1.[1] Le roi Saül, voyant dans quel malheur il était tombé en s’attirant l’inimitié de Dieu, monta vers la maison royale de Gabâ — ce nom, traduit, signifie colline — et, à dater de ce jour, ne parut plus en présence du prophète. Comme Samuel s’affligeait à son sujet. Dieu lui ordonna de quitter ce souci et, muni de l’huile sainte, de se rendre dans la ville de Bethléem auprès de Jessée (Jessaïos), fils d’Obéd(os),et d’oindre celui des fils de cet homme qu’il lui désignerait lui-même pour être roi. Samuel exprima la crainte que Saül, informé de cet acte, ne le fit périr insidieusement ou même ouvertement ; cependant, comme Dieu lui promettait et lui donnait le moyen d’assurer sa sécurité il se rendit dans la ville désignée[2]. Là, tous l’accueillent avec joie et s’informent du motif de sa venue. Il répondit qu’il était venu offrir un sacrifice à Dieu. Le sacrifice accompli, il convoqua Jessée avec ses enfants au festin sacré, et ayant remarqué que le plus âgé de ses fils était fort grand et de bonne mine, il conjectura, d’après cette belle apparence, que c’était lui qui était appelé à régner. Mais il se méprenait sur les intentions de Dieu. En effet, comme il lui demanda s’il devait sacrer ce jeune homme, qu’il admirait et estimait digne de la royauté, il lui fut répondu que les hommes et Dieu ne voient pas de même. « Ainsi toi, séduit par la beauté de ce jeune homme, tu le juges digne de régner ; moi, je fais de la royauté le prix non de la beauté physique, mais de la valeur morale ; je cherche quelqu’un en qui la vertu brille d’un parfait éclat, qui soit orné de piété, de droiture, de courage et de soumission, qualités qui constituent la parure de l’âme. » Quand Dieu eut ainsi parlé, Samuel pria Jessée de lui faire voir tous ses fils. Celui-ci manda aussitôt les cinq[3] autres ; l’aîné s’appelait Eliab(os), le second Aminadab(os)[4], le troisième, Samal(os)[5], le quatrième, Nathanaèl(os)[6], le cinquième, Raél(os)[7], le sixième Asam(os)[8]. Quand le prophète vit que les plus jeunes n’étaient pas moins bien faits que l’aîné, il demanda à Dieu lequel d’entre eux il choisissait pour roi. Dieu répond : « Aucun ! » Alors Samuel s’informe auprès de Jessée s’il n’a pas, outre ceux-là, d’autres enfants encore. Celui-ci lui déclara qu’il avait encore un fils du nom de David(ès), mais qu’il était pâtre et occupé à garder les troupeaux ; le prophète le prie de l’appeler aussitôt, car il ne leur est pas possible de se mettre à table sans lui. David vint, mandé par son père ; c’était un adolescent à la peau blonde, aux regards vifs, bien fait de toute sa personne. « Voici, se dit Samuel à part lui, celui qu’il a plu à Dieu de faire roi. » Il se couche alors, fait coucher à ses côtés le jeune homme[9], puis Jessée avec ses autres enfants. Ensuite, ayant pris l’huile sous les yeux de David, il la répand sur lui et lui parle bas à l’oreille, lui faisant signe que Dieu l’a choisi pour régner. Il l’exhorte à se montrer juste et docile aux prescriptions divines ; c’est par là que la royauté lui demeurera longtemps et que sa maison deviendra brillante et célèbre ; il abattra les Philistins et, vainqueur et triomphant de toutes les nations qu’il ira combattre, s’acquerra pendant sa vie et lèguera à sa postérité une gloire digne d’être célébrée.
[1] I Samuel, XV, 34 ; XVI, 1.
[2] δόντος άσφαλείας όδόν, si le texte est correct, ne peut avoir d’autre sens.
[3] Le texte dit « les cinq autres, dont l’aîné, etc. » — et suivent 6 noms ! Il y a ici inadvertance ou altération. D’après I Samuel, XVI, 10 (cf. XVII, 12), Jessée a 7 fils, plus David. D’après I Chroniques, II, 13-15, il en a sept, dont David. C’est ce dernier texte que Josèphe a suivi, et les 6 noms qu’il donne ne se trouvent que là.
[4] Hébreu : Abinadab ; LXX : Άμιναδάõ.
[5] Hébreu : Schamma (I Chron., II, 13 : Schimea) ; LXX : Σxμά (Chron., Σxμαα).
[6] Hébreu : Netanel ; LXX : Ναθαναήλ.
[7] Hébreu : Raddaï ; LXX : Ζαβδαί (Alex. : Ραδδαϊ ; L : ‘Ρεηλαι).
[8] Hébreu : Ocem ; LXX : L. Ασάμ (A. Ασομ).
[9] Il n’est pas question de ce repas dans la Bible, ni des exhortations adressées par Samuel à David après l’onction.
2.[10] Samuel se retire après ces exhortations, et la divinité quitte Saül pour s’attacher désormais à David. Celui-ci commença de prophétiser, grâce à l’esprit divin qui avait pénétré en lui. Quant à Saül, il était en proie à des souffrances et envahi par des démons qui lui causaient des suffocations et des angoisses atroces. Les médecins[11] ne trouvèrent d’autre remède que de lui conseiller de faire chercher quelqu’un capable de chanter et de jouer de la harpe, et, toutes les fois que Saül serait assailli et tourmenté par les mauvais esprits, de placer ce musicien au chevet du roi pour faire vibrer les cordes et réciter les cantiques. Saül ne néglige pas cet avis, et ordonne qu’on se mette en quête de l’homme capable de lui apporter ce soulagement. Et comme un des assistants dit qu’il avait vu dans la ville de Bethléem le fils de Jessée, encore très jeune, mais gracieux et de bonne mine, parfaitement digne d’estime, habile à jouer de la harpe et à chanter des cantiques, enfin excellent guerrier, Saül fit mander à Jessée de décharger David du soin de ses troupeaux et de le lui envoyer ; il voulait, disait-il, voir le jeune homme, ayant ouï parler de sa beauté et de sa vaillance. Jessée lui envoie son fils, en le chargeant de présents pour Saül. Celui-ci se réjouit de sa venue, en fait son écuyer et le comble d’honneurs. Il trouvait un soulagement à ses chants, et, dans le trouble où le jetaient les démons, chaque fois qu’ils s’emparaient de lui, il n’avait pas d’autre médecin que David, qui, récitant ses cantiques et jouant de la harpe, le faisait revenir à lui. Aussi manda-t-il à Jessée, père du jeune homme, pour le prier de laisser auprès de lui David, dont la vue et la présence le charmaient. Jessée, n’osant point contrarier Saül[12], lui permit de garder son fils.
[10] I Samuel, XVI, 14.
[11] L’hébreu dit : les serviteurs de Saül.
[12] Texte altéré.