Valengin – Guillemette de Vergy – Farel au val de Ruz – La messe interrompue – Guet-apens contre Farel – Farel en prison – Les bourgeois et les chanoines – Farel entraîné à la cathédrale – Son sermon – La terrasse du château – Les idoles détruites – Les Réformés au gouverneur – Triomphe de la Réforme
A une lieue de Neuchâtel, au delà de la montagne, s’étend le val de Ruz ; et, près de son entrée, dans une espèce de précipice, où mugit un torrent impétueux et que des rocs escarpés entourent, se trouve le bourg de Valengin. Un vieux château, bâti sur un rocher, élevait dans les airs ses vastes murailles, commandait les humbles maisons des habitants du bourg, et étendait sa juridiction sur cinq vallées de ces hautes et sévères montagnes, couvertes alors de noirs sapins, et que peuple maintenant la plus brillante industriea.
a – La Chaux de Fonds, le Locle, etc.
C’est dans ce château qu’habitait Guillemette de Vergy, comtesse douairière de Valengin, fort attachée à la religion romaine, et pleine de respect pour la mémoire de son mari. Cent prêtres avaient chanté la grand’messe au service funèbre du comte ; plusieurs filles pénitentes avaient été mariées ; d’abondantes aumônes avaient été répandues ; le curé du Locle avait été envoyé à Jérusalem, et Guillemette elle-même avait fait un pèlerinage pour le repos de l’âme de feu son seigneur.
Quelquefois, néanmoins, la comtesse de Gruyère et d’autres dames venant visiter la veuve de Vergy, celle-ci rassemblait au château de jeunes seigneurs ; le fifre et le tambourin se faisaient entendre sous ses voûtes ; des groupes animés se formaient dans les vastes embrasures de ses fenêtres gothiques, et des danses joyeuses succédaient au long silence et aux mornes dévotionb. Il n’y avait qu’un sentiment qui ne quittât jamais Guillemette, c’était sa haine pour la Réforme ; en quoi elle était fort soutenue par son intendant, le sieur de Bellegarde, et les chanoines de Valengin.
b – Chambrier, Histoire de Neuchâtel, p. 276.
Guillemette et les prêtres avaient, en effet, lieu de trembler. Le 15 août était une grande fête romaine, Notre-Dame d’Août ou l’Assomption ; et tous les fidèles du Val de Ruz se préparaient à la célébrer. Ce fut le jour que choisit Farel. Cet homme, qu’animaient le feu et la vertu d’Elie, part pour Valengin ; et un jeune homme, son compatriote, et, à ce qu’il paraît, son parent éloigné, Antoine Boyve, chrétien ardent et d’un caractère décidé, l’accompagnec. Les deux missionnaires gravirent la montagne, s’enfoncèrent dans les sapins, puis, redescendant la vallée, dépassèrent Valengin, où le voisinage du château ne les encourageait guère à s’arrêter, et arrivèrent dans un village, probablement Boudevilliersd, se proposant d’y annoncer l’Evangile.
c – Annales de Boyve, etc., Msc. de famille. Cette famille a donné, depuis lors, plusieurs pasteurs à Neuchâtel.
d – Il y a deux manuscrits originaux, reproduits tous deux dans le Msc. de Choupart, qui rendent compte de ce fait. L’un des manuscrits dit que la prédication eut lieu à Valengin ; l’autre indique un village près de Valengin. Ruchat a adopté la première version ; je crois devoir préférer la seconde. Le second manuscrit me paraît plus ancien et plus exact que le premier.
Déjà de tous côtés on se rendait à l’église ; Farel et son compagnon y entrèrent, accompagnés d’un petit nombre d’habitants qui l’avaient entendu à Neuchâtel. Le Réformateur monta aussitôt en chaire, et le curé se disposa à célébrer la messe. La lutte commença. Tandis que la voix de Farel prêche Jésus-Christ et ses promesses, les voix du prêtre et du chœur chantent le missel. Le moment solennel approche ; la transsubstantiation ineffable va s’accomplir ; le prêtre prononce sur les éléments les paroles sacrées. A ce moment, le peuple n’hésite plus ; d’anciennes habitudes, une influence invincible l’entraînent vers l’autel ; le ministre est abandonné ; la foule à genoux a retrouvé son culte ; Rome triomphe… Tout à coup un jeune homme s’élance du milieu de la foule, traverse le chœur, se précipite vers l’autel, saisit l’hostie des mains du sacrificateur, et, se tournant vers le peuple, s’écrie : « Ce n’est pas ici le Dieu qu’il faut adorer. Il est là-haut, au ciel, en la majesté du Père, et non entre les mains des prêtres, comme vous le croyeze. » C’était Antoine Boyve.
e – Msc. de Choupart.
