Ils seront peut-être plus frappés des prophéties qu’on trouve dans l’Évangile : il y en a plusieurs qui sont assez expresses ; mais nous en choisirons une entre les autres, pour nous attacher à son examen : c’est celle qui regarde la dernière ruine de Jérusalem.
Il n’est pas difficile de s’apercevoir d’abord qu’elle est marquée fort clairement par les évangélistes, qui la mettent en la bouche de Jésus-Christ, et qu’elle a eu un accomplissement fort exact.
La prophétie est exprimée en ces paroles : Alors Jésus répondant, lui dit : Ne vois-tu pas tous ces grands bâtiments ? Il ne sera laissé pierre sur pierre qui ne soit démolie, etc. Or, quand vous entendrez des guerres, des bruits de guerre, ne soyez point troublés, car il faut que ces choses arrivent ; mais encore ne sera-ce pas là la fin, car nation s’élèvera contre nation, et royaume contre royaume ; et il y aura des tremblements de terre en tous lieux et des famines et des troubles ; car toutes ces choses sont un commencement de douleurs, etc. Or, quand vous verrez l’abomination de la désolation (qui a été dite par Daniel le prophète) être établie là où elle ne doit point l’être (qui lit l’entende), alors que ceux qui sont en Judée s’enfuient aux montagnes, et que celui qui sera sur la maison ne descende point, etc. Mais malheur sur celles qui seront enceintes, et sur celles qui allaiteront en ces jours-là ; car en ces jours il y aura une telle affliction, qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement de la création des choses que Dieu a créées, jusqu’à maintenant, et il n’y en aura point de pareille, et si le Seigneur n’eût abrégé ces jours-là à cause des élus, etc. Et alors, si quelqu’un vous dit : Voici le Christ est ici, ou, voici il est là, ne le croyez point ; car il y aura de faux christs et de faux prophètes qui s’élèveront, et qui feront des signes et des miracles pour séduire même les élus, s’il était possible ; mais donnez-vous en garde. Voici je vous ai prédit le tout.
Il ne faut pas être fort versé dans l’histoire des Juifs pour voir que cette prophétie a été exactement accomplie. Ceux qui en douteront n’ont qu’à jeter les yeux sur l’histoire qu’en lait Josèphe ; on y trouvera des troubles, des guerres, des bruits de guerre, des famines, des tremblements de terre de lieu en lieu, qui devancèrent de quelques années la dernière désolation de la Judée ; on y remarquera Jérusalem environnée d’armées, et foulée par les nations ; on y verra un temps où le meilleur était, pour les habitants de ce malheureux pays, d’abandonner le séjour des villes, et de se retirer aux montagnes ; on y verra le temple de Jérusalem brûlé et démoli, sans qu’il y restât pierre sur pierre ; on sera convaincu qu’il n’y eut jamais d’affliction égale à l’affliction de ces jours-là ; on ne sera plus en peine de savoir quelle est cette abomination de la désolation établie au lieu saint dont parle Daniel le prophète, puisqu’on verra les Juifs s’en aller dans le temple, et là s’égorger les uns les autres un jour de fête solennelle. Que si l’on veut ensuite consulter nos historiens ecclésiastiques, ou les premiers des Pères, on trouvera qu’ils rapportent tous unanimement que les fidèles disciples de Jésus-Christ qui étaient à Jérusalem, se retirèrent dans une petite ville nommée Pella, après en avoir été avertis divinement ; et l’on cessera de trouver obscures ces paroles de Jésus-Christ : Priez que votre fuite n’arrive point en hiver, etc. Il y a peu de gens qui ne voient la conformité de cette prophétie avec l’événement, et ce n’est pas là ce qui peut nous arrêter ; mais il n’est pas si certain que cette prophétie n’ait été faite après l’événement, et c’est là-dessus qu’il importe d’insister un peu.
