Le grand-prêtre (Nombres 35.28) ; le prêtre revêtu de l’onction (Lévitique 4.3, 5, 16) ; le prêtre qui est plus grand que ses frères et sur la tête duquel a été répandue l’huile de l’onction (Lévitique 21.10), ou bien le prêtre par excellence (Deutéronome 17.12), telles sont les différentes manières dont le souverain sacrificateur est désigné dans le Pentateuque. Ce n’est que plus tard qu’apparaît l’expression de כהן הראש, prêtre-chef (Cohen Harôsch) (2 Rois 25.18 ; Esdras 7.5). Les Septante l’appellent le plus souvent ὁ ἱερεύς ὁ μέγας, le N. T., Philon et Josèphe ὁ ἀρχιερεύς.
C’est lui qui est le médiateur par excellence entre Dieu et le peuple. Tandis que dans les sacrifices le sang d’une victime sans défaut et sans tache vient couvrir aux yeux de Dieu les souillures du peuple, le souverain sacrificateur est un homme choisi de Dieu et sanctifié pour pouvoir, saint comme il est, se présenter devant Dieu à la place du peuple et porter, d’après l’important passage : Exode 28.38, « l’iniquité des choses saintes que les enfants d’Israël consacrent en tous genres d’offrandes saintes, afin de les faire agréer en présence de l’Éternel. » D’où il résulte que tout sacrifice, pour être vraiment efficace, — pour expier et sanctifier véritablement, — doit être offert par une personne sainte qui fasse en quelque sorte oublier à Dieu les défauts et les souillures de ce sacrifice même. Mais cette personne sainte a aussi besoin de purification (Hébreux 5.3), tant il est vrai que l’ancienne alliance se sent incapable de réconcilier véritablement l’homme avec Dieu.
[Calvin dit fort bien à propos de ce passage : « L’iniquité des saintes oblations ! Cette iniquité devait être enlevée et abolie par le grand-prêtre. Qu’est-ce à dire ? Que Dieu pardonnait, à la prière du grand-prêtre, les erreurs ou les oublis dont on avait pu se rendre coupable dans les cérémonies sacrées ? Non ! Il y a beaucoup plus que cela dans cette parole. Nul sacrifice humain n’est exempt de défaut ; voilà pourquoi il est question de l’iniquité des saintes oblations. Dût cela sembler tout à fait paradoxal et insupportable, nos saintetés elles-mêmes sont souillées. Quoi de mieux que de rendre un culte à Dieu et que de le lui rendre d’une manière conforme aux prescriptions de la Loi ? Eh bien ! il y avait jusque dans ce culte matière à pardonner. » ]
Comme représentant de toute la nation, il porte les noms des douze tribus sur l’épaule et sur le cœur (Exode 28.12, 29), et c’est aussi parce qu’il a une valeur égale à celle de tout le peupleo, que la victime immolée en sa faveur au grand jour des expiations est absolument identique à celle qui est immolée en faveur de tous ses frères. — En lui, Dieu voit tout Israël, et quand il pèche, il met tout le peuple en état de délit (Lévitique 4.3), comme aussi quand Dieu se déclare satisfait du souverain sacrificateur, tout le peuple peut se dire reçu en grâcep.
o – Aben Esra dit à ce propos : « Le souverain sacrificateur vaut tout Israël. » Voyez aussi Bæhr II, page 13 sq.
p – C’est à ce point de vue qu’il fa ni se placer pour expliquer Zach. ch. 3.
Il faut que toute la personne du souverain sacrificateur soit, plus encore que celle des prêtres ordinaires, marquée au coin de la pureté et de la consécration à l’Éternel, car il est le Saint de Jéhovah par excellence (Psaumes 116.16). Comme tous les prêtres de la famille d’Aaron, il doit être exempt de défauts corporels ; mais, en sus de ce qui leur est défendu (§ 95), il n’ose en aucun cas se souiller pour un mort, pas même pour son père ou pour sa mère ; toute marque de deuil lui est interdite et il n’ose pas épouser une veuve, mais seulement une femme viergeq (Lévitique 21.10-15).
q – Et au v. 14 de Lév. ch. 21. il est dit que ce doit être une Israélite. Voyez Néhémie 13.28.
[Quand il est dit Lévitique 21.12, qu’il ne doit pas sortir du sanctuaire, il faut sous-entendre, d’après le sens du contexte : pour cause de deuil. (Lévitique 10.7) Au v. 10. il lui est défendu de découvrir sa tête ; cela veut dire probablement qu’il ne doit point ôter sa tiare pour répandre de la cendre sur sa tête.]
La consécration du souverain sacrificateur diffère aussi de celle des simples prêtres, à l’égard des vêtements d’abord, puis à l’égard de l’onction. Or les vêtements ont une importance capitale, voyez Exode 29.5-9 ; Nombres 20.26-28r. Sans ces ornements sacerdotaux, le grand-prêtre redevient un Israélite comme un autre et ne peut point tenir devant Dieu la place de son peuple. S’il se présente devant l’Éternel en vêtements ordinaires, il est digne de mort. Nous trouvons la description de ces ornements dans Exo. ch. 28 et 39s. Les vêtements de dessous ne différaient pas de ceux des autres prêtres ; mais ce qui en différait, c’était d’abord le rochett, robe de lin couleur d’azur, avec une ouverture pour la tête, et, d’après Josèphe et les rabbins, sans manches, en sorte que les manches blanches de l’habit de dessous étaient visibles. Son bord inférieur était garni de grenades de la même matière que la robe, alternant avec des clochettes d’or. La tradition fixe à 72 le nombre de ces clochettes. Elles servaient à annoncer au peuple qui se trouvait dans le parvis l’approche du souverain sacrificateur, et à signaler chacun de ses mouvements (Exode 28.35), en sorte que les fidèles pouvaient l’accompagner de leurs prières. Ensuite venait l’éphod אפוד qui se mettait sur le rochet ; puis le pectoral, חשן avec l’urim et le thummim, tenu à l’éphod par des chaînettes. Une tiare מצנפת, et non pas un simple turban, couronnait le souverain sacrificateur. Elle présentait sur le devant une plaque d’or (appelée נזר, diadème, dans Exode 29.6) sur laquelle étaient gravés ces mots : Sainteté à l’Éternel. Pour le grand jour des expiations était prescrit un autre habillement, dont nous parlerons ci-dessous, § 140.
