On trouve πάθος trois fois dans le N. T. ; une fois joint à ἐπιθυμία, Colossiens 3.5. (Pour παθήματα et ἐπιθυμίαι, unis de la même manière, voir Galates 5.24) ; une autre fois, subordonné à ἐπιθυμία (πάθος ἐπιθυμίας, 1 Thessaloniciens 4.5), tandis que dans le troisième cas où il est employé (Romains 1.26), πάθη ἀτιμίας désignent des convoitises qui déshonorent ceux qui s’y abandonnent.
Le mot appartient à la terminologie des écoles grecques de philosophie morale. Ainsi Cicéron (Tusc. Quæst. 4.5) : « Quæ Graeci πάθη, vocant, nobis perturbationes appellari magis placet quam morbos ». Sur cette préférence, voir 3.10 ; mais bientôt après Cicéron adopte la définition de Zénon : « aversa a recta ratione, contra naturam, animi commotio » ; et ailleurs (Offic. 2.5) : « Motus animi turbatus ». L’exacte définition de Zenon, telle que la donne Diogène de Laerce, est comme suit (7.1.63) : ἔστι δὲ αὐτὸ τὸ πάθος ἠ ἄλογος καὶ παρὰ φύσιν ψυχῆς κίνησις ἢ ὁρμὴ πλεονάζουσα. Clément d’Alexandrie se rappelle ces mots quand, distinguant entre ὁρμή, et πάθος, il écrit (Strom. 2.13) : ὁρμὴ μὲν οὖν φορὰ διανοίας ἐπί τι ἢ ἀπό του. πάθος δέ πλεονάζουσα ὁρμή ἡ ὑπερτείνουσα τὰ κατὰ τὸν λόγον μέτρα. ἢ ὁρμὴ ἐκφερομένη καὶ ἀπειθὴς λόγῳc.
c – Le désir est donc un mouvement timide de l’esprit, qui nous porte vers un objet ou nous en éloigne ; la passion, un désir exagéré, poussé au delà des bornes, sans frein et rebelle à ce que demande la raison.
Πάθος n’obtient nulle part dans le N. T. ce sens large dont l’ont revêtu les écoles grecques, et qui dépasse même celui qu’on y attribue à ἐπιθυμία, d’autant plus que ce dernier mot n’était considéré que comme un des nombreux accidents (πάθη) de notre nature (Diog. Laert., 7.1.67). Bien loin d’avoir ce sens restreint, ἐπιθυμία revêt dans l’Écriture le sens le plus étendu, embrassant le monde entier des convoitises et des désirs, vers lesquels pousse le θυμός, siège du désir et des appétits naturels, tandis que πάθος désigne plutôt la « morosa delectatio », qui n’est pas tant la maladie de l’âme dans ses opérations plus actives que cet état maladif qui donne naissance à celles-ci, le « morbus libidinis », comme Bengel l’exprime, bien plutôt que la « libido », la « lustfulness » des Anglais comme distincte du « lust » lui-même ; ainsi comparez Romains 7.5 : τὰ παθήματα τῶν ἁμαρτιῶν. Théophylacte : πάθος ἡ λύσσα τοῦ σώματος καὶ ὥσπερ πυρετός ἢ τραῦμα ἢ ἀλλὴ νόσος.
