Saint Augustin était une personnalité trop sympathique et trop puissante pour n’avoir pas beaucoup d’amis et de disciples. De ce nombre furent l’évêque d’Uzalis, Evodius († après 426), dont il reste quelques lettres et peut-être un traité De la foi contre les manichéens ; l’évêque de Carthage Aurélien, auteur d’une lettre encyclique contre les pélagiens en 419, et le successeur d’Aurélien, Capreolus († 435), dont on a deux lettres remarquables contre Nestorius et sa doctrine. A saint Augustin encore se rattachent le moine Leporius que l’évêque d’Hippone amena, en 418, à écrire une rétractation (Liber emendationis) de ses erreurs nestoriennes et pélagiennes, et surtout deux théologiens, Marius Mercator et saint Prosper qui menèrent vivement, après lui, la campagne contre les pélagiens.
Marius Mercator, africain d’origine, se trouvait probablement à Rome lorsque, en 418, il adressa à saint Augustin deux ouvrages que nous n’avons plus. En 429, il est à Constantinople, où il écoute Nestorius et recueille ses sermons. C’est là, selon toute apparence, qu’il passa le reste de sa vie, simple laïque ou du moins dans les rangs inférieurs du clergé, s’intéressant aux controverses et poursuivant de ses écrits les pélagiens et les nestoriens. Sa mort doit vraisemblablement se placer après le concile de Chalcédoine (451).
Mercator a laissé à la fois des ouvrages de son cru et des traductions latines de documents grecs, celles-ci plus précieuses pour nous que ses écrits originaux, parce qu’elles ont conservé certaines pièces qui, autrement, auraient péri. Contre les pélagiens nous avons : 1° un Commonitorium super nomine Caelestii, qui dénonçait l’hérésie de Julien, de Celestius et de leurs fauteurs, venus à Constantinople : l’ouvrage, écrit d’abord en grec en 429, fut traduit en latin par l’auteur en 431 ; 2° un Liber subnotationum in verba Juliani (431 ou 432), réfutation des erreurs de l’évêque d’Eclane sur le péché originel et la vraie cause de la mort ; 3° des traductions latines de divers opuscules concernant les pélagiens : on y trouve trois lettres de Nestorius au pape Célestin et à Celestius, quatre sermons de Nestorius contre le pélagianisme et des extraits du livre de Théodore de Mopsueste contre le péché originel. — Puis, contre Nestorius, nous possédons de Mercator : 1° une Epistola de discrimine inter haeresim Nestorii et dogmata Pauli Samosateni, Ebionis, Photini atque Marcelli, écrite en 429 ; 2° Nestorii blasphemiarum capitula XII, réfutation, écrite en 431, des douze contre-anathématismes que Nestorius avait opposés aux anathématismes de saint Cyrille ; 3° enfin des traductions latines de divers documents relatifs au nestorianisme, discours et lettres de Nestorius, discours de Proclus de Cyzique, lettres et opuscules de saint Cyrille, sixième session du concile d’Éphèse. extraits de Théodore de Mopsueste, etc. Dans ses traductions, Mercator vise surtout à une fidélité rigoureuse plus qu’à l’élégance et au beau style, dont il ne semble guère d’ailleurs avoir eu le secret.
Saint Prosper vint au monde en Aquitaine, autour de l’an 390, et y fit des études sérieuses et complètes. En 429, on le trouve en Provence, en compagnie d’un nommé Hilaire, s’occupant, bien que simple laïque, des questions de la grâce, et se prenant, pour l’évêque d’Hippone et pour sa doctrine, d’une admiration qui ne se démentit jamais. C’est de là et à cette date que les deux amis écrivirent à saint Augustin chacun une lettre, pour l’informer de l’opposition que son enseignement rencontrait dans les monastères du sud de la Gaule — à Lérins et à Saint-Victor de Marseille, — et des erreurs (semi-pélagiennes) qui y avaient cours. En même temps, Prosper commençait, contre les pélagiens et ceux qu’on nomma plus tard semi-pélagiens, la campagne de plume, en prose et en vers, qui ne se termina qu’avec sa vie. Un voyage qu’il fit à Rome, en 430-431, dans l’intention de faire condamner les opposants par le pape Célestin, n’obtint qu’un demi-résultat. Revenu en Provence, il continua d’écrire et, dans son Contra collatorem, attaqua celui qu’il jugeait être la tête du parti adverse, Cassien. Puis la controverse parût s’assoupir. On pense, d’après Gennadius (Vir. ill., 84), que lorsque saint Léon, élu pape (440), rentra de Gaule à Rome, Prosper l’accompagna et remplit à la chancellerie pontificale des fonctions importantes. Il y continua, en tout cas, ses études sur les œuvres de saint Augustin dont il donna encore des résumés doctrinaux. Sa mort est mise généralement aux environs de l’an 463.
