Théologie Systématique – III. Prolégomènes et Cosmologie

4. Compatibilité de la prière avec l’existence d’un plan du monde

A la doctrine de l’action providentielle se rattache une question souvent débattue entre les partisans du théisme, d’une part, et les déistes, de l’autre, d’accord sur ce point avec les déterministes : celle de la compatibilité de la prière avec l’existence d’un plan du monde.

Il a été prétendu que les promesses faites à la prière dans l’Ecriture étaient contradictoires à toute notion d’ordre et de continuité dans l’histoire, qui serait livrée ainsi à tous les accidents, à toutes les incohérences, à tous les caprices des intérêts particuliers. Aussi la prière est-elle réduite dans le système déterministe à être un exercice de l’âme, une élévation, un monologue, mais serait jugée inconcevable comme requête adressée à l’Être suprême, et visant à produire des effets qui ne dérivassent pas des causes existantes i.

i – Nous savons un professeur de théologie qui déclarait, il y a quelques années, que sa conscience ne lui permettait pas de lire à son tour la prière d’usage à l’ouverture de l’année académique. Nous demandons comment la conscience d’un théologien qui lui interdit de prier, lui permet encore de se nommer théologien.

Nous répondons que la prière n’est pas plus incompatible avec l’existence d’un plan du monde conçu et formé par un Dieu libre que toutes autres manifestations de la liberté humaine ; que le plan du monde, tel que la révélation biblique nous le fait connaître, n’est pas le dessin arrêté et poussé jusqu’au détail de tous les actes futurs du drame universel ; que les cadres de ce plan du monde possèdent éternellement toute l’élasticité suffisante pour recevoir les manifestations même opposées de la liberté finie qui y sont prévues et d’avance réservées, pour s’accommoder dans ses réalisations effectives à toutes les éventualités issues de la liberté, à la prière par conséquent aussi, et les faire concourir toutes ensemble, bon gré mal gré, et chacune selon sa nature, son mode, et à son terme, à une fin commune et préordonnée.

L’Ecriture nous fait connaître en effet, à diverses reprises, des modifications dans l’exécution soit partielle, soit même générale du plan divin, résultant de l’intervention humaine, soit que celle-ci ait eu pour effet d’avancer ou de retarder quelques-unes de ces échéances, de prêter un concours ou de susciter un obstacle à la marche normale des événements. Or la prière passe dans l’Ecriture pour la plus active et la plus efficace de ces interventions. Après les exemples fameux de l’intercession d’Abraham (Genèse 18.23-32), de la lutte de Jacob où l’homme resta le vainqueur de Dieu (Genèse 32.24-31 ; cf. Osée 12.4-5), de l’intercession de Moïse (Ex. ch. 33), de la repentance des Ninivites qui éloigna de leur ville le fléau déjà prédit (Jonas ch. 3), de la prière de la Cananéenne qui triompha du silence de Jésus (Matthieu 15.22-29), nous pouvons citer deux cas plus choquants encore pour la sagesse du siècle que tous les autres, celui du prophète Elie, dont la requête eut le pouvoir d’ouvrir et de fermer le ciel (1 Rois 17, cf. Jacques 5.17-18) et celui de la pauvre veuve, image de l’Eglise militante sur la terre, qui, en criant à Dieu jour et nuit, réussira à accélérer le jour à la fois glorieux et redoutable des consommations (Luc 18.1-8).

Certes assez d’antiques et solennels oracles avaient annoncé l’avènement du Messie pour que ce terme de l’histoire parût aussi certain que le présent aux fidèles en Israël ; et le prophète Daniel n’en invoque pas moins, en prenant le sac et la cendre, pour son peuple et pour lui-même, l’effet de ces promesses irrévocables. Assez de déclarations de Jésus et des apôtres nous certifient le retour du Seigneur en gloire ; et l’Epouse n’en est pas moins sollicitée à répéter avec l’Esprit, depuis dix-huit siècles, et peut-être durant des siècles encore : Seigneur Jésus ! viens bientôt ! (Apocalypse 22.17)

FIN DE LA COSMOLOGIE.

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