Donne-nous, Seigneur, de faire un bon usage du don précieux de la parole. Que de bien, que de mal je puis faire à chaque instant, sans changer de place, en laissant tomber quelques mots de mes lèvres ! Comme il me serait facile de donner un encouragement, une exhortation, de citer à propos ta Sainte-Ecriture, de rappeler un exemple de ton Fils, de faire entendre une de tes promesses, briller une espérance ! Le semeur, les mains pleines, ne jette pas, avec plus de facilité, le bon grain qui doit nourrir sa famille entière. Cependant, ce bien si facile à faire, je ne le fais pas ! Je suis avare de bonnes paroles. Je laisse échapper mille et mille occasions de les verser comme un baume sur un cœur ulcéré. Hélas ! si là se bornaient mes torts ! mais non ; je ne sais pas même me taire à propos ; je parle, mais sans nécessité, pour dire des riens ; pour faire des reproches ; pour chercher des torts ; pour me vanter, me donner raison ; hélas ! peut-être pour le plaisir de renvoyer une blessure à celui qui m’a blessé ! Quand je sème la parole avec le plus d’abondance, c’est que je sème de l’ivraie. Oh ! alors, censure, médisance, jugements passionnés coulent à larges flots. C’est une source qui ne peut tarir ! Et ce n’est que lorsque ma propre conscience indignée se révolte, ou quand d’autres m’arrêtent, que je mets un terme à ce satanique plaisir ! Jamais preuve plus frappante de la corruption de mon cœur ! De cette langue qui pourrait si facilement faire le bien, je me sers pour faire facilement le mal. Je me le reproche et je recommence sans fin ! Mon Dieu, purifie mes lèvres ; donne-moi de la prudence, ou plutôt, donne-moi l’amour de ceux dont, à l’avenir, connus ou inconnus, amis ou ennemis, je pourrai m’entretenir.