Prosper était un esprit vraiment cultivé, vigoureux et précis — sermone scolasticus et adsertionibus nervosus, dit Gennadius, — dont le style a bénéficié encore de l’ardeur des convictions qui l’animaient. Cette ardeur a communiqué à ses compositions un mouvement et une vie que semblait exclure l’aridité des sujets qu’il traitait. Il ne faut chercher dans ses vers ni imagination ni poésie proprement dite, mais on y trouvera de la facilité, de l’élégance et un art peu commun de plier aux exigences du rythme les idées les plus abstraites. D’autre part, il a pénétré à fond dans la pensée de saint Augustin, et peut passer, dans l’ensemble, pour son meilleur interprète. C’est un théologien peu original, mais qui précisément n’a pas visé à l’être parce qu’il a voulu n’être qu’un écho de celui qui incarnait, à ses yeux, toute la théologie de la grâce.
On peut diviser en trois classes les ouvrages de saint Prosper.
La première et la principale comprend ses ouvrages de controverse contre le pélagianisme et le semi-pélagianisme. Ce sont, à peu près par ordre de date : sa lettre à saint Augustin (ccxxv), écrite en 429 ; puis la Lettre à Rufin, le poème De ingratis (Des ennemis de la grâce) et les Epigrammata in obtrectatorem Augustini, qui sont de 429 ou 430. Ensuite peut-être les Pro Augustino responsiones ad excerpta Genuensium, explications fournies à deux prêtres de Gênes sur neuf passages de saint Augustin ; puis les Pro Augustino responsiones ad capitula objectionum Gallorum calumniantium, les Pro Augustino responsiones ad capitula objectionum vincentianarum, deux répliques à des libelles lancés par les moines provençaux, et l’Épitaphe des hérésies nestorienne et pélagienne, écrites en 431-432. En 433-434, Prosper compose contre Cassien le De gratia Dei et libero arbitrio liber contra Collatorem. Plus tard, vers 450, il publie un recueil de 392 sentences extraites de saint Augustin et qui résument sa doctrine (Sententiarum ex operibus sancti Augustini delibatarum liber), et il présente encore une partie du même recueil sous la forme de distiques, Epigrammatum ex sententiis sancti Augustini liber. — Quant à l’ouvrage De vocatione omnium gentium qu’on a quelquefois attribué à saint Prosper, il n’est pas de lui, mais plutôt d’un augustinien modéré qui écrivait probablement entre les années 434-460, et qui a adouci, autant qu’il l’a pu, l’enseignement du maître.
La seconde classe des écrits de saint Prosper comprend une explication des cinquante et un derniers psaumes, 100 à 150, tirée des Enarrationes in psalmos de saint Augustin. Il est probable que le travail de l’auteur s’était étendu à tout le psautier et que les deux premiers tiers de l’ouvrage ont été perdus.
Enfin, il reste de saint Prosper une Chronique, qu’il semble avoir conduite d’abord jusqu’en 433, puis jusqu’en 445, puis, dans une dernière rédaction, jusqu’en 455. Pour les événements qui ont précédé l’année 378, elle résume, avec quelques additions et retouches, les chroniques d’Eusèbe et de saint Jérôme. Pour la période 370-455, c’est une œuvre originale et par là même précieuse surtout pour l’histoire ecclésiastique.