Il en est de la Divinité comme du soleil qui est lumineux en lui-même, qui répand sa gloire au dehors par ses rayons, et qui imprime dans la nuée ou dans l’eau une image affaiblie et dépouillée de son plus grand éclat, mais pure, agréable et majestueuse.
La Divinité a une gloire essentielle qui consiste dans l’éminence de ses vertus et de ses perfections infinies, à laquelle il est impossible de rien ajouter, et dont il est même impossible de soutenir l’éclat. Cette gloire sort au dehors par ses ouvrages, qui tiennent de leur divin principe, et elle forme du concours des rayons qui la portent jusqu’à nous, et qui se réunissent dans le cœur de l’homme, une image de ce beau soleil, qui, quoique affaiblie et dénuée d’un éclat trop éblouissant, ne laisse pas d’être pure, fidèle et magnifique. Cette image est ce que nous appelons la religion chrétienne, et que l’on peut prouver par le seul avantage qu’elle a de se rapporter à la gloire de Dieu, et d’être comme une fidèle expression de ses vertus et de nos devoirs.
Il n’y a que celle-ci en effet qui désabuse les hommes en détruisant les fausses idées qu’ils avaient de la Divinité. Elle seule fait connaître la nature du vrai Dieu. Elle ôte à la divinité sa nuée, ses voiles matériels, et sa pompe corporelle, plus propre à la déguiser qu’à la faire connaître. Elle nous fait voir Dieu, en nous montrant qu’il est invisible ; et elle le dérobe aux sens, pour le faire paraître à l’esprit.
Il n’y a que la religion chrétienne qui nous fasse connaître ce conseil de Dieu si miséricordieux et si nécessaire à notre consolation ; c’est qu’il a envoyé son Fils au monde, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle : comme il n’y a qu’elle aussi qui glorifie ses vertus, et qui en découvre distinctement la perfection et l’infinité.
C’est elle qui nous apprend que Dieu gouverne tout par sa providence ; qu’il fait servir le mal même à notre bien ; qu’il pourvoit à nos besoins par sa bonté ; que sa fidélité et sa justice ne lui permettent point de supporter nos dérèglements, et que néanmoins sa miséricorde et ses compassions n’ont point de bornes.
Elle ne nous enseigne pas seulement que l’homme doit servir Dieu, elle nous fait voir que c’est là la fin. Elle nous apprend à lui demander l’avancement de sa gloire avant toutes choses, et à commencer nos prières par lui dire : Ton nom soit sanctifié, ton règne vienne, ta volonté soit faite. Elle veut que nous le glorifiions non des lèvres seulement, ou par de simples hymnes, mais par nos paroles, par nos pensées et par nos actions. Elle nous apprend à ne soustraire aucune créature à sa providence, aucun péché à sa justice, aucun pécheur à sa miséricorde, aucun mouvement de piété à la gloire de sa grâce, aucune action à son jugement.
Elle nous fait voir des miracles qui glorifient sa puissance infinie, des événements qui font éclater les merveilles de sa providence, des bienfaits qui font paraître sa bonté et sa miséricorde ; et, ce qui avait été inconnu aux hommes, elle donne à toutes les vertus divines leur juste étendue, c’est-à-dire une étendue sans bornes. De quelle autre source nous viennent les idées de l’éternité de Dieu, de son immensité, de sa toute-puissance, de sa connaissance infinie, de son immutabilité, etc. ?
Il n’y a que la religion chrétienne qui sache élever Dieu et l’homme en même temps. Elle enferme tous ces liens admirables qui unissent l’homme avec Dieu, et Dieu avec l’homme. Aucune autre ne nous engage de soumettre à Dieu notre volonté, pour acquiescer sans murmure à tous les ordres de sa providence ; ni à lui donner nos désirs et nos affections, en le reconnaissant pour le souverain bien. Les hommes avaient voulu honorer leurs dieux par des sacrifices de bêtes : mais en vit-on jamais qui fussent appris à glorifier Dieu par le sacrifice d’eux-mêmes ? Quelle autre religion pouvait fournir les motifs d’un si douloureux sacrifice ?
Certainement il faut s’aveugler volontairement soi-même, pour ne point voir que la religion chrétienne n’est en effet qu’un commerce très pur et très spirituel entre les vertus de Dieu qui se font sentir à l’homme, et les sentiments du cœur de l’homme qui glorifient les vertus de Dieu. Ni la chair, ni le sang, ni le monde, ni la nature, ni l’éducation, ne sont pas des causes assez élevées pour avoir produit un effet si grand et si sublime ; et ce ne peut être ici que la production de celui qui a parfaitement connu les accords de toutes choses, et qui a su que notre cœur était fait pour la gloire de Dieu, et que la gloire de Dieu devait se peindre dans notre cœur par la religion.