Voici le dernier degré de l’évidence que l’on trouve dans la démonstration, qui nous prouve la vérité de la religion chrétienne ; c’est la vérité d’un quatrième fait qui se prouve naturellement par lui-même et par ses propres caractères, savoir, l’effusion du Saint-Esprit sur les disciples de Jésus-Christ.
Cette démonstration de la vérité de la religion chrétienne a trois degrés différents, qui consistent dans les trois parties du témoignage des apôtres. Le premier est Celui-ci : Jésus-Christ, fils de Marie, a fait des actions qui ne peuvent être que surnaturelles et miraculeuses, telles que sont, par exemple, la résurrection des morts, dont nos yeux ont été les témoins. Le second est : Nous avons reçu nous-mêmes le pouvoir de faire des miracles ; nous en pouvons faire d’aussi grands que Jésus-Christ, comme il nous l’a lui-même prédit et déclaré. Le troisième est : Ce n’est pas seulement nous qui faisons ces miracles, nous communiquons encore le pouvoir de les faire ; et ceux que nous convertirons pourront connaître qu’ils sont les disciples de Jésus-Christ, en ce qu’ils feront des signes pareils aux nôtres, et semblables à ceux que Jésus-Christ a faits.
Le premier degré de cette évidence frappe. C’est une chose convaincante et démonstrative que d’avoir devant les yeux, et même entre ses mains et en sa puissance, des témoins des miracles de Jésus-Christ, et des témoins oculaires, qui ont ouï tout ce qu’il a dit, qui ont vu tout ce qu’il a fait, qui ont conversé familièrement avec lui, et l’ont mille et mille fois interrogé sur toutes les difficultés qui se présentaient à leur esprit ; et des témoins qui déposent unanimement la même chose et la soutiennent au milieu des plus cruels tourments.
Mais c’est quelque chose de plus encore, d’entendre de ces gens que non seulement ils ont vu les miracles de Jésus-Christ, mais encore qu’eux-mêmes ils sont en état de faire des œuvres toutes semblables. De tous les témoins, ceux-là sans doute sont les plus recevables, qui s’offrent à faire voir ce qu’ils attestent.
Mais voici, selon mon sens, le dernier degré de l’évidence ; c’est que ces mêmes témoins s’offrent à vous convaincre des choses qu’ils vous disent, non seulement en rapportant les miracles qu’ils ont vu faire à Jésus-Christ, non seulement en s’offrant d’en faire de pareils, mais encore en promettant de mettre en état ceux qui croiront, d’en faire de tout semblables ; ils communiquent à leurs prosélytes les dons extraordinaires et miraculeux du Saint-Esprit, comme cela paraît par l’exemple du centenier Corneille. Ces dons deviennent si sensibles, que Simon le magicien veut les acheter à prix d’argent ; ils sont si remarquables, qu’ils font des impressions publiques sur ceux de la circoncision, qui s’étaient déjà convertis au Seigneur Jésus, et qui louent Dieu qui a aussi regardé les gentils. Enfin, l’Évangile que ces disciples annoncent, apprend que ce sont ici les signes qui accompagneront les disciples de Jésus-Christ : C’est qu’ils guériront les malades, etc.
En vérité, quelle que soit l’opiniâtreté des incrédules, il faut qu’ils se rendent aux traits pressants de cette triple vérité. Il ne se peut que les disciples rendent témoignage aux miracles de Jésus-Christ, s’ils sont faux ; ni ils ne l’oseraient, ni ils ne le pourraient, ni ils ne le voudraient. Il ne se peut qu’ils concertent une imposture sans exemple, en s’accordant à publier une résurrection et une ascension de Jésus-Christ, dont ils n’auraient point été les témoins.
Mais il est extravagant de s’imaginer que les apôtres se vantent de faire des miracles pour faire croire ceux de Jésus-Christ, et beaucoup plus extravagant encore qu’ils promettent à tous ceux qu’ils convertiront, de les mettre en état de faire des miracles tout pareils à ceux qu’ils attestent.
Au reste, on peut distinguer deux choses dans cette révélation qui se fit le jour de la Pentecôte : les symboles de la présence du Saint-Esprit, et les effets ou les dons du Saint-Esprit. Il est difficile que les disciples aient été trompés sur les uns ni sur les autres. Je veux pourtant qu’ils l’aient été sur le sujet de ces symboles extérieurs et corporels ; qu’ils aient cru entendre un vent impétueux qui ne souffla point en effet ; qu’ils aient pris pour du feu ce qui n’était point du feu, par l’effet de quelque éblouissement inopiné. Cette supposition est assurément un peu violente ; car quand on pourrait voir du feu par quelque faiblesse de l’organe, ou quelque illusion du dehors, là où il n’y a point de feu en effet, il est bien difficile de joindre le feu et le son dans une imagination qui s’égare, et plus difficile encore d’apercevoir ce feu dans la forme qui a le plus de rapport avec le ministère des apôtres ; et ce serait un étrange cas fortuit que celui qui aurait ainsi modifié ce feu, et l’aurait fait paraître en forme de langues mi-parties, se posant sur chacun des disciples qui étaient là assemblés. D’ailleurs, il serait étonnant que tous se trouvassent ensemble susceptibles de la même illusion. Mais tout cela ne sert de rien. Cette supposition est violente ; n’importe, tout cela sera véritable si l’on veut ; mais qu’on nous dise de quelle manière on peut exprimer les effets de cette effusion, ces effets durables et permanents, qui subsistent lorsque ce vent ne souffle plus, qu’on n’entend plus ce son qui avait rempli la maison, et que ce feu et ces langues ont disparu.
