La persécution vandale en Afrique trouva un historien dans l’évêque de Vita en Byzacène, Victor. Son Histoire de la persécution de la province d’Afrique aux temps de Geisérich et de Hunérich, rois des Vandales, a été écrite deux ans à peine après la fin des événements, en 486. On la divise tantôt en cinq, tantôt en trois livres seulement, le premier racontant ce qui s’est passé sous Geisérich, jusqu’en 477, les deux autres ce qui regarde le règne de Hunérich (477-484). Victor n’a parlé que par ouï-dire ou d’après des sources étrangères de la persécution de Geisérich : ses renseignements sont maigres et imprécis ; par contre, il a été témoin oculaire et victime probablement lui-même de celle de Hunérich, et il en traite avec une netteté et une sûreté d’information qui font de son récit un document historique de premier ordre. Son style, peu châtié, se rapproche beaucoup du latin populaire ; mais il est chaud, coloré et tout frémissant des émotions qui agitent encore l’auteur.
Deux appendices que l’on joint d’ordinaire à l’Histoire de Victor n’en font point partie et ne sont pas de sa plume. Le premier est une Passion de sept martyrs qui ont souffert sous Hunérich en 483 ; le second est une Notice des provinces et des cités de l’Afrique, où les sièges des évêques convoqués à Carthage pour la conférence du 1er février 484 sont classés par ordre de provinces.
Quatre-vingts ans après l’évêque de Vita, vers 568, un autre Victor, évêque de Tunnunum ou Tunnuna dans l’Afrique du Nord, écrivit une Chronique, imitée visiblement de celle de saint Prosper, et qui allait du commencement du monde jusqu’à l’an 567. Il s’en est conservé seulement la dernière partie, la plus intéressante, qui part de l’année 444 et s’occupe surtout des événements africains.
A côté des historiens signalons les poètes. On a déjà cité plus haut Verecundus de Junca, dont l’exégèse vaut mieux que la versification. Après lui, ou plutôt avant lui nous en connaissons un autre Æmilius Dracontius, qui écrivait sous le roi vandale Guntamund (484-496). Dracontius était issu d’une riche famille africaine et il suivait lui-même avec honneur la carrière juridique, quand il eut l’imprudence de célébrer dans ses vers l’empereur de Byzance. Le roi vandale y vit une trahison. Le poète fut mis en prison et l’on ne sait s’il en sortit jamais. Quoiqu’il en soit, c’est dans sa prison qu’il composa ses deux plus beaux poèmes : une Satisfaction (Satisfactio) et des Louanges de Dieu (Laudes Dei ou Carmen de Deo). Le premier est une élégie en cent cinquante-huit distiques, où l’auteur reconnaît la faute dans laquelle Dieu a permis qu’il tombât à cause de ses péchés, célèbre la miséricorde de ce Dieu qui pardonne au pécheur repentant et, s’adressant au roi Guntamund, le prie de se montrer, lui aussi, miséricordieux à son égard. Cette pièce, transmise sans doute au roi, n’obtint aucun résultat. Une seconde la suivit, beaucoup plus étendue. C’est un poème en trois livres qui chante encore la bonté et la miséricorde de Dieu envers l’homme. Cette bonté se manifeste d’abord par la création (i, sept cent cinquante-sept vers), puis par l’incarnation et la mission de Jésus-Christ (ii, huit cent dix-huit vers) ; nous devons donc lui être reconnaissants et avoir en lui une inébranlable confiance (iii, sept cent cinquante-cinq vers). Le premier livre, de bonne heure, a circulé à part sous le titre de Hexaemeron creationis mundi.
Dracontius est un vrai poète, qui a un sentiment très vif des beautés de la nature et qui, pour traduire ses élans d’amour et de reconnaissance envers Dieu, a su écrire des tirades bien venues ou plutôt « des hymnes pleins d’effusions lyriques ». Ses vers, dans lesquels il s’efforce de se rapprocher des classiques, sont moins corrects que ceux de saint Avite ou de Marius Victorius de Marseille, mais ils présentent parfois plus d’harmonie et d’éclat. On trouve chez lui des descriptions délicieuses.
La Satisfaction et le premier livre des Louanges de Dieu furent plus tard corrigés, abrégés et édités à part, vers 642-649, par un évêque espagnol, Eugène II de Tolède et, jusqu’au xviiie siècle, on ne connut que sous cette dernière forme les poèmes de Dracontius. C’est F. Arevalo qui en publia, en 1791, le texte intégral.