LA manière dont cet impie mourut fut une preuve visible de son imprudence. Après avoir passé le fleuve qui sépare les terres des Romains de celles des Perses, il brûla ses vaisseaux pour porter ses soldats à la guerre par nécessité, au lieu de les y porter par raison. Les plus excellents Capitaines ont accoutumé de relever le courage de leurs soldats, quand ils les trouvent abattus, et de leur inspirer de la confiance. Celui ci au contraire abattit le courage des siens, en leur ôtant l'espérance de retourner en leur pays. De plus, au lieu d'avoir soin d'amasser des vivres et d'en faire porter des Provinces de l'Empire, ou d'en prendre sur les terres des ennemis, ce prudent prince mena son armée à travers un désert, où ses gens pressés par la faim et par la soif, et égarés détestèrent sa conduite. Dans le temps même qu'ils s'en plaignaient avec horreur, ils le virent tomber sans qu'il fût soutenu par le Dieu de la guerre, qui lui avait promis de lui être favorable, ni par Apollon qui lui avait imposé, ni par Jupiter qui ne se mit point en peine de lancer son tonnerre sur celui qui l'avait frappé. Ainsi ses menaces demeurèrent vaines, et sans effet. On n'a point su jusques à cette heure, qui fut celui qui lui donna ce coup mortel, qu'il avait très justement mérité. Quelques-uns disent que ce fut un Ange, qui le frappa sans être vu. D'autres que ce fut un Ismaélite, et d'autres enfin que ce fut un soldat que la faim, et le dépit d'être égaré dans la solitude, avaient mis au désespoir. Il est certain que quiconque l'a frappé, soit un Ange, ou un homme, n'a été que le ministre, et l'exécuteur des ordres de la Justice divine. On dit que quand il eut reçu le coup, il prit quelques gouttes de son sang dans sa main, les jeta contre le Ciel, et dit en même temps : Galiléen, vous avez vaincu ; avouant ainsi sa défaite, et avançant un blasphème tant il était emporté, et extravagant.