L’ardeur des controverses et la nécessité de lutter contre les nouvelles erreurs avaient stimulé la théologie, et lui avaient fait produire, même en ces temps troublés, des œuvres solides, sinon toujours élégantes. L’exégèse, qui n’avait pas ce stimulant, ne se soutint pas aussi bien et tomba rapidement dans la médiocrité. Au lieu d’étudier eux-mêmes le texte sacré et de l’éclaircir par des explications originales, certains exégètes trouvèrent plus simple de copier, en face ou au-dessous de chaque phrase de l’Écriture, des passages tirés des meilleurs interprètes anciens qui avaient commenté ces portions du texte : ils écrivirent ce qu’on appelle des chaînes scripturaires, œuvres de pure érudition dans lesquelles la personnalité de l’auteur disparaît plus ou moins, et qui sont le signe évident de la stérilité et de la faiblesse.
Ce caractère impersonnel apparaît déjà dans les commentaires écrits peut-être au ve siècle par un prêtre d’Antioche nommé Victor : son commentaire sur saint Marc et même son commentaire sur Jérémie sont, en majeure partie, empruntés aux exégètes d’Antioche. Mais il s’accuse absolument dans les travaux autrement vastes du sophiste Procope de Gaza. Procopea (465-528 environ) a été le maître le plus illustre de l’école de Gaza et, malgré les sollicitations dont il a été l’objet de la part d’autres villes, a voulu passer dans sa petite patrie sa vie presque tout entière. On connaît de lui de nombreuses lettres et un panégyrique de l’empereur Anastase prononcé entre 512-515, mais surtout des commentaires en forme de chaînes. D’abord un grand commentaire sur l’Octateuque encore inédit, utilisé cependant dans des travaux analogues plus récents ; puis un extrait de ce commentaire fait par Procope lui-même, et qui cite principalement saint Basile, saint Grégoire de Nazianze et saint Cyrille d’Alexandrie ; un grand commentaire sur Esaïe, et enfin des Scolies sur les quatre livres des Rois et les Paralipomènes, dans lesquelles Théodoret surtout est mis à contribution. Quant aux commentaires et aux chaînes sur les Proverbes et sur le Cantique qui se trouvent parmi ses œuvres (P. G., lxxxvii, 1, 1221-1544 et 2, 1545-1800), leur authenticité n’est pas sûre.
a – On ne confondra pas Procope de Gaza avec Enée de Gaza, son contemporain, auteur d’un ouvrage sur l’immortalité de l’âme et sur la résurrection du corps, intitulé Théophraste, ni avec l’historien Procope de Césarée, un peu plus jeune que lui, auteur du De bello persico.
C’est à cette même catégorie de commentaires impersonnels qu’appartiennent encore ceux du diacre d’Alexandrie, Olympiodore (première moitié du vie siècle), sur l’Ecclésiaste, Jérémie, les Lamentations et Baruch. Ses travaux sur Job, les Proverbes et saint Luc ne sont plus représentés que par des scolies ou des fragments.
Cependant, tout en puisant dans les œuvres de leurs devanciers, tous les exégètes de cette période n’ont pas adopté pour leurs commentaires cette forme de pure transcription : quelques-uns ont été plus originaux, mais ne méritent d’ailleurs qu’une simple mention. Un prêtre d’Alexandrie, nommé Ammonius, qui vivait sous l’empereur Léon Ier (457-474), avait rédigé des commentaires sur les Psaumes, sur Daniel, saint Matthieu, saint Jean, sur les Actes des apôtres et la première épître de saint Pierre : on en retrouve des fragments dans les Chaînes. — De l’évêque de Girgenti (Agrigente, au nord de la Sicile), Grégoire (vers 600), on possède une longue explication de l’Ecclésiaste ; — de l’évêque de Tricca en Thessalie, Œcumenius (vers 600), un commentaire (inédit) sur l’Apocalypse ; — de l’archevêque de Césarée en Cappadoce, André, encore un commentaire sur l’Apocalypse, antérieur à 637. — Un certain Pierre de Laodicée, au milieu du viie siècle, avait composé un commentaire sur les évangiles, dont on a édité le commentaire sur saint Matthieu et des fragments. — Le patriarche Anastase III de Nicée, vers 700, a laissé un commentaire (inédit) sur les Psaumes.
La transition des exégètes aux orateurs se fera aisément sur le nom du patriarche de Constantinople, Gennadius Ier (458-471), à la fois exégète et homéliste. Son homonyme de Marseille (Vir. ill., 89), qui le qualifie de vir lingua nitidus et ingenio acer, lui attribue un commentaire sur tout Daniel et de nombreuses homélies. Il aurait encore, d’après la chronique de Marcellin (anno 470), expliqué en entier les épîtres de saint Paul. De tout ceci il ne subsiste que des fragments. — De l’un de ses successeurs, Eutychius (552-582), nous possédons un important discours, malheureusement incomplet, Sur la Pâque et la sainte eucharistie et une lettre au pape Vigile. — A nommer encore ici le moine Alexandre de Salamine (sous Justinien), le patriarche Grégoire d’Antioche (570-593) et le patriarche Modestus de Jérusalem (631-634). — D’autres prédicateurs plus importants, André de Crète, saint Germain de Constantinople, saint Jean Damascène seront mentionnés ailleurs.