Cet acte audacieux produisit d’abord l’effet désiré. La messe fut interrompue, les chants cessèrent ; et la foule, frappée comme par une intervention surnaturelle, demeura immobile et muette. Farel, toujours en chaire, profita aussitôt de ce calme, et annonça ce Christ « que le ciel doit contenir jusqu’au rétablissement de toutes chosesf. » Alors prêtres, chantres et adhérents se précipitèrent dans les tours de l’église, montèrent au clocher, et sonnèrent le tocsin.
f – Actes 3.21.
Ce moyen réussit ; on accourait de toutes parts, et si Farel ne se fût retiré, sa mort et celle de Boyve étaient inévitables. « Mais Dieu, dit la chronique, les délivra. » Ils franchirent la distance qui sépare Boudevilliers de Valengin, et s’approchèrent des gorges escarpées du torrent du Seyon. Mais comment traverser ce bourg, où le tocsin avait déjà porté l’alarme ?
Laissant à gauche Chaumont et ses sombres forêts, les deux évangélistes prirent un chemin étroit qui passait au-dessous du château ; ils s’y glissaient prudemment, quand tout à coup une grêle de pierres les assaillit ; en même temps une vingtaine de personnes, prêtres, hommes et femmes, armés de bâtons, fondirent sur eux avec rage. « Les prêtres n’avaient pas la goutte aux pieds et aux bras, dit un chroniqueur ; et ils les battirent tellement, que peu s’en fallut qu’ils ne perdissent la vieg. »
g – Msc. de Choupart.
Madame de Vergy, descendue sur ses terrasses, loin de modérer la colère des prêtres, criait : « A l’eau, à l’eau ! jetez dans le Seyon ces chiens de Luthériens qui ont méprisé le bon Dieu !… » En effet, les prêtres se mirent à traîner vers le pont les deux hérétiques. Jamais Farel ne fut plus près de la mort.
Tout à coup, derrière le dernier rocher qui cache Valengin du côté de la montagne, parurent certains bons personnages du Val de Ruz, venant de Neuchâtelh, et descendant dans la vallée. — « Que faites-vous ? dirent-ils aux prêtres (dans l’intention sans doute de sauver Farel). Mettez plutôt ces gens en sûreté, pour qu’ils aient à répondre de leur action. Voulez-vous vous priver du seul moyen qui soit en votre pouvoir pour découvrir ceux qu’infecte le poison de l’hérésie ? »
h – Msc. de Choupart.
Les prêtres se rendirent à cette parole, et conduisirent les prisonniers au château. Comme ils passaient devant une petite chapelle, où se trouvait une image de la Vierge : « A genoux ! dirent-ils à Farel et à Boyve, en leur montrant l’image ; prosternez-vous devant Notre-Dame. » Farel se mit à les admonester : « Adorez un seul Dieu en esprit et en vérité, leur dit-il, et non des images muettes sans âme et sans pouvoir. » « Mais eux, continue le chroniqueur, rudement fâchés de ses propos et constance, lui donnèrent de nouveau tant de coups, qu’ils le mirent tout en sang, jusque-là que son sang jaillissant sur les murailles de la chapelle, on en voyait longtemps après encore les marquesi. »
i – Msc. de Choupart.
On se remit en marche ; on entra dans le bourg ; on monta le chemin rapide qui conduisait à l’esplanade où Guillemette et les siens attendaient les Luthériens ; « si bien, continue la chronique, qu’en frappant ainsi continuellement sur eux, ils les reconduisirent, tout couverts de boue et de sang, jusques aux prisons, où ils furent dévalés presque morts dans le croton (cachot) du château de Valengin. » Ainsi Paul à Lystre avait été lapidé par les Juifs, traîné et laissé comme mortj. Les Apôtres et les Réformateurs ont prêché la même doctrine et subi les mêmes traitements.
j – Actes 14.19.