Car enfin, on ne prétend point cacher ces effets surprenants. Les apôtres parlent d’abord toutes les langues du monde, et les parlent devant toutes les nations de la terre. Ils convertissent tantôt six mille personnes, tantôt trois mille, par une seule prédication, et en disant seulement à ceux qui les écoutent : Lui donc s’étant assis à la droite de Dieu, a répandu ce que maintenant vous voyez et entendez.
Jésus-Christ n’aura point fait de miracles, si l’on veut ; cela n’importe, mais les apôtres en font ; ils choisissent même les malades les plus connus ; un boiteux, par exemple, connu de toute la ville de Jérusalem, pour le faire marcher et sauter devant tout le peuple de cette florissante ville.
Cela serait admirable, que les apôtres entreprissent de faire voir de faux miracles à des gens mille et mille fois plus subtils et plus habiles qu’eux : mais cela serait plus surprenant, qu’après avoir annoncé une fausse résurrection de leur Maître, ils entreprissent de la prouver en faisant un faux miracle, qui ne pouvait manquer d’être reconnu.
Je veux encore que leur extravagance ait été jusque-là, et que les Juifs, qui avaient tant d’intérêt à découvrir leur fourberie et leurs artifices, aient été abandonnés du sens commun jusqu’au point de ne rien rechercher, de ne rien examiner à cet égard. Que répondra-t-on à ceci, qui est, à mon avis, invincible et démonstratif ? C’est que les apôtres prétendent non seulement faire des miracles, mais donner à leurs disciples le pouvoir d’en faire.
A-t-on jamais vu une société se former par la prédication de quelques imposteurs qui donnent ce caractère de la vérité de leur prédication, qu’ils donneront le pouvoir de faire des miracles ; qu’ils confèrent les dons miraculeux à ceux qu’ils baptisent ; mais des dons miraculeux si sensibles, qu’ils ne peuvent douter qu’ils ne les aient reçus, et que les autres ne peuvent aussi former aucun doute légitime et raisonnable à cet égard ?
Cette considération est d’autant plus forte, que les dons dont il s’agit ici sont des dons durables et permanents, du moins pendant le premier âge de l’Église. J’avoue que le Saint-Esprit prédit que la prophétie sera abolie, et que les dons des langues cesseront ; ce qui doit nous empêcher d’être surpris que ces dons ne subsistent plus de nos jours. Il n’y a que la foi, l’espérance et la charité qui aient dû durer jusqu’à la consommation des siècles ; mais je sais aussi que les dons miraculeux ont duré autant que les apôtres, et même plus longtemps qu’eux, jusqu’à ce que Dieu eût établi partout des églises chrétiennes, les échafaudages n’ayant été renversés que lorsque l’édifice eut été bâti : c’est de quoi il n’est pas possible à un homme de bon sens de douter, lorsqu’on voit les allusions que les apôtres font à ce fait, si fréquentes, si naïves, si naturelles. Les dons des langues et les autres dons miraculeux étaient donc des dons durables et permanents à l’égard de ceux qui les avaient reçus : le père s’en entretenait avec l’enfant, et l’enfant avec son père. Les Juifs s’étonnent que le Saint-Esprit soit aussi communiqué aux gentils, et en prennent occasion de glorifier Dieu.
Je consens qu’on fasse les suppositions les plus violentes que l’on pourra ; mais du moins ne me niera-t-on point que les apôtres, qui prétendent communiquer le Saint-Esprit par l’imposition de leurs mains, et qui offrent de le faire descendre sur leurs prosélytes en les baptisant, et qui vont prêcher partout que le temps est venu auquel, selon la prophétie de Joël, le Saint-Esprit doit se répandre sur toute chair, et qui, dans les Évangiles, dans les histoires qu’ils composent de la vie de leur Maître, osent vous dire de sang froid : Ce sont ici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru, etc. Que ces gens-là ne croient de bonne foi et avoir reçu et pouvoir communiquer le Saint-Esprit, ils se trompent si vous voulez ; ce n’est pas là-dessus que je dispute maintenant ; mais qu’ils se trompent ou qu’ils ne se trompent pas, il est bien évident que, s’ils n’étaient pas de bonne foi dans cette erreur ou dans ce préjugé, ils ne se hasarderaient pas à faire cette promesse ; cela saute aux yeux. Un homme qui ne croit pas avoir les dons miraculeux, ne promettra point de les communiquer aux autres.
Or, que l’on prenne bien garde à ce dernier principe ; car je n’ai affaire que de lui pour prouver invinciblement et démonstrativement la vérité du christianisme. En effet, si les apôtres croient de bonne foi parler toutes sortes de langages, et avoir reçu les dons miraculeux et extraordinaires du Saint-Esprit, je dis qu’il ne se peut qu’ils soient des imposteurs et des fourbes sur le reste. Il est impossible qu’ils croient avoir reçu les dons miraculeux, à moins qu’ils ne croient les miracles, la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ véritables, et il est impossible qu’ils croient les miracles, la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ véritables, à moins que ces événements ne soient véritables, parce que, comme nous l’avons fait voir évidemment, il n’est pas possible que ces faits aient été susceptibles d’illusion.