Nous avons démontré sans réplique (et cependant nous ajouterons de nouvelles preuves à notre démonstration) que les prophètes, ainsi que les apôtres et notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, n’avaient jamais confessé d’autre dieu que le Seigneur unique et tout-puissant que nous reconnaissons ; que les apôtres et les prophètes ont reconnu le Père et le Fils, et qu’ils n’ont jamais proclamé aucun autre dieu ; que les disciples de notre Seigneur pareillement ont confessé Dieu le père, comme le Dieu unique et maître souverain de toutes choses : nous devons donc, puisque nous reconnaissons ceux que nous venons de nommer pour nos chefs, examiner leur doctrine à ce sujet. L’apôtre saint Mathieu a proclamé ce même Dieu unique, celui qui, après avoir fait alliance avec Abraham en lui promettant une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel, a enseigné aux hommes la voie du salut éternel en les arrachant au culte des idoles par le ministère du Christ son fils, selon ce qu’il dit dans Osée : « J’appellerai mon peuple ceux qui n’étaient point mon peuple ; ma bien-aimée celle que je n’avais point aimée. » Saint Mathieu dit donc que saint Jean était venu préparer les voies au Christ ; et, annonçant à ceux qui étaient retenus dans les liens charnels et plongés dans toutes les malices du péché qu’ils eussent à faire pénitence pour se purifier de leur impureté, il dit à plusieurs pharisiens qui venaient assister à son baptême : « Race de vipères, qui vous a montré à fuir la colère qui s’approche ? faites donc de dignes fruits de pénitence, et n’essayez point de dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père ; car je vous dis que Dieu peut susciter de ces pierres même des enfants d’Abraham. » Il leur prêchait donc la pénitence afin qu’ils se lavassent de leurs souillures ; mais il ne leur annonçait pas un autre Dieu que celui qui avait fait alliance avec Abraham, ce précurseur du Christ. Écoutez comment saint Mathieu et saint Luc parlent de celui-ci : « Voici celui dont a parlé le prophète Isaïe, disant : Voix de celui qui crie dans le désert, préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Les vallées seront remplies, les montagnes et les collines seront abaissées, les sentiers tortueux redressés et les chemins montueux aplanis ; et toute chair verra le salut du Seigneur. » Il n’y a donc qu’un seul Dieu, père de notre Seigneur Jésus-Christ ; c’est lui qui a promis au monde, par l’organe des prophètes, qu’il enverrait un précurseur de son fils ; qui a rendu visible à toute chair le bienfait de la Rédemption, c’est-à-dire son Verbe. Ce Verbe, il l’a rendu visible sur la terre par l’Incarnation, afin de le faire connaître à toute la terre pour le roi des élus ; car il est nécessaire que ceux qui sont mis en jugement voient leur juge, et qu’ils sachent quel est celui qui doit les juger ; comme il est nécessaire aussi que ceux qui veulent mériter la gloire sachent quel est celui qui doit la leur distribuer.
