Combien de fois, Seigneur, j’ai été frappé de l’abondance du mal sur la terre, de la méchanceté des hommes, de la nécessité de réformer la société ? Combien de fois j’ai cherché des remèdes à tous ces maux ; combien je me serais estimé heureux de les appliquer moi-même, de parler, d’agir pour moraliser, convertir le monde ! Que de souhaits, que de projets j’ai conçus pour les autres, hélas ! en m’oubliant moi-même ! Je dis : « Priez, » et je ne prie pas ! Je dis : « Lisez la Parole, » et je ne la lis pas ! « Sanctifiez-vous, » et ne me sanctifie pas ! Mon Dieu, quel aveuglement ; ou plutôt quel orgueil ; mieux encore, quelle lâcheté ! Ah ! Seigneur, tourne mes regards sur moi-même ; apprends-moi à sonder mon propre cœur, à gémir sur mes propres misères. Mais que ce ne soit pas comme ces médecins qui étudient sur eux-mêmes les maladies qu’ils veulent traiter chez les autres ; qu’avant tout ce soit pour me guérir moi-même. Si je travaillais pour moi, n’aurai-je pas, par là, travaillé pour mes frères ? Pourrais-je leur donner de meilleurs arguments que ceux des bons exemples : Jésus n’était-il pas saint en même temps qu’il prêchait la sainteté ? Son humilité n’est-elle pas écrite sur sa crèche et sa croix encore plus que dans ses discours ? Oui, Seigneur, ce n’est pas le modèle qui me manque, c’est le courage de l’imiter. Viens donc à mon secours, donne-moi d’essayer sur moi tout ce que j’offre aux autres ; donne-moi de faire avant de dire, d’agir plus que de parler. Donne-moi surtout de parler et d’agir en toute sincérité ; non en imitation des hommes, mais de mon propre mouvement ; que je n’offre à autrui que ce que je trouve bon pour moi, et surtout que je ne m’érige jamais en maître, moi dont le Maître s’est fait serviteur.