Il faut le reconnaître, Farel et Boyve mirent trop de vivacité dans leur attaque ; toutefois l’Église du moyen âge, retombée dans l’esprit légal du judaïsme et dans toutes les corruptions qui en découlent, avait besoin d’une opposition énergique pour être ramenée au principe de la grâce. Augustin et saint Paul reparurent dans l’Eglise du seizième siècle ; et quand on voit l’action de Boyve, se jetant tout ému vers ceux qui vont adorer le pain de la messe, peut-on ne pas se rappeler l’action de Paul déchirant ses vêtements, et se précipitant au milieu de la foule qui veut adorer des hommesk ?
k – Actes 14.14.
Farel et Boyve, descendus dans le souterrain du château, purent, comme Paul et Silas dans les prisons de Philippe, chanter dans le cachot de Valengin les louanges de Dieu. M. de Bellegarde, toujours prêt à persécuter l’Évangile, leur préparait une mauvaise fin, quand des bourgeois de Neuchâtel arrivèrent pour les réclamer. Madame de Valengin n’osa les refuser, et même, sur la demande des Bernois, elle ordonna une enquête « pour faire bonne mine, » dit un manuscrit. Néanmoins, celui des prêtres qui avait le plus battu Farel mangea depuis lors, tous les jours, à la table de la dame, pour récompensel. » N’importe ! la semence de la vérité était tombée dans le Val de Ruz.
l – Msc. de Choupart.
A Neuchâtel, les Bernois soutenaient les bourgeois évangéliques. Le Gouverneur, à bout de ses ressources, envoya des ambassadeurs à la princesse, la suppliant de venir par deçà pour apaiser son peuple, qui était dans un terrible trouble à cause de cette luthérienne religionm. »
m – Lettre du Gouverneur à la Princesse.
En attendant, la fermentation ne cessait de croître. Les bourgeois priaient les chanoines de quitter la messe ; ceux-ci refusaient. Alors les bourgeois leur présentaient leurs raisons par écrit, et les suppliaient de disputer avec Farel ; même refus. « Mais, de grâce, leur disait-on, parlez pour ou contre ! » Tout était inutile.
Le a3 octobre était un dimanche ; et Farel, de retour à Neuchâtel, prêchait à l’Hôpital. Il savait que les magistrats de la ville avaient délibéré sur la convenance de consacrer la cathédrale même au culte évangélique. « Quoi donc, dit-il, ne ferez-vous pas autant d’honneur à l’Évangile que ceux du parti contraire en font à la messe ?… Et si cet acte superstitieux se célèbre dans la grande église, l’Evangile aussi n’y sera-t-il pas annoncé ?… » A ces mots tout son auditoire se lève. « A l’église, s’écrie-t-on, à l’église !… » Des hommes impétueux veulent mettre la main à l’œuvre, pour accomplir ce que la prudence des anciens a proposén. On sort ; on entraîne Farel ; on monte la rue escarpée du château. En vain les chanoines et leurs gens, effrayés, veulent-ils arrêter cette foule : elle force le passage. Convaincue que c’est pour la gloire de Dieu qu’elle s’avance, rien ne l’arrête. Les insultes, les cris l’assaillent de toutes parts ; mais, au nom de la vérité qu’elle défend, elle marche, elle ouvre les portes de l’église de Notre-Dame, elle y entre…, et là commence une lutte nouvelle.
n – C’est ce qui résulte de diverses pièces, et en particulier du Recez de la journée tenue à Neuchâtel par MM. de Berne, où les chefs de la bourgeoisie déclarent qu'il leur avait paru que c'était une chose tout à fait bonne d'ôter les autels, etc. On n’a vu jusqu’à présent que l’une des faces de cette action, le mouvement populaire, et l’on a, ce me semble, méconnu l’autre, savoir, la résolution légale des magistrats de la ville.
