Mon Dieu, ma prière n’est qu’un long gémissement. Je sais me plaindre, m’accuser, gémir ; mais je ne sais pas te rendre grâce, te contempler, jouir de ta présence et de ton amour. Hélas ! quoi que tu fasses pour moi, ce que tu fais ne me change pas ; mes soupirs ne sont plus les mêmes ; mais ce sont toujours des soupirs. M’affliges-tu ? je crie après la délivrance ; je promets de mieux vivre dans la prospérité. Me rends-tu la prospérité ? je tombe dans la tiédeur, la paresse, l’ingratitude, et je me plains encore, sinon de mes épreuves, du moins de moi-même. Ce qu’il y a de plus triste, c’est que je m’accuse sans me corriger. Je me retourne dans la fange de mon péché, sans avoir ni la force, ni la volonté d’en sortir.
Maintenant que te demanderai-je ? Tous tes bienfaits sont sur moi, et je ne sais pas en user. Attendrai-je la souffrance, la privation, pour revêtir de meilleures dispositions ? Hélas ! alors les bonnes dispositions dureront autant que l’épreuve, juste le temps où je ne pourrai pas agir ; mais dès que la prospérité sera revenue, je retomberai dans ma langueur.
Mon Dieu, mon Dieu, suis-je donc né pour me plaindre ? Une contradiction perpétuelle est-elle donc le lot de mon existence ? Suis-je dans ce monde pour n’y faire que ce que je n’approuve pas ? me débattrai-je donc vainement jusqu’à la mort dans les liens du péché ? non, non, je ne puis le croire ; il y a un port sur cet océan. Je le connais, mais je ne sais pas m’y tenir. Oh ! jette, pour moi, l’ancre dans les profondeurs de ta grâce ; lie-moi fortement des cordages de ton amour ; que je ne flotte plus sous les mille vents contraires de la tentation qui mène au péché ; du péché qui mène au désespoir !