r – D’après ce dernier passage, c’est par la transmission des habits sacerdotaux d’Aaron à Eléazar, que la dignité sacerdotale elle-même passa de l’un à l’autre.
s – Comparez aussi Sira.45.8-13 et Jos. Ant. III, 7, 4 sq., Bell. jud, 5.5, 7.
t – מעיל, Meïl, ποδήρης chez les Septante.
Bæhr, partant du point de vue que le souverain sacrificateur, en tant que représentant du peuple tout entier, doit réunir en sa personne les trois pouvoirs qui régissent la théocratie, voit dans l’éphod et la tiare le symbole de la royauté, dans le rochet, celui de sa qualité de prophète, dans les vêtements de dessous qu’il porte comme tous les prêtres, celui de la prêtrise. Mais l’A. T. n’attribue nullement la dignité royale au grand-prêtre. Ce n’est que le Messie qui réunira en sa personne ces deux charges (Psaumes 110.4 ; Zacharie 6.13). Les deux seuls offices du grand-prêtre sont ceux dont nous avons déjà parlé à propos des prêtres de la famille d’Aaron (§ 95) et de Deutéronome 33.10 : l’intercession ou la médiation, et l’instruction religieuse (Sira.45.16 et sq.). Ce n’est donc que dans ces deux directions qu’on peut chercher un sens symbolique aux ornements sacerdotaux.
Le rochet en lui-même n’a aucune importance symbolique, ainsi que le prouve l’expression Exode 28.31 : « Le rochet de l’éphod. » Mais il en est autrement de l’éphod et de la tiare. Au moyen de l’urim et du thummim, le souverain sacrificateur peut, dans des cas douteux, faire connaître au peuple la volonté de son Dieu. Les noms des douze tribus, qu’il porte sur son cœur et sur ses épaules quand il a revêtu l’éphod, montrent en lui le grand médiateur entre le peuple et l’Éternel. Le cœur est le foyer de la vie personnelle ; porter le peuple sur son cœur, c’est s’identifier absolument avec lui, avoir la plus profonde sympathie pour cette assemblée souillée en faveur de laquelle il intercède. Si l’éphod a la forme d’une pèlerineu et si les noms des tribus sont gravés sur les deux pierres d’onyx qui en retiennent les deux faces sur les épaules, cela montre simplement que la charge du peuple repose sur le souverain sacrificateur, et que c’est un pesant fardeau que l’office de médiateur (Nombres 11.11)v.
u – Chez les Septante : ἐπωμίς, épaulière.
v – Ce n’est point, comme le pense Gerlach, une marque de pouvoir, de domination.
Une fois le souverain sacrificateur revêtu de ses habits sacerdotaux, il recevait l’onction, une onction spéciale (Exode 29.7 ; Lévitique 8.12 ; 21.10, onction sur la tête,) qui était fort abondante (Psaumes 133.2), et après laquelle il s’appelait le prêtre de l’onction.
[D’après la tradition, on faisait, après l’onction, sur le front du souverain sacrificateur, un signe en forme de ς grec avec de l’huile. Si cela est exact, on pourrait rapprocher de cette coutume Ézéchiel 9.4 : Marque un thau sur le front des hommes. Dans les anciens manuscrits le thau a la forme du χ. — Une autre tradition veut que la cérémonie de l’onction se soit célébrée jusqu’au temps de Josias, où l’huile sainte aurait été cachée et se serait perdue, en sorte que dès lors les souverains sacrificateurs n’auraient plus été consacrés que par la collation des ornements sacrés.]
Quant aux fonctions du souverain sacrificateur, c’étaient toutes les mêmes que celles des prêtres ordinaires. Ceux-ci n’avaient rien à faire que ne pût faire également leur chef. Josèphe (Bell. jud. 5.5, 7) dit que le grand-prêtre ne fonctionnait que les jours de sabbat, de nouvelle-lune et aux fêtes solennelles, mais d’après le Mischna Thamid, 7.3, il leur était loisible de s’occuper des sacrifices quotidiens. Ce qui leur incombait exclusivement, c’étaient les cérémonies du jour des expiations et le soin de consulter Dieu par l’urim et le thummim. Au reste, le culte tout entier et toutes les fonctions sacerdotales formaient un ensemble de cérémonies bien enchaîné dans ses diverses parties. Jamais prêtre n’officiait en son privé nom, ni individuellement, mais uniquement comme membre du corps sacerdotal, en vertu des pouvoirs concentrés sur la tête du grand-prêtre et par conséquent au nom de ce dernier. L’Ecclésiastique a donc parfaitement raison quand il appelle les sacrifices quotidiens eux-mêmes, les sacrifices d’Aaron (Siracide 44.14,16).