Synonymes du Nouveau Testament

75.
Σοφία, φρόνησις, γνῶσις, ἐπίγνωσις
Sagesse, intelligence, connaissance

Σοφία, φρόνησις et γνῶσις se rencontrent ensemble dans Daniel 1.4,17. Tous trois sont attribués à Dieu (dans Éphésiens 1.8 φρόνησις ne désigne pas la sagesse propre de Dieu mais celle qu’il donne à ses enfants) ; σοφία et γνῶσις se trouvent dans Romains 11.33 ; φρόνησις et σοφία, Proverbes 3.19 ; Jérémie 10.12. On a fait divers efforts pour tirer une exacte ligne de distinction entre ces mots. Variant dans les détails, ces distinctions ont ceci de commun, c’est que de tous ces mots σοφία est l’expression la plus élevée et la plus noble. Comme on le définit souvent, c’est la connaissance des choses divines et humaines, c’est la θείων καὶ ἀνθρωπίνων πραγμάτων ἐπιστήμη, comme la décrit Clément d’Alexandrie (Pœdag. 2.2) ; ajoutant cependant ailleurs, à l’exemple des Stoïciens avant lui : καὶ τῶν τούτων αἰτίων (Strom. 1.5c). Augustin établit entre σοφία et γνῶσις la distinction suivante (De Div. Quœst. 2, Qu. 2), : « Haec ita discerni solent, ut sapientia (σοφία) pertineat ad intellectum æternorum, scientia (γνῶσις) vero ad ea quae sensibus corporis experimur ; » et pour une discussion bien plus complète, voir De Tria, 12.22-24 ; 14.3.

c – Quant aux rapports entre φιλοσοφία (ἐπιτήδευσις σοφίας, Philo, De Cong. Erud. Grat. 14). et σοφία, voir Clemen., Strom. 1.5.

On a tiré, à peu de chose près, la même ligne de démarcation entre σοφία et φρόνησις ; ainsi Philon, qui définissait φρόνησις : le milieu entre la fourberie et la folie ; μέση πανουργίας καὶ μωρίας φρόνησις (Quod Deus Imm. 35), donne ailleurs la distinction entre φρόνησις et σοφία (De Prœm. et Pœn. 14). La voici : σοφία μὲν γὰρ πρὸς θεραπείαν Θεοῦ φρόνησις δὲ πρὸς ἀνθρωπίνου βίου διοίκησιν. Cette formule constituait la distinction habituelle et reçue, comme le prouvent ces paroles de Cicéron (De Off. 2.43) : « Princeps omnium virtutum est illa sapientia quam σοφίαν Græci vocant. Prudentiam enim, quant Græci φρόνησιν dicunt, aliam quandam intelligimus, quæ est rerum expetendarum fugiendarumque scientia ; illa autem sapientia, quam principem dixi, rerum est divinarum atque humanarum scientia. » Cf. Tusc 4.26. Dans tout ceci, Cicéron marche sur les traces d’Aristote qui définit φρόνησις (Ethic. Nic.. 6.5, 4) : ἓξις ἀληθὴς μετὰ λόγου πρακτικὴ περὶ τὰ ἀνθρώπῳ ἀγαθὰ καὶ κακά.

D’après ces citations, il est clair que les Pères ont basé leurs distinctions sur celles des philosophes païens, en élargissant simplement le sens et en l’approfondissant, comme cela doit arriver nécessairement quand on prend des termes moraux, employés dans un sens inférieur, pour les appliquer à un sens plus élevé.

Nous pouvons affirmer avec confiance que jamais, dans les Écritures, la σοφία n’est attribuée qu’à Dieu ou à des hommes de bien, à moins que ce ne soit dans un sens ironique et en ajoutant expressément ou en sous-entendant, τοῦ κόσμου τούτου (1 Corinthiens 1.20), τοῦ αἰῶνος τούτου (1 Corinthiens 2.6) ou tel autre mot (2 Corinthiens 1.12). De même les enfants de ce monde ne sont appelés σοφοί qu’avec l’ironie tacite ou exprimée de Luc 10.21 ; ils sont de fait les φάσκοντες εἶναι σοφοί de Romains 1.22. En effet, si la σοφία renferme l’idée de faire des efforts pour atteindre au meilleur but aussi bien que l’emploi des meilleurs moyens (cf. Arist. Ethic. Nic. 6.7, 3), il ne peut exister de sagesse séparée de la bonté, comme Platon, du reste, l’avait dit longtemps auparavant (Menex. 19) : πᾶσα ἐπιστήμη χωριζομένη δικαιοσύνης καὶ τῆς ἄλλης ἀρετῆς πανουργία οὐ σοφία φαίνεται. Voir comme beau parallèle : Siracide 19.20, 22. La vraie antithèse de σοφός est plutôt ἀνόητος (Romains 1.14) qu’ἀσύνετος, car, tandis que l’ἀσύνετος n’indique qu’un manque d’intelligence, dans ἀνόητος, il y a toujours une faute morale à la racine de l’intelligence, car le νοῦς la connaissance élevée à sa plus haute puissance chez l’homme, l’organe par lequel on connaît et on saisit les choses divines, est le dernier siège de l’erreur (Luc 24.25 : ὦ ἀνόητοι καὶ βραδεῖς τῇ καρδίᾳ Galates 3.1, 3 ; 1 Timothée 6.9 ; Tite 3.3). Ἄνοια (Luc 6.11 ; 2 Timothée 3.9) c’est toujours la folie qui touche à la méchanceté, et qui en dérive comme σοφία s’allie à la bonté.