Il paraît d’abord que les Évangiles où elle est rapportée, ont été composés avant la ruine de Jérusalem, puisque saint Luc n’écrivit le livre des Actes qu’après avoir composé son Évangile, comme il le témoigne lui-même en ces mots : Nous avons fait le premier traité, ô Théophile ! touchant toutes les choses que Jésus s’est mis à faire et à enseigner, etc., et que d’ailleurs saint Luc paraît avoir écrit le livre des Actes avant la ruine de Jérusalem, puisque, bien loin de faire quelque mention de cet événement, il parle de Jérusalem comme d’une ville qui subsistait encore, et où il y avait une Église chrétienne qui fleurissait.
Mais ce n’est pas là ce qui fait de la peine, et l’on demande si cette prophétie n’aurait pas été insérée dans l’Évangile par quelques chrétiens zélés, qui, ayant vu la désolation de Jérusalem, en eussent pris occasion de faire honneur à leur maître, en supposant qu’il l’avait prédite.
Pour nous éclaircir là-dessus, nous remarquerons, 1° que cette prophétie étant la même en substance dans les trois Évangiles où elle est rapportée, est exprimée pourtant d’une manière différente, et qui nous persuade que ce n’est pas un même auteur qui l’a insérée dans l’Évangile selon saint Matthieu, dans l’Évangile selon saint Marc, et dans l’Évangile selon saint Luc ; car, pour n’en examiner que l’entrée et le commencement, voici comment saint Matthieu la rapporte : Et Jésus leur dit : Ne voyez-vous pas toutes ces choses ? En vérité je vous dis qu’il ne sera ici laissé pierre sur pierre qui ne soit démolie. Et lui étant assis sur la montagne des Oliviers, les disciples vinrent à lui à part, disant : Dis-nous quand ces choses arriveront, etc. Voici maintenant de quelle manière ce commencement est exprimé en saint Luc : Et comme quelques-uns disaient du temple qu’il était orné de belles pierres, il dit : Est-ce là ce que vous regardez ? Les jours viendront auxquels il ne sera laissé pierre sur pierre. Alors (il ne dit pas lorsqu’il était assis sur la montagne des Oliviers, comme saint Matthieu) ils l’interrogèrent, disant : Maître, quand sera-ce donc que ces choses arriveront ? etc. Enfin, c’est de cette sorte que saint Marc entre dans cette narration : Et comme il parlait du temple, un de ses disciples lui dit : Maître, regarde quelles pierres et quels bâtiments. Alors Jésus répondant, lui dit : Ne vois-tu pas ces grands bâtiments ? il ne sera laissé pierre sur pierre qui ne soit démolie. Et comme il était assis au mont des Oliviers, vis-à-vis du temple, Pierre et Jacques, Jean et André l’interrogèrent à part, disant : Dis-nous quand ces choses, etc. Ce dernier explique et accorde parfaitement les deux autres, en faisant connaître toutes les circonstances du fait, savoir, que Jésus fut deux fois interrogé sur le sujet des bâtiments du temple, et que la dernière fois il était assis sur la montagne des Oliviers, d’où l’on voyait le temple, et où cette vue donna occasion à ses disciples de le faire expliquer sur ce qu’il avait déjà dit de sa démolition lorsqu’il était dans le temple même. Cependant il faut avouer que cette petite diversité qui se trouve à cet égard entre les évangélistes, détruit entièrement le soupçon qu’on peut avoir que cette prophétie ait été supposée par quelqu’un qui l’ait insérée dans les trois Évangiles.
2° Il est très remarquable que les disciples, ayant confondu deux événements très éloignés dans la demande qu’ils font à leur Maître, savoir, la ruine de Jérusalem et la fin du monde, lui disant : Dis-nous quand ces choses arriveront, et quel sera le signe de ton avènement et la fin du monde, Jésus-Christ répond sans détromper ses disciples, et sans distinguer ce qu’ils avaient confondu. Or, quelle apparence y a-t-il qu’un homme qui voit la ruine de Jérusalem, et qui ne voit pas qu’elle soit suivie de la fin du monde, mette cette question dans la bouche des disciples, sans faire rien dire à Jésus-Christ qui l’éclaircisse ?
