leur faute abominable ; Les épargnant, il voulut revenir De son courroux, quʼil aime à retenir. | 
| — 20 — | |
| 39 | Il se souvient que leur pauvre nature Nʼétait que chair, sujette à pourriture, Pareille au vent qui, sans revenir, passe. | 
| 40 | Combien de fois, durant ce long espace, Dans le désert les siens lʼont irrité, Combien de fois lʼont-ils donc attristé. | 
| (Pause) — 21 — | |
| 41 | Sans cesse, hélas, cette foule obstinée À tenter Dieu, vers le mal sʼest tournée ; Ils prétendaient réduire à ses limites Le Tout-Puissant, Saint des Israélites ; | 
| 42 | Ils oubliaient la force de son bras Quʼon ressentit quand il les libéra. | 
| — 22 — | |
| 43 | LʼÉgypte a vu ses miracles terribles, Tsoan trembla de ses signes horribles. | 
| 44 | Soudainement il fit que les rivières En flots de sang sʼécoulèrent entières. On recherchait chaque petit ruisseau Sans y pouvoir boire une goutte dʼeau. | 
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| 45 | Il envoya toutes sortes de mouches Pour les manger sur les lits où ils couchent, Les accabla de grenouilles infectes ; | 
| 46 | Puis il livra leurs moissons aux insectes, Et lʼon put voir le labeur des méchants Servir de proie aux cigales des champs. | 
| — 24 — | |
| 47 | La grêle tue une vendange prête, Sur leurs figuiers sʼacharne la tempête ; Tous leurs haras détruits à coups de grêle, | 
| 48 | Il foudroya leurs troupeaux pêle-mêle ; Il déchargea sa colère contre eux, Sa grande ardeur, son courroux rigoureux. | 
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| 49 | Les voilà donc poursuivis à outrance Par les esprits de sa juste vengeance. | 
| 50 | Il donna cours à sa rigueur mortelle Sans épargner, et dʼune façon telle Que le bétail qui devait les nourrir, Pestiféré, vint alors à pourrir. | 
| (Pause) — 26 — | |
| 51 | Or, en Égypte, il fallu que meurent Les premiers-nés dans toutes les demeures ; Les camps de Cham furent dans la détresse, Dieu fit tomber la fleur de sa jeunesse. | 
| 52 | Il fit sortir les siens comme un troupeau Quʼil dirigea vers un destin nouveau. | 
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| 53 | Il les guidait en sûreté, sans crainte. La mer couvrit la multitude éteinte | 
| 54 | Des ennemis. Il ouvrit le passage Pour les conduire à son saint héritage, Jusquʼà ce mont précieux et choisi Que par son bras lui-même il a conquis. | 
| — 28 — | |
| 55 | Il installa tout son peuple à la place Des nations que devant eux il chasse ; Là, Israël put déployer ses tentes. | 
| 56 | Malgré ces dons immenses ils le tentent ; Ces révoltés, irritant lʼÉternel, Nʼont pas gardé son contrat solennel. | 
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| 57 | Eux, donc, suivant la nature faussaire De leurs aïeux, bientôt se détournèrent ; À lʼarc déviant ils ont été semblables, | 
| 58 | En adorant les dieux abominables, Sur les hauts-lieux quʼils élevaient partout ; Ils ont tant fait pour rendre Dieu jaloux. | 
| (Pause) — 30 — | |
| 59 | Mais lʼÉternel, considérant leur vice, Prit un dégoût si grand de leur caprice Quʼil dédaigna bien fort sa race élue. | 
| 60 | Quittant Silo, sa demeure déchue, Le tabernacle saint où résida Pendant longtemps sa présence ici-bas. | 
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| 61 | Il a laissé sa force prisonnière, Lʼarche, sa gloire, aux mains de lʼadversaire. | 
| 62 | Sa nation trop ingrate est livrée À la merci de la sanglante épée ; Tant son courroux fut alors allumé Contre Israël son héritage aimé. | 
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| 63 | Tout sʼenflammait, et les feux consumèrent Les jeunes gens ; les filles demeurèrent Sans nul festin ni chants de mariage ; | 
| 64 | Les prêtres saints tombaient dans ce carnage ; Les veuves même, en si grandes douleurs Devaient cacher à tous les yeux leurs pleurs. | 
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| 65 | Enfin pourtant, comme lʼon voit un homme Ayant bien bu puis fait un profond somme Qui pousse un cri soudain et se réveille, | 
| 66 | Dieu sʼéveilla pour rendre la pareille Aux ennemis quʼà revers il frappa, Et dʼune honte éternelle marqua. | 
| (Pause) — 34 — | |
| 67 | Mais il priva Joseph du tabernacle, Loin dʼEphraïm, il mit son habitacle ; | 
| 68 | Car la tribu de Juda fut choisie, Sion devint sa montagne chérie ; | 
| 69 | Cʼest là quʼon voit par lui édifié Le haut palais à lui seul dédié. | 
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| Cette maison qui lui est dédiée Reste toujours sur Lui seul appuyée, Autant ou plus que cette terre ronde. | |
| 70 | Puis il choisit du milieu de ce monde Son serviteur David, tel quʼil était, Simple berger des brebis quʼil gardait. | 
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| 71 | Le prenant là, près du bétail champêtre, Il lui remit son propre peuple à paître, Lui confiant Jacob, son héritage. | 
| 72 | Et cʼest ainsi quʼavec un franc courage David, depuis, les a toujours menés Et sous sa main sagement gouvernés. | 
a Tsoan, ville d'Égypte, proche du delta.