Mais φρόνησις, juste application de la φρήν, est un terme moyen. Il peut se rattacher à σοφία (Proverbes 10.23 ; Platon échange les deux vocables, Symp. 202 a), et aussi se rapporter à πανουργία (Job 5.13 ; Sagesse 18.7). La φρόνησις adapte adroitement ses moyens à l’objet qu’elle désire, mais ne révèle rien à l’égard de la nature de cet objet. Quant aux diverses espèces de φρόνησις et aux sens très différents que le mot admet, consultez Basile le Grand, Hom. in Princ. Prov. § 6 ; Aristot., Rhet. 1.9. Il est vrai que chaque fois que φρόνησις se présente dans le N. T. (ἐν φρονήσει δικαίων, Luc 1.17 ; σοφίᾳ καὶ φρονήσει, Ephés.1.8), c’est pour désigner une prudence louable, mais malgré cela, φρόνησις n’est pas la sagesse, ni φρόνιμος l’homme sage ; aussi Augustin (De Gen. ad Lit. 11.2) a bien raison de s’opposer au « sapientissimus » par lequel une version latine avait traduit φρονιμώτατος, appliqué au serpent (Genèse 3.1). Voici ce que dit ce Père ; « Abusione nominis sapientia dicitur in malo ; » cf. Con. Gaud. 1.5. La même objection, et on l’a souvent mise en avant, tient bon contre l’expression de nos versions : « sagesd comme des serpents » (Matthieu 10.16), « plus sages que les enfants de lumière » (Luc 16.8).

d – La vieille version italique tombe peut-être dans l’autre extrême, en rendant ici φρόνιμοι par « astuti », quoique ce dernier mot ne suggérât nullement dans la basse latinité l’idée du mal d’une manière aussi prononcée qu’il le faisait dans le latin classique, ainsi que l’affirme Augustin (Ep. 167, 6).

A propos de la distinction entre σοφία et γνῶσις, Bengel nous offre la note suivante (Gnom. in 1 Corinthiens 12) ; « Illud certum, quod, ubi Deo ascribuntur, in solis objectis differunt ; vid. Romains 11.33. Ubi fidelibus tribuuntur, sapientia (σοφία) magis in longum, latum, profondum et altum penetrat, quam cognitio (γνῶσις). Cognitio est quasi visus : sapientia visus cura sapore ; cognitio, rerum agendarura ; sapientia, rerum æternarum ; quare etiam sapientia non dicitur abroganda. 1 Corinthiens 13.8 »

Quant à ἐπίγνωσις, comparé à γνῶσις, qu’il nous suffise de dire que ἐπί doit être considéré comme intensif, donnant au composé un sens plus fort que le simple ne possédait ; ainsi ἐπιμελέομαι, ἐπινοέω, ἐπαισθάνομαι. D’après la même règle, si γνῶσις est « cognitio », « Kenntniss », ἐπίγνωσις signifiera « major exactiorque cognitio » (Grotius), « Erkenntnis », une connaissance plus profonde et plus intime.

Voilà ce que nous croyons être sa signification ; ce n’est point « recognitio », dans le sens platonique de connaissance, c’est à dire une réminiscence, comme distinct de cognition, si ce terme est permis ; Jérôme (sur Éphésiens 4.13) et quelques modernes sont pour ce sens. Saint Paul, on se le rappelle, échange γινώσκω, qui exprime une connaissance présente, fragmentaire, contre ἐπιγνώσομαι, quand il veut exprimer une connaissance future, intuitive et complète (1 Corinthiens 13.12). Bengel a conservé cette distinction au moyen de « nosco » et de « pernoscam », et Culverwell (Spiritual Optics, p. 180) fournit la note suivante : « Ἐπίγνωσις et γνῶσις diffèrent. Ἐπίγνωσις est ἡ μετὰ τὴν πρώτην γνῶσιν τοῦ πράγματος παντελὴς κατὰ δύναμιν κατανόησις. C’est me faire mieux connaître une chose que je connaissais déjà, me faire voir plus nettement un objet que je voyais auparavant à une grande distance ; moyennant quoi, la connaissance partielle que nous avons eue ici-bas, sera grandement développée, notre œil sera ouvert pour contempler les mêmes choses, mais plus fortement et plus clairement ». L’emploi constant que Paul fait d’ἐπίγνωσις justifie cette distinction (Romains 1.28 ; 3.20 ; 10.2 ; Éphésiens 4.13 ; Philippiens 1.9 ; 1 Timothée 2.4 ; 2 Timothée 2.25).

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