Saint Augustin est né à Tagaste, petite ville de Numidie, le 13 novembre 354, d’un père païen. Patritius, et d’une mère chrétienne, Monique. Admirablement doué, il fit d’excellentes études à Tagaste d’abord, puis à Madaure, et enfin à Carthage en 371. A Carthage cependant, il contracta une liaison irrégulière qui dura seize ans et dont il eut Adéodat (372), et versa dans le manichéisme (374). Ses études achevées à dix-neuf ans, il enseigna successivement à Tagaste et à Carthage et, en 383, s’embarqua pour l’Italie et pour Rome, où il obtint, par la protection du préfet Symmaque, une chaire de rhétorique à Milan (384). C’est là que la grâce l’attendait. A Milan, il entend saint Ambroise et confère parfois avec lui ; il lit quelques écrits néoplatoniciens traduits par Marius Victorinus ; la crise finale se produit au mois d’août 386 ; saint Augustin, converti, reçoit le baptême à Pâques 387 et, après la mort de sa mère, dont les larmes et les prières avaient obtenu son retour à Dieu, rentre en Afrique à l’automne de 388. Il séjourne quelque temps à Tagaste avec quelques amis ; puis, à l’occasion d’un voyage à Hippone en 491, est réclamé comme prêtre par la communauté chrétienne de cette ville et ordonné. Trois ans après, en 394 ou 395, il devient, par la consécration épiscopale, le coadjuteur de l’évêque Valère et, en 395 ou 396, son successeur sur le siège d’Hippone.
A partir de ce moment, sa vie fut toute partagée entre la lutte contre les hérétiques et les schismatiques du dehors, l’administration de son diocèse, l’instruction de son peuple, le soin de son clergé et, l’on peut dire, la sollicitude de l’Église entière. L’invasion des Vandales mit le comble à ses travaux et à ses peines. Le 28 août 430, dans Hippone assiégée, Augustin rendait son âme à Dieu, au milieu des sentiments les plus vifs de pénitence. Il était dans sa soixante-seizième année.
Saint Augustin est le plus grand génie qu’ait possédé l’Église. Son intelligence, naturellement pénétrante, s’enfonçait avec aisance dans les problèmes les plus abstraits et les plus ardus, ou bien abordait sans effort les plus hautes considérations. Sa conception était vive, rapide, variée à l’infini, capable d’embrasser les sujets les plus dissemblables et de s’accommoder à tous. Il a été métaphysicien et psychologue, théologien et orateur, moraliste et historien ; il s’est appliqué à la controverse et à l’exégèse, et il s’est occupé de nombres et d’esthétique, de musique et de grammaire : il a même cultivé la poésie. Aucun travail, semble-t-il, ne pouvait lasser cet infatigable esprit. Joignons à cette puissance intellectuelle une sensibilité exquise, un caractère généreux et sympathique toujours porté à l’indulgence et au pardon ; une piété profonde, le don des larmes, celui de lire dans son âme — dans toutes les âmes — et d’en traduire excellemment les émotions les plus secrètes ; puis un sens pratique et un art d’administrer les affaires et de conduire les hommes qu’on n’eût pas attendu de ce contemplatif et de ce philosophe. On comprend que la réunion de toutes ces qualités ait valu à saint Augustin, pendant sa vie, une notoriété et une considération exceptionnelles, après sa mort la plus grande autorité que l’Église ait jamais attachée au nom de l’un de ses docteurs. Et cette autorité a paru telle qu’elle n’a pas été invoquée seulement par les orthodoxes : les hétérodoxes aussi se sont efforcés de s’en prévaloir et d’abriter sous le patronage de l’évêque d’Hippone leurs systèmes et leurs erreurs.
Cependant l’écrivain n’a pas été, chez Augustin, à la hauteur du penseur. Ce n’est pas qu’il ignore les règles de la composition et de l’art de bien dire, ayant été professeur d’éloquence. Son style est, comme sa pensée, noble, élevé, plein d’originalité, de variété, de mouvement et de vie. Mais il porte les marques de la décadence. On y trouve trop de subtilité et de pointes, d’antithèses recherchées, d’assonances voulues. L’auteur n’hésite pas d’ailleurs, quand il le croit utile à ses lecteurs ou à ses auditeurs, à parler le langage populaire et à paraître « barbare ». Sa règle suprême était toujours le bien des âmes.