Saint Mathieu, en parlant de l’ange qui apparut à saint Joseph, dit toujours dans le même sens : « Voilà que l’ange du Seigneur lui apparut dans son sommeil. » Et il explique ensuite de quel Seigneur il entend parler, en disant : « Afin que cette parole, que le Seigneur avait dite par le prophète, fût accomplie, j’ai rappelé mon fils de l’Égypte. La Vierge enfantera un fils, et tu lui donneras le nom d’Emmanuel, parce que lui-même délivrera son peuple de ses péchés. » C’est de cet Emmanuel, né de la Vierge, que David a dit : « À cause de David, votre serviteur, ne rejetez pas votre Christ. Le Seigneur a juré à David dans sa vérité, et ce serment est irrévocable. Je placerai sur votre trône un fils qui naîtra de vous. » Et dans un autre endroit : « Dieu est connu dans Juda ; son tabernacle est dans Salem et sa demeure dans Sion. » Il résulte de ces citations la preuve que, soit dans les prophéties, soit dans l’Évangile, il est toujours parlé du Dieu unique, le Père, et du Fils qui humainement devait naître de la race de David et ensuite de sein de la Vierge, et qui serait appelé Emmanuel. Le prophète Balaam avait aussi prophétisé sa venue sous la comparaison d’une étoile, quand dit : « Une étoile sortira de Jacob, et un sceptre s’élèvera d’Israël. » Les mages qui devaient venir d’Orient pour adorer le Christ dans la crèche avaient été annoncés par les prophètes, comme le rapporte saint Mathieu dans ces termes : « Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer. » Ils furent donc guidés par l’étoile jusqu’au lieu où était né Emmanuel, et les présents qu’ils lui firent représentaient symboliquement le Christ : la myrrhe signifiait son humanité, dans laquelle il devait, pour le salut du monde, mourir et descendre dans le tombeau ; l’or signifiait sa royauté immortelle, dont le règne ne doit jamais finir ; l’encens signifiait ce Dieu qui, suivant les paroles du prophète, était connu dans Juda, et qui plus tard devait se manifester à ceux qui ne le cherchaient pas.
Saint Mathieu, en parlant du baptême du Christ, dit encore : « Les cieux lui furent ouverts, et il vit l’esprit de Dieu descendant comme une colombe et venant sur lui ; et tout à coup une voix descendit du ciel, disant : Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances. » Or, ce n’est pas le Christ qui descendit sur Jésus, ni même un autre Christ qui descendit sur un autre Jésus ; mais c’était le Verbe de Dieu, qui est le sauveur du monde, le maître du ciel et de la terre, enfin ce même Jésus-Christ (comme nous l’avons démontré) qui a revêtu la chair mortelle, qui a reçu l’onction de l’Esprit saint qui vient du Père, enfin celui dont Isaïe a dit : « Et un rejeton sortira de la tige de Jessé ; une fleur s’élèvera de ses racines. L’esprit du Seigneur reposera sur lui : esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété, et il sera rempli de la crainte du Seigneur. Il ne jugera, ni sur les apparences, ni sur des rapports incertains, mais il rendra la justice aux pauvres. Il sera le vengeur des hommes sans défense ; l’impie s’évanouira au souffle de sa bouche. » Et, dans un autre endroit, le même prophète, prédisant l’onction du Christ et le grand objet de cette onction, a dit : « L’esprit du Seigneur repose sur moi ; le Seigneur m’a donné l’onction divine. Il m’a envoyé pour prêcher son Évangile aux pauvres, pour relever le courage de ceux qui sont abattus, pour annoncer aux aveugles la lumière, aux captifs la liberté ; pour publier l’année de la réconciliation et le jour de la vengeance du Seigneur, pour consoler les affligés. » C’est donc sur le Verbe de Dieu, en tant qu’il se trouvait alors revêtu de l’humanité par laquelle il descendait d’Abraham et de Jessé, que vint se reposer l’Esprit saint et lui donner l’onction de l’Évangile pour prêcher le salut aux humbles de cœur. Cette onction restait étrangère à sa nature divine et incorruptible ; et, comme dit saint Jean : « il n’avait pas besoin que nul lui rendît témoignage de l’homme, car il savait ce qui était en l’homme. » Il appelait donc à lui tous les affligés, offrant le pardon à tous ceux qui étaient retenus dans l’esclavage du péché, brisant les chaînes de leur servitude ; car, suivant l’expression de Salomon, « ses iniquités enveloppent l’impie, il est enchaîné dans les liens de son péché. » L’Esprit saint est donc descendu sur celui qui avait prédit son propre baptême par la bouche des prophètes, afin que les hommes, profitant de cette onction surabondante, fussent sauvés par sa vertu même. C’est là le sens naturel des passages de saint Mathieu sur ce sujet.