3° Mais plutôt comment joindra-t-il, dans cette prédiction, à la ruine de Jérusalem la venue du Fils de l’homme sur les nuées, avec puissance et grande gloire ? Comment un homme, qui aurait été le témoin de la ruine de Jérusalem, dirait-il qu’incontinent après l’affliction de ces jours-là le soleil serait obscurci, et que la lune perdrait sa lumière ; que les étoiles tomberaient du ciel, et que les vertus des cieux seraient ébranlées ; que toutes les nations seraient comme rendant l’âme de peur en le voyant ; qu’elles se lamenteraient en se frappant la poitrine ? Comment aurait-il mêlé à l’histoire de ce fait toutes ces circonstances, dont la fausseté lui aurait été bien connue, puisqu’il aurait composé la prophétie après l’événement ?
Mais ne tombons-nous pas ici d’une difficulté dans une plus grande ? Car si tous ces signes qui devaient accompagner la ruine de Jérusalem ne sont pas réellement arrivés, où est la vérité de cette prophétie ?
Il y en a qui répondent à cette objection, en disant que Jésus-Christ s’exprime en cet endroit à la manière des prophètes, qui disent que Dieu vient, qu’il fait trembler la nature, qu’il émeut la terre et les cieux, lorsqu’il visite les hommes extraordinairement dans sa bonté ou dans sa justice. Ils ajoutent que les jugements que Jésus-Christ exerça sur les Juifs, nous sont représentés comme une venue, et comme une venue éclatante, à cause des fléaux épouvantables qu’il fit tomber sur eux. Mais j’aime mieux m’arrêter à une autre pensée, qui me paraît et plus raisonnable et plus naturelle ; c’est que Jésus-Christ ne trouvant pas à propos de désabuser ses disciples, qui, préoccupés favorablement pour leur nation, s’imaginaient que Jérusalem et le temple ne périraient jamais qu’avec le monde, il entre dans leur pensée, et leur représente ces deux événements par des traits communs.
Certainement je conçois qu’il pouvait y avoir plusieurs raisons qui obligèrent Jésus-Christ d’en user de la sorte ; car, sans dire ici que l’obscurité est le caractère des prophéties, et qu’il fallait que celle-ci fût mêlée de quelques ombres comme les autres, afin que personne ne pût connaître par avance le temps de son accomplissement, Dieu s’étant réservé cette connaissance, ce qui est marqué dans cette même prophétie ; Jésus-Christ ne devait-il pas suivre la coutume de tous les prophètes, qui est d’unir des événements très éloignés dans une seule vue prophétique, pour marquer que les choses éloignées se touchent aux yeux de Dieu ? D’ailleurs, la ruine de Jérusalem ayant été la plus grande et la plus parfaite image qui fût jamais de la fin du monde, qu’y avait-il de plus sage que de nous faire voir l’une au travers de l’autre, en suivant la vue des disciples, qui mêlaient ces deux événements ?
Il y eut des pestes, des guerres et des famines qui précédèrent la ruine de Jérusalem : il y en aura de même qui précéderont la fin du monde. Les lignées qui habitaient la Terre-Sainte se frappaient la poitrine en voyant les effets de la malédiction céleste tomber sur leur nation. Toutes les tribus de la terre seront consternées lorsque Dieu détruira ce bas monde pour juger les hommes. La ruine de Jérusalem n’arriva que lorsque l’Évangile eut été prêché par toute la terre, c’est-à-dire dans toutes les parties du monde qui étaient alors connues : la fin du monde n’arrivera point non plus, selon toutes les apparences, jusqu’à ce que toutes les nations barbares qui étaient demeurées cachées et inconnues, aient été appelées à croire en Jésus-Christ. Il y eut de faux christs et de faux prophètes qui parurent avant la dernière désolation des Juifs ; il y aura de même de faux docteurs qui tâcheront de séduire les hommes, et l’on doit dire : Le Christ est ici et il est là, avant le dernier jour. Avant la ruine de Jérusalem, Jésus-Christ assembla en des Églises chrétiennes les élus des quatre vents des cieux, et cela par la prédication de ses anges mystiques, qui étaient les apôtres. A la fin du monde, Jésus-Christ enverra les anges de sa gloire pour appeler ses élus de la poudre, et pour les relever de l’obscurité de leurs tombeaux : Car le Seigneur lui-même descendra du ciel avec cris d’exhortation et voix d’archange, et ceux qui sont morts en Christ ressusciteront. Il y eut des comètes et des signes affreux qui annoncèrent la ruine de Jérusalem ; la fumée de la ville et du temple embrasés dérobèrent le jour, et obscurcirent le soleil et les étoiles. Il ne faut pas douter que la désolation de toute la terre ne soit accompagnée de signes encore plus affreux et plus effrayants. Saint Pierre dit que la terre brûlera, que les éléments seront dissous par chaleur, etc. La dernière désolation des Juifs survint d’une manière assez inopinée : le dernier jour surviendra comme le larron en la nuit. Jérusalem et le temple furent entièrement détruits lorsque les Juifs eurent rempli la mesure de leurs péchés : ce monde où nous habitons doit périr lorsque le temps des nations sera accompli, comme parle Jésus-Christ dans cette prophétie que nous examinons.