Saint Augustin est l’auteur le plus fécond des Pères occidentaux. Lui-même, à la fin de sa vie, a fait, dans ses Rétractations (vers 427)a, une revue de ses ouvrages qui en indique l’occasion et en corrige les fautes surtout dogmatiques, et qui porte sur quatre-vingt-quatorze écrits. Entre ces écrits il faut mettre à part et au premier rang les Confessions, en treize livres composés vers l’an 400, et dont les neuf premiers racontent la vie de l’auteur jusqu’à la mort de sa mère en 387b. Tout l’ouvrage est une effusion de cœur au Dieu qui sait tout d’Augustin, et qui l’a ramené à la vérité et au bien. C’est des Confessions surtout qu’il est vrai de dire que l’auteur y a fait passer toute son âme, et que « sur telle de ses pages il tombera toujours des larmes » (L. Duchesne).
a – Le mot Rétractations ne doit pas s’entendre ici au sens que nous lui donnerions aujourd’hui, mais an sens étymologique, traiter de nouveau, révision.
b – Le mot Confessions doit être entendu ici dans le sens de louanges (à Dieu) plutôt que dans celui d’aveux ou confidences.
Les autres écrits de saint Augustin peuvent se classer en ouvrages 1° philosophiques ; 2° apologétiques ; 3° exégétiques ; 4° dogmatiques ; 5° polémiques ; 6° écrits de morale et de pastorale ; 7° œuvres oratoires ; 8° lettres et poésies.
I. Philosophiec
c – Sur saint Augustin philosophe, voir J. F. Nourisson, La philosophie de S. Augustin, 2e éd., Paris, 1866. Ferraz, De la psychologie de S. Augustin, Paris, 1862. L. Grandgeorge, S. Augustin et le néoplatonisme, Paris, 1896. J. Martin, S. Augustin, Paris, 1901.
Si l’on excepte un écrit De apto et pulchro, composé avant sa conversion et que nous n’avons plus, les ouvrages philosophiques de saint Augustin datent tous de la période qui précéda ou qui suivit immédiatement son baptême. Les conversations qu’il eut avec ses amis dans la retraite de Cassiciacuin, pendant l’hiver de 386-387, amenèrent la composition des trois livres Contre les Académiciens, qui établissent la possibilité d’atteindre la vérité ; du traité De la vie heureuse (De beata vita), qui prouve que le bonheur consiste dans la parfaite connaissance de Dieu ; et du traité De l’ordre, qui traite de l’ordre divin du monde et aborde, sans l’approfondir encore, la question de l’origine du mal. Ces ouvrages sont en forme de dialogues. Ils se continuèrent par deux livres de Soliloques (authentiques), sur la recherche des vérités suprasensibles, auxquels l’auteur en ajouta un troisième à Milan, en 387, sous le titre De l’immortalité de l’âme. En même temps, il commençait, sur les sept arts libéraux, une suite d’écrits dont il reste seulement quelques extraits Sur la grammaire, et des ébauches sur la Dialectique Principia dialecticae) et la Rhétorique (Principia rhetoricae). Seul, le traité sur la Musique, ou du moins sur le Rythme De musica libri sex), est achevé. Si l’on ajoute à cela les deux dialogues sur l’immatérialité de l’âme (De quantitate animae) et Sur le maître, composés après Pâques 387, l’un à Rome, l’autre en Afrique, on aura la liste des œuvres philosophiques sûrement sorties de la plume d’Augustin. La philosophie qu’il y développe est généralement la doctrine du néoplatonisme, celle qui avait manifestement ses préférences comme la plus spiritualiste, et qu’il croyait la plus capable d’amener l’intelligence au christianisme ; mais il se garde d’ailleurs contre l’illuminisme qui était le péril de ce système, et contre les erreurs qu’on lui pouvait reprocher.
