« La sagesse qui préside à la divination saura démêler toutes choses ; elle ne permettra point au devin de parler au hasard, cette divine sagesse, qui contient en elle-même les raisons de tout ce qui existe et qui assigne à chaque chose le rang et la dignité qui lui sont propres. Elle ne laissera pas ce vain oracle Pythien faire aux Messéniens ou aux Lacédémoniens, qui reprochaient aux premiers de leur avoir enlevé le pays qu’ils occupaient, par une victoire où la ruse avait eu le plus de part, une réponse comme celle-ci :
Phébus ne t’engage pas seulement à combattre par la force des armes ; mais comme c’est la fraude qui a livré la terre de Messénie à des mains étrangères, il faut que cette fraude retombe sur ses auteurs. »
Elle leur recommandera plutôt la paix, la frugalité, la modération. En effet, ces hommes formés par les lois de Lycurgue, mais emportés par la cupidité et la vaine gloire, étaient venus consulter l’oracle, parce qu’ils ne voulaient pas paraître le céder en valeur guerrière aux Messéniens, eux qui se vantaient d’avoir été formés à l’école et sous les lois de la patience, comme si des hommes formés à l’école de la patience n’eussent pas dû plutôt se contenter de peu, s’abstenir de la guerre, renoncer aux armes et à tout ce vain orgueil. Voilà ce que tu répondis aux Lacédémoniens contre les Messéniens. Voyons maintenant la réponse que tu fis à ceux-ci contre les premiers ; car tu ne rougis pas de rendre à la fois un oracle en faveur des Lacédémoniens contre les Messéniens, et en faveur des Messéniens contre les Lacédémoniens.
« Le sort appelle la fille d’Epylus : immole-la aux dieux infernaux, et tu sauveras Ithome »
Car c’est un vain subterfuge que tu inventes, lorsque tu dis que la victime du sang d’Epylus n’était pas pure, et que pour cette raison les Messéniens n’offrirent point de sacrifice ; en effet, on sait que tu possèdes l’art de tout embrouiller. »
Voilà des faits tirés de l’histoire ancienne. On pourrait en trouver une multitude d’autres depuis les temps anciens jusqu’à nos jours ; car cette période nous offre une foule de princes que les oracles ont précipités dans des guerres inutiles, tantôt par l’obscurité de leurs réponses, tantôt par leur penchant naturel à tromper les hommes. Faut-il ajouter que dans les plus affreux revers de la guerre, dans les plus terribles fléaux, on ne trouva jamais la moindre assistance dans ces prétendues divinités ? Leurs oracles ne firent jamais d’autres réponses que celles qui sont rapportées dans les histoires anciennes. Mais il est un de ces oracles que les Grecs ne cessent de vanter, c’est celui d’Apollon Pythien. Or voici ce que répondit la Pythie à Lycurgue, qui vint un jour la consulter :
« Tu viens à mon temple, engraissé du sang des victimes, ô Lycurgue, tête chérie de Jupiter et de tous les dieux qui habitent l’Olympe, toi à qui je ne sais si je dois donner le nom d’homme ou celui de dieu, quoique j’aime mieux cependant t’appeler dieu ; tu viens demander une bonne législation : je te la donnerai. »
Et le reste de l’oracle. Eh bien ! voyons comment l’auteur que nous avons déjà cité combat cette réponse. Voici ce qu’il dit.