Les chanoines et leurs amis, assemblés autour de la chaire, veulent empêcher Farel ; mais tout est inutile. Ce n’est pas à une troupe de révoltés qu’ils ont affaire. Dieu a prononcé dans sa parole, et les magistrats eux-mêmes ont pris une résolution définitive. Les bourgeois s’avancent donc contre la coterie sacerdotale ; ils forment un bataillon serré, au milieu duquel ils placent le réformateur ; ils parviennent à rompre la foule, et font enfin monter le ministre en chaire sans qu’il lui soit arrivé aucun malo.
o – Msc. de Choupart.
Aussitôt tout s’apaise dans la cathédrale et au dehors ; les adversaires mêmes se taisent ; et Farel prononce « l’un des plus forts sermons qu’il ait encore faits. » Les yeux s’ouvrent ; l’émotion augmente ; les cœurs se fondent ; les plus obstinés semblent convertis ; et bientôt, dans toutes les parties de l’antique église, on entend retentir ces cris : « Nous voulons suivre la religion évangélique, et, nous et nos enfants, vivre et mourir en ellep ! »
p – Msc. de Choupart.
Tout à coup il y a comme un tourbillon qui passe sur cette multitude semblable à une vaste mer, et la soulève. Les auditeurs de Farel veulent imiter le saint roi Josiasq. Oter les idoles de devant nos yeux, ne sera-ce pas, disent-ils, nous aider à les ôter de nos propres cœurs ? Une fois ces idoles brisées, que d’âmes parmi nos combourgeois, maintenant troublées, hésitantes, qui seront décidées par cette manifestation éclatante de la vérité ! Il faut les sauver comme à travers le feur.
q – 2 Chroniques 34.7.
r – Msc. de Choupart.
Ce dernier motif les décide ; et l’on voit alors commencer une scène qui remplit d’horreur toutes les âmes dévotes, et qui doit, selon elles, attirer sur cette ville les terribles jugements de Dieu.
La place même où elle se passa semble ajouter à sa solennité. Au nord, les murs du château s’élèvent sur les escarpements à pic de la triste mais pittoresque vallée du Seyon ; et la montagne, toute rapprochée du manoir, n’offre à l’œil que rochers nus, pampres de vignes et noirs sapins. Mais au midi, devant la terrasse sur laquelle cette action tumultueuse a lieu, les eaux solitaires et tranquilles du lac, ses bords si riches et si pittoresques, et dans le lointain les sommités continues des Alpes, leurs neiges brillantes, leurs immenses glaciers, leurs dents gigantesques, se présentent à l’œil étonné.
C’est sur cette éminence que s’agitait alors le peuple de Neuchâtel, faisant peu attention à ce grand spectacle de la nature. Le Gouverneur, dont le château touche l’église, doit se résoudre à être l’oisif témoin des excès qu’il ne peut prévenir ; il s’est contenté de nous en laisser la description. « Ces hommes audacieux, dit-il, saisissent des pioches, des haches et des marteaux, et marchent ainsi contre les images des saints. » Ils s’avancent ; ils frappent les statues et les autels, et les mettent en pièces. Les figures sculptées au quatorzième siècle par les imagiers du comte Louis, ne sont point épargnées ; à peine les statues des comtes eux-mêmes, prises pour des idoles, échappent-elles à la destruction. Les Neuchâtelois ramassent tous ces débris d’un culte idolâtre ; ils les transportent hors du temple, et les jettent du haut du rocher. Les tableaux ne sont pas plus respectés. C’est le diable, pensent-ils comme les premiers chrétiens, qui a appris au monde cet art des statues, des images, et de toutes sortes de simulacress. » Ils crèvent les yeux aux portraits des saints, et ils leur coupent le nez. Le crucifix lui-même est abattu, car cette figure de bois usurpe l’hommage que Jésus-Christ réclame dans les cœurs. Une image, la plus vénérée de toutes, subsiste encore, c’est Notre-Dame de Miséricorde, dont Marie de Savoie a fait présent à l’église collégiale ; mais Notre-Dame elle-même n’est pas respectée : une main plus hardie la frappe, comme, au quatrième siècle, la statue colossale de Sérapist. « Ils ont percé les yeux mesmement à Notre-Dame de Pitié, que feu madame votre mère avoit fait faire, » écrit le Gouverneur à la duchesse de Longueville.
s – Diabolum sæculo intulisse artifices statuarum et imaginum et omnis generis simulacrorum. (Tertullian, de idolatria, cap. 3.)
t – Socrates, V, 16.