II. Apologie.
Le principal ouvrage d’apologétique de saint Augustin est son traité De la cité de Dieu, son ouvrage le plus lu après les Confessions. La prise de Rome par Alaric en 410 avait été l’occasion pour les païens de renouveler contre le christianisme l’accusation d’être la cause de la ruine de l’empire. Saint Augustin voulut répondre à ce reproche, mais il élargit son sujet, et, en vingt-deux livres, écrits entre les années 413 et 426, il traita complètement des rapports du christianisme et du paganisme, et du plan divin dans la conduite des événements du monde. L’ouvrage se divise en deux parties : les dix premiers livres réfutent la croyance populaire que la prospérité des États est liée au culte polythéiste (i-v), et l’opinion des philosophes que ce même culte, bien compris, est nécessaire au bonheur de la vie future (vi-x). Dans la deuxième partie, qui comprend les douze derniers livres, l’auteur met en parallèle les deux cités, cité du bien, représentée par la vraie religion (monothéisme, judaïsme, christianisme), et cité du mal, représentée par l’erreur et le paganisme. Il les étudie dans leur origine (xi-xiv), leur développement et leurs progrès (xv-xviii) et dans la fin qui les attend (xix-xxii). Dans cet immense cadre l’auteur a fait entrer toute une théologie et toute une philosophie de l’histoire. L’idée générale est fortement conçue et les détails intéressants sont nombreux ; mais, peut-être parce que l’auteur a mis treize ans à les composer, les divers livres de l’ouvrage ne sont pas rigoureusement enchaînés et se présentent trop comme des dissertations indépendantes. Ce même défaut se retrouve d’ailleurs à l’intérieur de chaque livre, où abondent les digressions qui détournent du sujet principal et le font perdre de vue.
A côté de cette grande apologie de saint Augustin, nommons deux autres de ses écrits qui poursuivent un but analogue : une dissertation contre la divination païenne, De divinatione daemonum (406-411), et un traité ou sermon Contre les juifs.
III. Exégèse
Saint Augustin a commenté les Livres Saints soit dans ses homélies adressées aux fidèles, soit dans des traités et commentaires écrits. Le texte qu’il expliquait était généralement celui de l’ancienne Itala usité en Afrique, car il ignorait l’hébreu et ne savait qu’imparfaitement le grec. Dans ses traités écrits, il recherche le sens littéral, qu’il sent bien être le sens fondamental et vrai ; mais, dans ses homélies, il développe volontiers le sens spirituel et allégorique, que son génie libre et fécond mettait aisément en lumière.
Entre les écrits exégétiques de saint Augustin, il faut signaler, comme les plus importants, d’abord les quatre livres De la doctrine chrétienne (397-426), petit manuel d’herméneutique, dans lequel il indique les règles à suivre pour découvrir le vrai sens des Écritures (i-iii) et pour bien les expliquer aux fidèles (iv) ; puis les homélies sur les Psaumes (Enarrationes in psalmos), prédications populaires pleines de vie et d’originalité ; les cent vingt-quatre tractatus sur saint Jean (In Joannis evangelium), prêchés vers 416, remarquables par leur théologie et leur doctrine mystique ; et enfin les quatre livres De consensu evangelistarum (vers l’an 399), où l’auteur soutient l’absolue inerrance des évangiles.
Mentionnons après cela, pour l’Ancien Testament : 1° Trois commentaires sur la Genèse, dont aucun ne satisfaisait son auteur : De Genesi contra manichacos, antérieur à 391 (trop allégorique) ; De Genesi ad litteram imperfectus liber (vers 393, n’explique que le premier chapitre), et les douze livres De Genesi ad litteram (401-415), qui ne vont pas au delà du chapitre troisième. 2° Deux ouvrages sur l’Heptateuque, Locutionum libri septeni et Quaestionum in heptateuchum libri septem (tous deux vers 419), éclaircissements de mots ou de passages difficiles de cette partie de la Bible. 3° Enfin des Adnotationes in Job, simples notes non rédigées. — Pour le Nouveau Testament : 1° Deux livres de Questions sur les évangiles (de saint Matthieu et de saint Luc, vers 399) ; 2° Deux livres Sur le sermon sur la montagne (vers 393) ; 3° Dix tractatus ou homélies sur la première épître de saint Jean (vers 416) ; 4° deux essais sur l’épître aux Romains, Expositio quarumdam propositionum ex epistola ad Romanos et Epistolae ad Romanos inchoata expositio (vers 394) ; 5° un autre essai sur l’épître aux Galates, Epistolae ad Galatas expositio (vers 394) ; 6° enfin une explication (perdue) de l’épître de saint Jacques.