Au reste, il semble que les disciples soient demeurés toujours préoccupés de cette pensée, que la ruine de Jérusalem serait immédiatement suivie de la fin du monde ; car lorsqu’il courut un bruit entre les disciples, que saint Jean ne mourrait point, fondé sur ce que Jésus-Christ avait dit à quelqu’un, en parlant de lui : Qu’en as-tu affaire, si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne ?Ils étendaient ce jusqu’à ce que je vienne jusqu’à la fin du monde ; et ils pouvaient le borner à la ruine de Jérusalem, qui est un temps que cet apôtre vit en effet, et auquel Jésus-Christ visita les Juifs en sa justice. D’ailleurs, cette tradition s’étant répandue, que le jour du Seigneur approchait, les Thessaloniciens en furent un peu troublés ; et c’est pour les rassurer que saint Paul leur tient ce langage : Nous vous prions, frères, que vous ne soyez point ébranlés d’entendement, ni troublés d’esprit, ni par parole, ni par épître, comme de notre part, comme si la journée de Christ était prochaine. Que nul ne vous séduise en quelle sorte que ce soit ; car ce jour-là ne viendra point que premièrement, etc.
Et en effet, il ne faut pas s’étonner si cette prophétie de Jésus-Christ, que ses disciples rapportaient fidèlement, laissait cette impression dans les esprits : car, d’un côté, Jésus-Christ caractérisait sa venue d’une telle sorte, qu’elle semblait devoir être suivie du jugement dernier, disant qu’il paraîtrait comme l’éclair qui sort d’orient et se montre en occident ; et de l’autre, il avait déclaré plusieurs fois que toutes ces choses arriveraient à cette génération ; que plusieurs de ceux qui étaient présents devant lui ne goûteraient point la mort jusqu’à ce qu’ils eussent vu toutes ces choses.
Jésus-Christ unissant deux événements dans une même description, mais deux événements subordonnés, semblables, et qui étaient l’image et l’original, sa prophétie devait avoir deux accomplissements, l’un prochain et l’autre éloigné. Voilà, ce me semble, le vrai dénouement de toutes ces difficultés. Les disciples confondaient deux événements éloignés, et Jésus-Christ les laisse dans cette préoccupation. Il faut que l’événement justifie les prophéties, et non pas que les prophéties s’opposent à l’événement : il faut donc qu’elles soient obscures avant que d’être accomplies, et claires lorsqu’elles le sont.
