Qu’ai-je fait, Seigneur, pour mériter les biens dont tu me combles ? et qu’ont fait de moins que moi tant d’êtres souffrants, pauvres, ignorés ? Ah ! quand je compare ma position à la leur, en même temps que ma charité à la tienne, je tremble sur moi-même, m’accusant de dureté. Ne pourrais-je rien retrancher à mon abondance, rien fournir à leurs besoins ? Suis-je bien venu à consoler ceux que je ne soulage pas ? mon Maître ne guérissait-il pas le corps en même temps que l’âme ? Et moi, toute ma charité ne s’évapore-t-elle pas en soupirs ? Oh ! mon Dieu, quel compte à te rendre ! combien je ressemble plus au riche vêtu de pourpre qu’au pauvre Lazare mourant de douleur et de faim ? Et encore quelle ingratitude envers toi, que je ne sais pas remercier ! quelle ingratitude dans mon appréhension de perdre un peu de mon abondance, quel murmure dès qu’un souffle de l’adversité m’effleure ? Mon Dieu, toi seul peux sonder toute la profondeur de cette plaie morale, et je sens que l’habitude du bien-être m’a privé de ma sensibilité, comme la vue des misères d’autrui m’a endurci à l’émouvant spectacle que tu m’avais donné, pour amollir mon cœur et en faire jaillir la charité. Mon Dieu, pardon ; et surtout force pour mieux faire. Que je me place plus souvent par la pensée à la table du pauvre, sur le lit du malade, et que je vole à leur secours. Que je me dise bien que ces petits du monde sont les frères de Jésus-Christ, et qu’en les secourant ou les délaissant, c’est mon Sauveur que je secours ou délaisse. Que j’entende d’avance retentir à mes oreilles cette douce parole : Ce que tu leur as fait, tu 1’as fait à moi-même ! Seigneur, donne-moi la charité de ton Fils, et qu’à son exemple j’apprenne enfin à descendre du paradis de mon bien-être, dans l’enfer de misère et de souffrance où tant de mes semblables sont plongés, pour leur apporter, avec du pain, la consolation, la paix, la joie, et la vie éternelle qui sont en Jésus-Christ.