IV. Dogme.
Quel que soit cependant le mérite de saint Augustin exégète, c’est comme théologien surtout qu’il est sans rival. Nul n’a porté dans les vérités du monde surnaturel un regard aussi profond, n’en a mieux saisi le lien et la signification intime et n’en a mieux révélé les mystères. Il est la source à laquelle tout le moyen âge a puisé et qui alimente encore la théologie moderne.
Le plus important et le plus étendu de ses ouvrages dogmatiques est le traité De la Trinité en quinze livres, commencé en 398 environ et achevé après 416, où l’auteur a tout à la fois résumé la tradition antérieure et renouvelé son sujet. Les sept premiers livres exposent le dogme d’après l’Écriture ; les huit derniers s’efforcent de le justifier et de l’éclairer rationnellement dans la mesure du possible : c’est le prélude aux efforts du moyen âge dans ce sens. — Après le De Trinitate, il faut mettre, par ordre d’importance, l’Enchiridion ad Laurentium (vers 421), abrégé net et précis de la doctrine chrétienne. — Le livre De la foi et du symbole (393) explique le symbole baptismal ; le De fide rerum quae non videntur (après 399) est une justification de la foi aux vérités surnaturelles ; le De fide et operibus (413) établit la nécessité des bonnes œuvres pour le salut. Dans les deux livres De conjugiis adulterinis (vers 419), l’auteur soutient l’absolue indissolubilité du mariage ; et dans le De cura gerenda pro mortuis (vers 421), il s’explique sur la façon dont nous devons secourir les morts. Enfin trois ouvrages, ou plutôt trois recueils de réponses traitent de sujets mêlés de dogme et d’exégèse ; ce sont : De diversis quaestionibus LXXXIII (commencé en 388) ; De diversis quaestionibus ad Simplicianum libri duo (vers 397), et De octo Dulcitii quaestionibus (422 ou 425).
V. Polémique.
Les écrits dogmatiques de S. Augustin se continuent par ses écrits polémiques, puisque ceux-ci ont, en définitive, le dogme pour objet, et que c’est en bataillant contre les schismatiques et les hérétiques que l’évêque d’Hippone a précisément émis ses idées les plus neuves et les plus fécondes pour la théologie de l’avenir. Manichéisme, priscillianisme, donatisme, pélagianisme, arianisme, Augustin a combattu toutes les erreurs de son temps, tantôt renforçant contre elles des réfutations déjà anciennes, tantôt créant presque de toutes pièces — contre le pélagianisme par exemple — l’arsenal des armes à leur opposer, mais toujours maintenant la discussion à cette hauteur impersonnelle d’où elle ne doit pas descendre et où elle ne se passionne que pour la vérité.
Mettons d’abord à part le traité Des hérésies, écrit vers 428, et qui est surtout historique.
Contre les manichéensd, les premiers qui attirèrent son attention, saint Augustin écrivit une douzaine d’ouvrages dans lesquels il réfutait leurs principes et dévoilait l’immoralité réelle de leur vie : Des mœurs de l’Église catholique et des mœurs des manichéens, en deux livres publiés vers 389 ; Du libre arbitre, en trois livres publiés vers 395 ; De la vraie religion (390) ; De l’utilité de croire, à Honorat (391) ; Des deux âmes, contre les manichéens (391) ; Actes ou Discussion contre le manichéen Fortunat (392) ; Contre Adimantus, disciple de Manès (vers 394) ; Contre l’épître de Manès qu’on appelle du Fondement (396-397) ; Contre Fauste le manichéen, en trente-trois livres, l’ouvrage le plus étendu de tous (vers 400) ; Actes (de la discussion) avec Félix le manichéen, en deux livres (404) ; De la nature du bien contre les manichéens (après 404) ; Contre Secundinus le manichéen (vers 405), petit ouvrage achevé. On a signalé ci-dessus, à l’exégèse, le commentaire de la Genèse contre les manichéens ; et ce sont encore eux qui sont visés dans le Contra adversarium Legis et prophetarum (420), où saint Augustin réfute l’erreur qui attribue au diable l’origine de l’Ancien Testament. — Quant aux priscillianistes, avec qui l’évêque d’Hippone ne fut pas en rapport direct, il écrivit seulement contre eux un Livre à Orose contre les priscillianistes et les origénistes (415).
d – Voir C. Douais, Saint Augustin contre le manichéisme de son temps, Paris, 1895.