Ἐπιθυμία, qui est τοῦ ἡδέος ὄρεξις, d’après Aristote (Rhet. 1.10) ; ἄλογος ὄρεξις, d’après les Stoïciens ; immoderata appetitio opinati magni boni, rationi non obtemperans, d’après Cicéron (Tusc. Quæst. 3.11), se traduit le plus souvent par convoitise (Marc 4.19 ; Romains 7.8 ; Colossiens 3.5) et quelquefois par désir (Luc 22.15 ; Philippiens 1.23). Ἐπιθυμία revêt rarement, dans le N. T., un sens favorable (Luc 22.15 ; Philippiens 1.23 ; 1 Thessaloniciens 2.17 ; cf. Proverbes 10.24 ; Psaumes 102.5), mais bien plus souvent, un mauvais ; il ne signifie pas la simple « concupiscentia », mais cette « prava concupiscentia » qu’Origène (in Joan. tom. 10) affirme être le seul sens du mot chez les Grecs (Aristot., Rhet. 1.11). Ainsi ἐπιθυμία κακή (Colossiens 3.5) ; ἐπιθυμίαι σαρκικαί (1 Pierre 2.11) ; νεωτερικαί (2 Timothée 2.22) ; ἀνοήτοι καὶ βλαβεραί (1 Timothée 6.9) ; κοσμικαί (Tite 2.12) ; φθορᾶς (2 Pierre 1.4) ; μιασμοῦ (2 Pierre 2.10) ; ἀνθρώπων (1 Pierre 4.2) ; τῆς ἀπάτης (Ephés.4.22) ; τῆς σαρκός (1 Jean 2.16) ; et sans aucune épithète : Romains 7.7 ; Jude 1.16 ; Genèse 49.6 ; Psaumes 105.14. L’ἐπιθυμία est alors, selon la définition de Vitringa : « vitiosa illa voluntatis affectio, qua fertur ad appetendum quæ illicite usurpantur ; aut quæ licite usurpantur, appetit ἀτάκτως. Clément d’Alexandrie l’emploie également dans le même sens mauvais (Strom. 2.20) : ἔφεσις καὶ ὄρεξις ἄλογος τοῦ κεχαρισμένου αὐτῇ. Voir comme preuve que c’est toujours dans un sens mauvais qu’il faut faire usage du mot, une longue discussion dans Vitringa, De concupiscentia vitiosa et damnabili (Obss. Sac. p. 598, sq.). Nous avons déjà essayé de tracer les relations d’ἐπιθυμία avec πάθος.
Ὁρμή se rencontre deux fois dans le N. T. (Actes 14.5 ; Jacques 3.4) ; ὄρεξις, une fois (Romains 1.27). Ces mots se trouvent souvent ensemble ; ainsi dans Plutarque (De Amor. Prot. 1 ; De Rect. Rat. Aud. 18 ; avec la note de Wyttenbach), et dans Eusèbe (Præp. Evang. 14.765 d). Ὁρμή que Cicéron rend dans un endroit par « appetitio » (Off. 2.5), dans un autre par « appetitus animi » (De Fin. 5.7), est ainsi défini par les Stoïciens (Plutarch., De Rep. Stoic. 11) : ἡ ὁρμὴ τοῦ ἀνθρώπου λόγος ἐστὶ προστακτικὸς αὐτῷ τοῦ ποιεῖν. Ils l’expliquent plus loin comme étant cet « animi motus », qui est ὄρεξις, s’il s’agit d’un mouvement vers une chose, et ἔκκλισις, d’un mouvement pour s’en éloigner. Dans Jacques 3.4, la ὁρμή du pilote n’est pas le « impetus brachiorum », mais le« studium et conatus voluntatis ». Comparer pour cet emploi de ὁρμή, Sophocl., Philoct. 237 ; Plutarch., De Red. Rat. Aud. 1 ; Proverbes 3.25 ; et les nombreux passages dans lesquels ὁρμή s’unit à προαίρεσις (Joseph : Ant., 19.6, 3).
Mais si ὁρμή exprime ainsi le mouvement hostile et l’élan vers un objet, avec l’intention de le lancer et repousser encore plus loin, comme la ὁρμή d’une lance, d’une armée qui attaque, ὄρεξις (de ὀρέγεσθαι) signifie toujours et partout l’effort, vers un objet avec l’intention de le tirer à soi et de se l’approprier. Très souvent on emploie le mot pour indiquer le besoin de nourriture (Plutarch., De Frat. Am. 2 ; Symp. 6.2, 1). Dans les Définitions platoniques (414 b), la philosophie est décrite comme étant : τῆς τῶν ὄντων ἀεὶ ἐπιστήμης ὄρεξις. Le contexte du seul passage dans le N. T. où se présente ὄρεξις (Romains 1.27 ; cf. Plutarch., Quæst Nat. 21), prouve suffisamment, d’après le jugement de Saint Paul, quelles viles jouissances convoitaient les païens.