[1] Sur les faits relatés dans le livre, comparez Tacite, Hist., III-V, et Dion Cassius, livre LXVI.
1. Quand l'armée n'eut plus rien à tuer ni à piller, faute d'objets où assouvir sa fureur — car si elle avait eu de quoi l'exercer, elle ne se serait abstenue par modération d'aucune violence — César lui donna aussitôt l'ordre de détruire toute la ville et le Temple, en conservant cependant les tours les plus élevées, celles de Phasaël, d'Hippicos, de Mariamme, et aussi toute la partie du rempart qui entourait la ville du cité de l'ouest. Ce rempart devait servir de campement à la garnison laissée à Jérusalem ; les tours devaient témoigner de l'importance et de la force de la ville dont la valeur romaine avait triomphé. Tout le reste de l'enceinte fut si bien rasé par la sape que les voyageurs, en arrivant là, pouvaient douter que ce lieu eût jamais été habité. Telle fut la fin de Jérusalem, cité illustre, célèbre parmi tous les hommes, victime de la folie des factieux.
2. César résolut d'y laisser pour garnison la dixième légion, avec quelques escadrons de cavalerie et quelques cohortes d'infanterie. Après avoir pris les mesures qui marquaient la fin de la guerre, il désirait féliciter toute l'armée de ses succès, et donner à ceux qui s'étaient distingués les récompenses qu'ils méritaient. A cet effet, on éleva pour lui, au milieu de l'ancien camp, une vaste tribune ; il s'y tint debout, entouré de ses officiers, de manière à être entendu de toute l'armée. Titus déclara aux soldats qu'il leur devait une vive reconnaissance pour l'affection qu'ils lui avaient témoignée et continuaient à lui garder. Il les loua de leur obéissance pendant toute la guerre ; ils la lui avaient montrée en même temps que leur courage, parmi de nombreux et graves périls. Par leurs propres efforts, ils avaient accru ainsi la puissance de la patrie et rendu évident aux yeux de tous les hommes que ni la multitude des ennemis, ni les fortifications, ni la grandeur des cités, ni l'audace irraisonnée, non plus que la sauvage cruauté de leurs adversaires, ne pourraient jamais se soustraire aux effets de la vertu des Romains, même si quelques-uns de leurs ennemis jouissaient parfois des faveurs de la Fortune. C'était vraiment une gloire pour eux, dit-il, d'avoir mis fin à une guerre si longue, dont ils n'auraient jamais pu souhaiter, quand ils l'entreprirent, une plus heureuse issue. Leur meilleur et plus éclatant succès était de voir accueillir par tous avec joie l'élection qu'ils avaient faite eux-mêmes des chefs et des administrateurs de l'Empire romain, qu'ils avaient envoyés au sein de la patrie : tout le monde approuve leurs décisions et témoigne sa reconnaissance aux auteurs de ce choix. Il leur exprime à tous son admiration, son affection, sachant que chacun a fait preuve de tout le zèle qui était en son pouvoir. A ceux, cependant, qui se sont particulièrement distingués par leur énergie, qui ne se sont pas seulement honorés par de nobles exploits, mais ont illustré sa campagne par leurs hauts faits, il donnera sur le champ les récompenses et les honneurs mérités ; nul de ceux qui ont voulu faire plus que les autres ne sera privé du juste prix de sa peine. Il y apportera tous ses soins, car il aime mieux honorer les vertus de ses compagnons d'armes que de châtier leurs manquements.
3. Aussitôt il ordonna à ceux qu'il avait préposés à cette tâche[2] de nommer tous les soldats qui s'étaient distingués par des actions d'éclat dans cette guerre. Il les appelait successivement lui-même par leurs noms, et, quand il les voyait s'avancer, les louait comme si c'étaient ses propres exploits dont il était fier. Il mettait sur leur tête des couronnes d'or, leur donnait des colliers d'or, de petit javelots d'or, des enseignes d'argent ; chacun d'eux était élevé à un rang supérieur. Il leur distribuait aussi en abondance de l'argent, de l'or, des vêtements et d'autres objets, puisés dans la masse du butin. Quand il les eut tous honorés suivant le mérite qu'il attribuait à chacun, il fit des prières pour le bonheur de toute l'armée et descendit du tribunal au milieu de vives acclamations. Puis il présida aux sacrifices pour remercier le ciel de la victoire ; un grand nombre de bœufs furent amenés devant les autels ; après l'immolation, il les donna tous aux soldats pour leur banquet. Lui-même partagea pendant trois jours les réjouissances de ses officiers ; puis il dispersa les autres parties de l'armée là où il jugea opportun de les envoyer et confia à la dixième légion la garde de Jérusalem, sans vouloir l'expédier sur l'Euphrate où elle stationnait auparavant. Se souvenant d'ailleurs que la douzième légion avait, sous les ordres de Cestius, plié devant les Juifs[3], il la retira complètement de la Syrie, où elle se trouvait autrefois en garnison à Raphanée[4], pour l'envoyer au pays de Mélitène, près de l'Euphrate, sur les confins de l'Arménie et de la Cappadoce. Il décida de conserver auprès de lui deux légions, la cinquième et la quinzième, jusqu'à son arrivée en Égypte. Puis il descendit avec l'armée jusqu'à Césarée, ville du littoral, où il laissa une grande partie de son butin et fit garder les captifs ; car l'hiver s'opposait à son passage immédiat en Italie.
[2] C'est-à-dire à des hérauts (R. H.).
[3] Plus haut, II, 500 et suiv.
[4] Aujourd'hui Homs en Syrie.