Quels sont les commandements qui font partie de la première table ? Lesquels constituent la seconde ? — L’A. T. ne nous dit rien à cet égard. Si la manière dont les Réformés numérotent les dix paroles est la vraie, il est fort probable qu’il faut donner cinq commandements à chaque table, ainsi que le faisaient déjà Philon et Josèphe. Les cinq premiers se distinguent des suivants par le fait qu’ils sont tous motivés par quelque considération particulière et que tous ils renferment les mots : « Jéhovah, ton Dieu, » du moins si l’on regarde le v. 2 comme faisant en quelque sorte partie du premier commandement. Ce qu’on peut objecter de plus fort à cette division, c’est qu’alors la première table aurait onze versets et la seconde seulement deux. Mais cela n’est point d’une importance décisive. La première table renfermerait ainsi les prœcepta pietatis, la seconde les prœcepta probitatis. — Des passages comme Lévitique 19.32 ; Exode 22.27 suffisent à justifier pleinement l’introduction du cinquième commandement parmi les prœcepta pietatis.
[Voyez aussi Lévitique 19.3. Les parents, les vieillards, les magistrats doivent être respectés en tant que tenant leur autorité de Dieu. Telle est la pensée qui sert de trait-d’union entre les commandements relatifs à Dieu et ceux qui se rapportent aux parents, etc. Proverbes 24.21l.]
l – Luther dit : « Ideo istud præceptum post præcepta primio tabulæ ponitur, quia est de illis, qui sunt vicarii Dei. Quare, sictit Deus colendus est honore, ita et vicarius ejus. »
Calvin et les Réformés ne donnent que quatre commandements à la première table et mettent le cinquième en tête de la seconde. Matthieu 19.19 témoigne en faveur de cette division en citant le 5e commandement parmi ceux relatifs au prochain. Éphésiens 6.2 ne prouve absolument rien dans la question qui nous occupe. On l’a cité comme favorisant la pensée que la 2e table a dû commencer par le 5e commandement ; on sous-entendait : C’est le 1er commandement (de la 2e table) ayant une promesse. Mais voici le sens de Éphésiens 6.2 : C’est le premier, ou plus exactement, un premier commandement, un commandement capital dans une promesse, c’est-à-dire parce qu’il est accompagné d’une promesse. Autant en font à l’égard du cinquième commandement les Luthériens, qui ne donnent que trois commandements à la première table, tandis que la seconde en a sept pour sa part. On fait valoir en faveur de ce partage la valeur symbolique du nombre trois et du nombre sept, ainsi que le fait que les deux tables auraient alors une longueur à peu près égalem. Voici donc comment se présente à nous le Décalogue :
m – Mais ce sont là de faibles arguments en comparaison des raisons internes qui nous ont engagé à repousser cette division-là.
Première table. Le premier commandement pose le principe du monothéisme et interdit le polythéisme. Le second, en défendant d’adorer Dieu sous n’importe quelle image, s’oppose en général à la divinisation de la naturen. Le troisièmeo ordonne à l’Israélite d’honorer Dieu dans toute sa vie, et pour cela il condamne le mépris de Dieu sous sa forme la plus fréquente et la plus facile. Le quatrième jette, dans la loi du sabbat, les bases de toutes les ordonnances relatives au culte ; le cinquième, les bases de toutes les ordonnances relatives à la vie sociale.
n – On est allé trop loin quand on y a vu la condamnation de la sculpture et de la peinture en général, comme l’ont fait Philon et certains Réformés (Zwingli).
o – Tout à fait littéralement : « Tu ne soulèveras, ne porteras pas le nom de l’Éternel ton Dieu à la vanité. »
Seconde Table. On y remarque la même trilogie que dans Psaumes 24.4, et d’autres passages de l’A. T. : main, bouche, cœur ; mauvaises actions, mauvaises paroles, mauvaises penséesp. Les mauvaises actions se présentent sous trois chefs : offenses contre la vie, contre le mariage, et contre la propriété (6e, 7e et 8e commandements). Le neuvième condamne tout faux témoignage et en général tout mensonge, et il est destiné à protéger la réputation du prochain. Enfin, le dixième, en condamnant le désir même de ce qui appartient à autrui, met bien en lumière le caractère intime de l’obéissance qu’exige la loi.
p – Thomas d’Aquin et Savonarole ont déjà développé cette pensée.
On s’est élevé contre ce sens profond du dernier commandement. Luther n’y trouve que la condamnation des mauvais moyens auxquels on peut avoir recours pour s’emparer du bien d’autrui. Alors le Décalogue n’exige plus qu’une justice extérieure. La grande question du cœur et de la convoitise n’est soulevée que par Celui qui dit lui-même qu’il est venu accomplir la loi et en révéler le sens intime. A cela je réponds que, sans doute, il n’a pas été, dans l’intention de Moïse d’établir une distinction profonde entre la convoitise cachée et ses manifestations extérieures ; voyez plutôt Marc 10.19, qui remplace le dixième commandement par ces mots : « Ne fais de tort à personne ; » mais d’autre part, si l’on cite en faveur du sens de Luther, Exode 34.24, et Michée 2.2, où le verbe convoiter a le sens de former des desseins coupables pour s’emparer de quelque chose, je citerai à mon tour Proverbes 6.25 (אל–תחמד, ne convoite point sa beauté dans ton cœur.) qui est une allusion évidente à notre commandement. Puis le Deutéronome emploie dans la seconde partie du v. 21, ch. 5, le verbe ivvah אוה, qui est presque toujours accompagné du substantif âme, en sorte qu’il ne peut pas signifier un acte, mais seulement un désir. Les Septante traduisent toujours οὐκ ἐπιθυμήσεις, Romains 8.7, rapporte également le dixième commandement à la convoitise du cœur. Voyez aussi Job 31.1-4.
Plus qu’une remarque : Un recueil de lois aussi bien conçu, aussi complet dans sa brièveté, tellement exempt de brèches et de bavures, ne doit pas avoir été retouché ; nous le possédons sous sa forme primitive. Qu’on voie plutôt ce qu’on en a fait en voulant le remanier, par exemple Meier, dans un livre intitulé : La forme primitive du Décalogue. Mannheim, 1846.