Mais, quelque vraisemblables que soient ces principes, je serais bien fâché qu’on pensât que j’appuie là-dessus la force de mon raisonnement. Je distingue la conjecture des principes certains. Je laisse toutes ces explications que je viens de donner au jugement du lecteur. Qu’on prenne mes vues, ou celles d’un autre, pour satisfaire à quelques difficultés qui s’y trouvent, il n’importe ; je m’attache à deux vérités, qui sont, à mon avis, sans difficulté ; l’une est que, de la manière que cette prophétie est circonstanciée, il est entièrement absurde de penser qu’elle ait été composée après l’événement, de sorte qu’un homme ait pris occasion de la ruine de Jérusalem, où l’on ne vit paraître que Tite et son armée, de faire dire à Jésus-Christ, en prédisant cette désolation, qu’il viendrait sur les nuées du ciel ; qu’il enverrait ses anges pour assembler ses élus des quatre vents du ciel ; qu’on le verrait venir avec puissance et grande gloire ; qu’il serait vu de même qu’un éclair qui part d’orient et se montre en occident ; que toutes les lignées de la terre se frapperaient la poitrine en le voyant venir ; que ce jour viendrait inopinément comme celui de l’embrasement de Sodome.
La seconde vérité, qui me paraît incontestable, est que, nonobstant ces petites ombres que la sagesse de Dieu a trouvé bon de mêler à cette prophétie, elle est pourtant, à tout prendre, extrêmement exacte, extrêmement circonstanciée, et si clairement accomplie, qu’on est obligé de reconnaître que si elle était avant l’événement, elle ne pouvait sortir que d’un esprit prophétique. Que trouve-t-on, en effet, dans l’histoire, qu’on ne voie d’abord dans la prophétie ? Les commencements, les degrés et la perfection du malheur des Juifs, tout s’y trouve ; on n’y prédit plus une captivité particulière de ce peuple, mais une dispersion générale de la nation : t ils seront menés captifs par toutes les nations… Jésus-Christ pleure en une autre occasion sur Jérusalem, en y entrant, et prononce ces paroles touchantes : O, si toi aussi eusses connu, du moins en cette tienne journée, les choses qui appartiennent à ta paix ! mais maintenant elles sont cachées de devant tes yeux ; car les jours viendront sur toi que tes ennemis t’assiégeront de tranchées, et t’environneront, et te serreront de tous côtés, et te raseront, toi et les enfants qui sont en toi, et ne laisseront en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as point connu le temps de ta visitation.
En vérité, croit-on qu’on ait inséré dans l’Évangile que Jésus-Christ pleura sur les malheurs qui devaient arriver à Jérusalem ? Y a-t-on inséré encore toutes ces similitudes prophétiques, dans lesquelles Jésus-Christ menace les Juifs de leur perte, leur disant, tantôt que le père de famille louera sa vigne à d’autres vignerons, après les avoir exterminés comme des serviteurs infidèles ; tantôt que le roi qui les a invités aux noces de son fils, enverra ses gendarmes pour les faire périr, et pour brûler leur ville ?
Mais sans aller chercher si loin les choses, un des caractères auxquels on devait connaître que l’événement prédit par Jésus-Christ approchait, était quand les peuples auraient été appelés à la connaissance du vrai Dieu : c’est ce qui est dit expressément dans les endroits que nous avons déjà cités. Il faut donc que celui qui a inséré cette prophétie, s’imaginât que de son temps les nations avaient été appelées à la connaissance de Jésus-Christ. Il y avait donc une infinité de chrétiens dispersés dans le monde : les écrits des apôtres étaient entre les mains d’une infinité de personnes ; comment y changer, y ajouter plusieurs similitudes, plusieurs chapitres, et corrompre trois Évangiles dans trois endroits essentiels ? Si on l’a fait dans l’Asie, comment a-t-on fait passer cette supposition dans l’Europe, où il fallait qu’il y eût une infinité d’exemplaires de cet Évangile ? Car les Évangiles ont été les premiers composés de tous les livres du Nouveau Testament.
Les incrédules ne s’aperçoivent-ils pas que la vérité détruit plus de doutes qu’ils n’en peuvent former ; qu’ils font continuellement violence à leur raison en résistant à une vérité qui renaît de tant de côtés ; et que si leur raison plie et se détourne au gré de leurs passions, pour ne regarder jamais du bon côté, les objets, la nature des choses, et la vérité qui est immuable, ne gauchissent point pour suivre les caprices de leur esprit, ou les penchants de leur cœur ?