Si le peuple est fidèle, Dieu le bénit selon su promesse. Si non, il le châtie, car si l’homme marche contre Dieu, Dieu marche contre lui (Lévitique 26.23 ; Deutéronome 33.21 ; Psaumes 18.20). La loi du talion est à la base de tout le droit criminel de Moïse (Exode 21.23 et sq.). La théocratie étant un établissement terrestre, ses bénédictions et ses malédictions ont pour objet la vie présente. Ce peuple qui, dans toute son activité, doit avoir en vue la volonté de Dieu pour s’y conformer, doit aussi apprendre à lire dans ses destinées l’arrêt de la justice divine. Observons toutefois que si le mosaïsme coordonne ainsi les idées de piété et de bonheur d’une part, celles d’impiété et de malheur d’autre part, il n’autorise nullement à conclure de toute infortune à un péché correspondant, ni vice-versa. Dieu sait attendre ; Il épargne longtemps les méchants (Genèse 15.16) ; quelquefois à cause des bons (Genèse 18.20 et sq.) ; et souvent Il éprouve les justes et les met dans le creuset pour les purifier (Joseph). Ce n’est qu’au terme de la vie qu’il faut que le sort de l’homme réponde à sa valeur morale.
Toutes les bénédictions divines peuvent se résumer, en un seul mot : la vie ! (Deutéronome 30.15 ; 4.1 ; 8.1)a. Cette idée se retrouve surtout dans les Proverbes (Proverbes 12.28 ; 8.35 et sq.). La vie, c’est l’ensemble de tous les biens qui rendent l’homme heureux ici-bas ; c’est la longévité (Exode 20.12 ; Deutéronome 4.40 ; 11.9 ; 30.20) ; c’est une nombreuse famille, la fertilité du sol, la victoire sur les ennemis (Lévitique 26.3 ; Deutéronome 28.1. ; Proverbes 3.2 ; 4.10). Mais n’allons pas attribuer à l’A. T. un grossier eudémonisme : ce ne sont pas ces biens en eux-mêmes qui constituent la vie, le bonheur. L’impie qui en jouit n’est pas heureux pour tout cela. Ils ne rendent heureux que celui qui est en droit d’y voir la preuve que Dieu l’aime et qu’il est avec lui. C’est pour cela que dans le passage capital sur cette matière (Lévitique ch. 26) toutes les bénédictions que Dieu promet à son peuple aboutissent à cette parole du v. 11 : « Même je fixerai ma demeure au milieu de vous, et mon âme ne vous aura point en aversion. Je marcherai au milieu de vous et je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. » David s’inspire bien de Moïse quand, au Psaumes 4.8, il déclare qu’il ne voudrait pas échanger la joie qu’il éprouve en Dieu, avec l’abondance dans laquelle vivent les impies ; quand au Psaumes 16.2,5, il dit que l’Éternel est le bien suprême ; quand au Psaumes 63.3, il s’écrie : « Ta grâce vaut mieux que la vie. » Seulement l’A. T. ne fait point fi des récompenses terrestres, il envisage au contraire qu’en fin de compte le bonheur, un bonheur même extérieur, viendra manifester d’une manière définitive la communion intime dans laquelle le juste se trouve avec son Dieub.
a – « Je mets devant vous aujourd’hui la vie et la bénédiction. » « Observez mes commandements pour que vous viviez. »
b – C’est à ce point que nous reprendrons, dans la 3e partie de notre ouvrage, le développement de la doctrine de la Rétribution.
Les patriarches, ces amis de Dieu, ces hommes qui ont fait pendant toute leur vie la douce expérience que Dieu se plaît à bénir, qui s’en sont allés vers leurs pères en paix, avec de bons cheveux blancs, — (tel est le sens littéral de Genèse 15.15 ; 25.8) — et avec la ferme confiance que l’Éternel accomplirait envers leurs descendants toutes ses précieuses promesses (Genèse 48.21 ; 50.24 ; 1 Rois 2.4), — voilà l’idéal du bonheur individuel. Dans Deutéronome 33.27-29, Moïse dépeint le bonheur national, auquel arrivera, s’il est fidèle, ce peuple séparé de tous les autres peuples de la terre, comblé des riches produits du meilleur des pays et victorieux de tous ses ennemis.
Mais si le peuple est infidèle, toutes ces bénédictions sont retirées : la vie est raccourcie, les unions sont frappées de stérilité, les récoltes manquent, la disette survient, car Israël doit se rappeler que tous ces biens, quoique lui arrivant par l’intermédiaire de la nature, sont des dons de Dieu (Osée 2.8 et sq.). Ce n’est pas tout, les Israélites infidèles sont vaincus par leurs ennemis ; après l’épée, revient la famine ; puis les animaux sauvages se multiplient et la peste éclate (Ézéchiel 14.21). Le châtiment suprême, c’est lorsque Dieu livre en esclavage aux autres peuples les insensés qui se sont livrés au culte des autres dieux ; lorsque l’Éternel les chasse de sa maison (Osée 9.15), et par conséquent du pays auquel sont rattachées les bénédictions théocratiques ; lorsque Israël est dispersé aux quatre vents des cieux pour y être en butte au mépris et aux mauvais traitements (Lévitique 26.14-39 ; Deutéronome 28.15c et sq.). Les malheurs publics qui frappent les païens sont la preuve de l’impuissance de leurs dieux. Pour Israël, c’est le contraire : ses revers, son abaissement témoignent qu’il a un Dieu vivant et juste. « Regarde, maintenant que c’est moi, moi-même, et qu’il n’y a point d’autre Dieu que moi ! Je fais mourir et je fais vivre ; je blesse et je guéris, et il n’y a personne qui puisse se délivrer de ma main. » (Deutéronome 32.39). De là vient que les écrivains sacrés sont tout à fait étrangers à ce faux patriotisme qui passe sous silence les défaites et les calamités publiquesd.
c – Remarquez la terrible gradation du v. 18 : « Et si, amenés jusque-là. vous ne m’obéissez pas, j’augmenterai la correction en vous frappant sept fois plus pour vos péchés. »
d – Voyez sur ce sujet les intéressantes remarques de Niebuhr dans son « Histoire de l’Assyrie et de Babylone », p. 5.