Avec les donatistes, le sujet de la controverse descendait des hauteurs de la métaphysique aux questions plus positives de la sainteté de l’Église et de la valeur des sacrements administrés par les pécheurs notoires. Saint Augustin trouvait le parti donatiste fortement organisé : il l’attaqua résolument et eut la joie, avant sa mort, de le voir sensiblement décliner. Nous possédons de lui, contre le schisme, onze ouvrages : Psaume contre le parti de Donat (393), psaume abécédaire, en style populaire, destiné à être chanté dans l’église ; Contre l’épître de Parménien (vers 400) ; Du baptême contre les donatistes (vers 400) en sept livres, très important ; Contre les lettres de Pétilien le donatiste (400-402) en trois livres, important aussi ; Contre le grammairien Cresconius (vers 406), en quatre livres. Vers 410, Augustin donne Du baptême unique contre Pétilien ; en 411, l’abrégé des actes de la conférence de Carthage, Breviculus collationis cum donatistis ; en 412, Aux Donatistes, après la conférence. Mentionnons enfin un Sermon au peuple de l’Église de Césarée ; une relation de ce qui s’est passé entre lui et l’évêque Emeritus (Degestis cum Emerito caesareensi donatistarum episcopo, 418), et deux livres Contre Gaudentius évêque des donatistes (vers 420). Huit autres ouvrages contre le schisme, dont nous connaissons les titres, sont perdus.
Contre le pélagianisme, la plus récente des erreurs qu’il ait eu à combattre, puisqu’elle est née de son temps, saint Augustin a dirigé une quinzaine d’écrits : en 412, De peccatorum meritis et remissione, ouvrage classique, puis De l’esprit et de la lettre ; en 415, De la nature et de la grâce, contre Pélage ; en 415 encore, Liber de perfectione justitiae hominis, contre Celestius ; en 417, De gestis Pelagii, important pour l’histoire ; en 418, les deux livres De la grâce du Christ et du péché originel ; en 419, les deux livres Des noces et de la concupiscence ; et cette même année encore les quatre livres De l’âme et de son origine ; en 420 environ, quatre livres Contre deux lettres des pélagiens ; en 421 ou peu après, six livres Contre Julien. Puis, comme des difficultés sur sa doctrine troublaient les moines d’Adrumète, il leur adresse, en 426 ou 427, le traité De la grâce et du libre arbitre et celui De la correction et de la grâce, un des écrits où il a poussé le plus loin son système. Ajoutons-y, en 428-429, les deux ouvrages, qui d’abord n’en faisaient qu’un, De la prédestination des saints et Du don de la persévérance, envoyés à Prosper et à Hilaire, et enfin une seconde réponse à Julien d’Eclane qui est restée inachevée, Contra Julianum opus imperfectum (429-430).
Quant à l’arianisme, saint Augustin l’a combattu indirectement par son beau traité De la Trinité, déjà mentionné. Il l’a combattu aussi directement, en réfutant un manuel de théologie arienne dans son Contra sermonem arianorum liber unus (418), et en publiant sa réponse à l’évêque arien Maximin, Contra Maximinum haereticum, arianorum episcopum (427 ou 428).
