Seigneur, plus j’avance dans la vie, plus je m’isole des hommes, plus heureux je suis dans le silence, et moins d’attraits ont pour moi le monde, ses affaires et ses plaisirs. Je voudrais, par moment, recevoir de toi l’ordre positif d’aller vivre dans une retraite profonde et ignorée. Mais est-ce lassitude du mal que je vois, ou du bien que je devrais faire ? Est-ce pour échapper au mauvais exemple, ou aux légitimes obligations de la société ? Hélas ! je voudrais me persuader que dans la retraite je serais plus saint ; mais en me sondant, je reconnais que je cherche encore plus le repos que la sainteté. Je voudrais me créer des devoirs factices pour me décharger de devoirs réels, mais pénibles. Je me donne une tâche de mon choix pour n’avoir pas à remplir celle que tu m’as donnée. Oh ! Seigneur, que la requête de ton Fils était bonne pour moi, lorsqu’il te disait : « Ne les retire pas du monde, mais préserve-les du mal. » Oui, ma place est dans le monde, au milieu des pécheurs, en y restant exempt de péché. Oui, je le confesse, c’est bien plus la fatigue du bien que l’exemple du mal qui m’éloigne des hommes. Je me grossis leurs torts pour justifier mon éloignement, sans songer que plus leurs torts sont grands plus leur danger est grave, et plus impérieusement m’est imposée l’obligation de les secourir. Ah ! si Jésus, fatigué de ses disciples, était remonté vers le ciel sans passer par le calvaire, où seraient, à cette heure, les milliers d’âmes par sa mort rachetées ? Oui, l’amour de la retraite est encore une séduction de Satan, une volupté de la lâcheté et de la paresse déguisée sous le nom de prudence et d’humilité. Donne-moi, Seigneur, le courage qui me manque et ne me laisse plus soupirer après le repos que dans l’éternité.