On va plus loin : les Réformés saisissent les patènes où se trouvait le corpus Domini, et du haut du rocher les jettent dans le torrent ; après quoi, voulant montrer que les hosties sacrées sont du pain et non Dieu même, ils se les distribuent et les mangent… A cette vue, les chanoines et les chapelains ne peuvent demeurer plus longtemps immobiles ; un cri d’horreur se fait entendre ; ils accourent avec leurs gens, et, opposant la force à la force, engagent enfin la lutte que l’on avait tant redoutée.
Le prévôt Olivier de Hochberg, les chanoines Simon de Neuchâtel et Pontus de Soleilant, tous trois membres du Conseil privé, s’étaient à la hâte rendus au château, ainsi que les autres conseillers de la princesse. Jusqu’à ce moment, ils étaient restés spectateurs muets de cette scène ; mais voyant qu’on en venait aux mains, ils firent sommer « les tenants du parti évangélique » de paraître devant le Gouverneur. C’était vouloir enchaîner les vents. D’ailleurs, pourquoi les Réformés s’arrêteraient-ils ? Ils n’agissaient point sans l’autorisation du magistratu. « Dites au Gouverneur, répondirent fièrement les bourgeois, que, pour le fait de Dieu et concernant les âmes, il n’a rien à nous commanderv. »
u – Par les quatre (l’autorité municipale) dudit Neuchâtel, remarque le curé Besancenet. Voir aussi le recez de la journée tenue à Neuchâtel par MM. de Berne, le 14 novembre 1530.
v – Lettre du Gouverneur à la Princesse.
George de Rive reconnut alors que son autorité se brisait contre une force supérieure à la sienne. Il fallait céder, et sauver au moins quelques débris. Il se hâta donc de faire enlever les images qui restaient entières, et de les enfermer dans des chambres secrètes. Les Neuchâtelois laissèrent exécuter ces ordres : « Sauvez vos dieux, pensaient-ils ; conservez-les sous de puissantes cloisons, de peur qu’un larron ne vous ravisse ceux que vous adorezw ! » Peu à peu le tumulte s’apaisa, le torrent populaire rentra dans son lit ; et plus tard, en mémoire de cette grande journée, on inscrivit ces mots sur une colonne de l’Eglise :
w – Cur vos sub validissimis clavibus, ingentibusque sub claustris conservatis, ne forte fur aliquis irreptat? (Arnobius contra gentes, 6, p. 257.)
L’an 1530, le 23 octobre, fut ôtée et abattue l’idolâtrie de céans par les bourgeois.
Une grande révolution s’était opérée. L’ordre public eût demandé que les images fussent enlevées et que l’Evangile leur fût substitué avec calme, comme à Zurich ; mais, sans excuser aucun excès, il faut tenir compte des difficultés qu’entraîne un changement si contesté, et faire la part de l’inexpérience et des erreurs inséparables d’une première explosion. Celui qui ne verrait dans cette Réformation qu’une révolte, ferait preuve d’un esprit étroit et prévenu. C’est l’Évangile qui avait triomphé sur la terrasse du château. Ce n’étaient plus quelques tableaux, quelques légendes, qui devaient parler à l’imagination des Neuchâtelois : la révélation de Christ et des Apôtres, telle qu’elle nous a été conservée dans les saintes Écritures, leur était rendue. A la place des mystères, des symboles, des miracles de la Papauté, la Réformation leur apportait des dogmes sublimes, des doctrines puissantes, des vérités saintes et éternelles. Au lieu d’une messe vide de Dieu et toute pleine de puérilités humaines, elle leur rendait la Cène de Jésus-Christ, sa présence invisible, réelle et puissante, ses promesses qui donnent la paix à l’âme, et son Esprit qui change les cœurs, et est le gage assuré d’une glorieuse résurrection. Tout est gain dans un tel échange.