[Lors même que l’A. T. renferme sur ce sujet une foule d’ordonnances fort détaillées, Thiersch ne s’en est pas contenté, et, dans son ouvrage sur Le mariage prohibé pour cause de proche parenté, 1869, il déduit des lois de Moïse une quantité d’applications qu’il prétend être sous-entendues. Nous nous eu tiendrons à ce que la Bible dit expressément.]
Sur ce point important, la loi, pleine d’un sérieux tout particulier, entend que le peuple de Dieu se montre décidément supérieur aux Egyptiens et aux Cananéens (Lévitique 18.3,24 ; 20.23). Les passages capitaux sont ici Lévitique 18.6-18 ; 20.11-21 ; Deutéronome 27.20, 22 et sq. Les cas qui constituent un empêchement au mariage ne sont pas seulement la parenté par consanguinité, mais encore la parenté par affinité. « Nul ne s’approchera d’une personne du même sang que lui. » Voilà (Lévitique 18.6) le principe concernant la consanguinité. Par là le mariage est défendu entre parents et enfants, entre grands-parents et petits-enfants, entre frères et sœurs, que ce soient, ou non des enfants du même lit. Quant à l’union d’un neveu avec sa tante, il en est dit seulement : « Ils sont sous le poids de leur faute » (Lévitique 20.19), tandis que pour les cas précédents il y a peine de mort. (Lévitique 20.17 ; Deutéronome 27.22) Entre oncle et nièce, il n’y a pas prohibition. D’après 2 Samuel 13.13, il semblerait que le mariage avec une demi-sœur était autorisé ; mais on ne peut rien conclure d’une parole prononcée dans de telles circonstances.
Les mariages prohibés pour cause d’affinité étaient les suivants : On n’osait épouser ni sa belle-mère, ni sa belle-fille, ni la seconde femme de son père, ni la fille ou la petite-tille de la seconde femme de son père. La peine de mort était prononcée sur ceux qui formaient de pareilles alliances. Prohibés, mais punis seulement par la stérilité, étaient les mariages avec la veuve d’un oncle paternel ou d’un frère.
[Nous verrons au § 106 une exception à cette dernière défense, (Lévirat). — J. D. Michaélis (Droit mosaïque V, 199) ne pense pas qu’il faille voir la stérilité dans cette menace : « Ils mourront sans enfants » (Lévitique 20.20), — mais seulement le fait que les enfants issus de ces mariages n’appartiendront pas à leur père, et qu’ils seront considérés par la loi comme ceux de l’oncle ou du frère décédés. C’est bien peu naturel.]
On pouvait épouser la veuve d’un oncle maternel, ainsi que sa propre belle-sœur après la mort de sa femme. Lévitique 18.18, ne défend d’épouser sa belle-sœur que du vivant de sa femme, comme par exemple l’avait fait Jacoba.
a – C’est à tort que, l’on a si souvent prétendu dans le sein du parlement anglais que Moïse avait interdit à un veuf même d’épouser sa belle-sœur.
Maintenant, sur quoi reposent ces défenses ? car enfin le Pentateuque lui-même cite de semblables mariages. Abraham, par exemple, épouse une demi-sœur. (Genèse 20.12).
[Les rabbins, Calvin, Hengstenberg ne concèdent pas ce point ; Genèse 11.29, ne parle pas de cette parenté d’Abraham et de Sara. Ils identifient Sara avec Jisca, sœur de Milca, fille de Haran, et en font ainsi une nièce d’Abraham, qui l’appelle sa sœur comme il appelle Loth son frère. — Cela est fort possible au point de vue du langage. Mais qui donc, sans idée préconçue, aurait la pensée de faire de Sara et de Jiska une seule et même personne ? On demandera : Pourquoi mentionner cette Jiska ? — Pour être complet, pour indiquer toutes les filles de Haran.]
J. D. Michaélis (5.178 sq.) pense que ces défenses avaient uniquement pour but de prévenir les tentatives de séduction sur des personnes vivant ensemble sous le même toit. Mais je ne puis absolument pas admettre cette interprétation ; car, dans ce cas, de semblables unions ne seraient pas représentées comme honteuses, abominables en elles-mêmes : Zimma, זמה signifie proprement ruse, machination ; mais aussi grand crime (Lévitique 18.17 ; 20.14) ; Rhésed, חסד, opprobre, v. 17 ; Tebel, תבל, abomination, v. 12. Je ne crois pas qu’il suffise non plus d’en appeler à l’horreur naturelle que doivent inspirer ces unions. Les Egyptiens et les Cananéens ne ressentaient rien de semblable. — Non ! cette horreur naturelle ne se développe que par suite de l’horreur morale produite précisément par les défenses solennelles de Moïse, lesquelles à leur tour ne se justifient que par le fait que la relation matrimoniale venant à s’établir entre personnes déjà unies par certains liens de parenté, ces liens se trouvent par là même détruits, ce qui ne peut être dans la volonté de Dieu. Il y a une si grande différence entre l’affection qui unit des frères à leurs sœurs ou des parents à leurs enfants, d’une part, et celle qui règne entre des époux, d’autre part, que l’union de sentiments si divers ne pourrait jamais être qu’une complication préjudiciable : on ne peut être, par exemple, à la fois bon père et bon époux d’une seule et même personne. L’une des relations se trouverait forcément lésée, sans que l’autre pût s’épanouir non plus complètement à son aise.
C’est ce qui explique pourquoi le neveu n’ose pas épouser sa tante, tandis que l’oncle ose épouser sa nièce. L’homme étant le chef de la femme, un oncle peut devenir le mari de sa nièce sans que sa dignité primitive et sa supériorité vis-à-vis d’elle soient abolies ; elles ne sont au contraire qu’affermies et renforcées, ce qui ne serait point le cas si un neveu épousait sa tante.
S’il est interdit d’épouser la veuve d’un oncle paternel, mais non pas celle d’un oncle maternel, cela s’explique probablement parle fait que, en vertu de l’importance prépondérante des lignes masculines dans les affaires de la famille, un oncle paternel est quelque chose de plus dans la hiérarchie domestique qu’un oncle maternel.
Ajoutons avec Augustin, dans la Cité de Dieu, 15.16, que Dieu a eu aussi un autre but en prohibant les mariages entre proches parents : Il a voulu que les hommes eussent l’occasion de développer leurs affections dans une foule de sens et sous une grande diversité de formes ; si les patriarches ont commencé par épouser leurs sœurs, c’est que c’était l’unique moyen d’arriver à former précisément cette société voulue de Dieu avec ses relations si multiples, et si Abraham a épousé une fille de son père, c’était pour ne pas s’allier avec des idolâtres. (Genèse 24.3)
[De toutes les lois matrimoniales des peuples anciens, c’est celle des Romains qui ressemble le plus à celle des Juifs. Elle est même plus sévère (Rossbach, Recherches sur le mariage dans le droit romain, page 420 sq.) Tous les empêchements dirimants reposent sur la patria potestas. Le fils demeure sous l’autorité paternelle tant que son père est en vie. Les petits-enfants honoraient leur grand-père comme un père, en sorte que les cousins germains devenaient en quelque sorte des frères, et qu’entre cousins germains, du côté maternel du moins, le mariage n’était pas autorisé. Le droit romain ne tolérait pas davantage le mariage d’un oncle avec sa nièce. Mais en l’an 49 avant J.-C., ce genre d’union. qu’on avait jusqu’alors considéré comme un inceste, fut déclaré légitime par un senatus-consulte. Claude, en effet, voulait épouser Agrippine, la fille de son frère Germanicus.]