VI. Morale et pastorale.
En même temps que polémiste redoutable et fécond, saint Augustin a été un moraliste judicieux et exact. On a de lui sous ce rapport un De agone christiano, de 396-397, qui est un encouragement au chrétien dans sa lutte contre le mal, et un Speculum (vers 427), qui n’est qu’un recueil de prescriptions tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament. Plus spécialement, il a établi le caractère absolument illicite du mensonge dans deux traités, Du mensonge (vers 395), écrit obscur et mal venu, et Contre le mensonge (vers 420) où se trouve sa pensée définitive. Les deux ouvrages De la continence (vers 395) et De la patience (antérieur à 418) sont, en partie, des reproductions de discours. Vers 401, les attaques de Jovinien contre la virginité l’amènent à composer d’abord le De bono conjugali, où il prouve l’excellence du mariage, mais ensuite le De sancta virginitate, où il montre la supériorité de la continence. De ce dernier ouvrage on peut rapprocher le livre De bono viduitatis (vers 414). Un autre livre Sur le travail des moines (vers 400) condamne les religieux oisifs, et veut qu’ils unissent à la prière le travail manuel. Enfin, à la théologie pastorale se rapporte l’opuscule De catechizandis rudibus (vers 400), la première théorie connue de catéchétique. On a perdu un livre Contra Hilarum, qui justifiait la récitation des psaumes pendant le sacrifice eucharistique.
VII Prédication.e
e – Sur S. Augustin prédicateur, voir Colincamp, Étude critique sur la méthode oratoire de S. Augustin, Paris, 1848. A. Regnier, La latinité des sermons de S. Augustin, Paris, 1887.
Cependant saint Augustin n’écrivait pas seulement, il parlait. A ses chrétiens d’Hippone, population rude et inculte de pêcheurs, il adressait chaque dimanche et aux jours de fête des instructions courtes, familières, toujours pleines d’intérêt et de vie. La note moralisante y domine, quel que soit d’ailleurs le sujet traité : l’orateur vise avant tout à convertir et à édifier son auditoire ; mais cette morale n’est ni vague ni languissante. Elle se présente souvent sous la forme d’un dialogue pressé, rapide, que le prédicateur imagine entre son peuple et lui, et dans lequel son génie déploie toute sa souplesse. L’auditeur, surpris par cette parole si originale et si directe, ne saurait être ni distrait ni assoupi : l’évêque d’Hippone s’est, dès le premier instant, imposé à son attention, en attendant qu’il gagne son cœur et l’amène à mieux vivre.
L’édition bénédictine des œuvres de saint Augustin compte trois cent soixante-trois sermons certainement authentiques, en dehors des Enarrationes et des Tractatus suivis sur des textes bibliques. Ces sermons se divisent en sermons sur l’Écriture (1 à 183), prononcés sur des leçons de l’Ancien ou du Nouveau Testament qu’ils expliquent et commentent ; sermons pour le temps (liturgique, 184 à 272), prêches à l’occasion des grandes fêtes chrétiennes de Notre Seigneur ou du temps du Carême ; sermons sur les saints (273 à 340), panégyriques de martyrs et d’autres saints ; sermons sur divers sujets (341 à 363), discours qui ne rentrent dans aucune des catégories précédentes, sur le dogme, la morale, ou discours de circonstance. En dehors de ce chiffre, on en a découvert et édité, depuis les bénédictins, un certain nombre dont quelques-uns seulement peuvent être tenus pour authentiques. Il n’est pas douteux d’ailleurs que beaucoup des discours de saint Augustin sont perdus. L’orateur parlait le plus souvent sans avoir écrit, et ses allocutions n’étaient pas toujours recueillies.
VIII. Correspondance. Poésies.
On possède de saint Augustin environ deux cent vingt lettres, qui vont de l’an 386 ou 387 à l’an 429. La plupart sont des réponses à des questions philosophiques, théologiques ou autres que l’on posait à l’évêque, et quelques-unes constituent de véritables traités. Une douzaine sont des lettres de consolation ; trente-sept environ ont un caractère intime et personnel plus marqué.
Enfin, en dehors du Psaume contre le parti de Donat, saint Augustin a laissé quelques pièces de poésie, peu nombreuses et de peu d’intérêt. On comprend qu’un tel homme, et si occupé, n’ait pu enchaîner son génie aux règles étroites que le rythme lui imposait. Pour les grandes questions qu’il devait approfondir et les sujets si variés qui sollicitaient son attention, il avait besoin de toute la liberté de sa pensée et de sa plume.