Ici encore nous aurons l’occasion de remarquer combien, dans la législation de Moïse, sont restreints les droits personnels de la femme.
Les liens du mariage peuvent être rompus par l’adultère et déliés par le divorce.
1° Dans le droit mosaïque, il n’est jamais question d’adultère que de la part ou vis-à-vis d’une femme mariée. Un homme donc ne peut s’en rendre coupable qu’en déshonorant une épouse, et spécialement une épouse libre. Dans ce cas, et l’homme et la femme sont dignes de mort (Lévitique 20.10 ; Deutéronome 22.22). Si la femme adultère n’était que l’esclave d’un autre, le châtiment était beaucoup moins grave (Lévitique 19.20-22, probablement un châtiment corporel). Ces deux cas exceptés, un homme ne pouvait se rendre coupable d’adultère, car l’épouse même légitime, n’a pas un droit exclusif ni des prétentions uniques à faire valoir sur son mari. En s’unissant à des femmes qui ne lui étaient rien, il violait la loi qui condamne positivement la paillardise et qui est surtout sévère contre la prostitution avec les femmes païennes, telle qu’elle accompagnait ordinairement les cultes idolâtres (Lévitique 19.29 ; Deutéronome 23.18); mais il ne péchait pas contre son épouse. — Du côté de la femme, au contraire, toute violation des devoirs conjugaux était un adultère positif. Quand une femme était soupçonnée de s’en être rendue coupable, sans qu’elle eut été prise sur le fait ou que la chose pût se prouver, on avait recours au serment (Nombres 5.11-31). On offrait le sacrifice de jalousie; le sacrificateur adjurait la femme et lui faisait boire une eau de malédiction, qui devait la rendre gravement malade si elle était coupable, mais qui ne lui faisait aucun mal si elle était innocenteb. On a prétendu que l’effet des eaux se faisait sentir de suite (ordalies des Germains); mais la chose n’est pas indiquée dans le v. 27. Tout ce qu’on peut dire, c’est que la maladie, si elle éclatait, devait se manifester assez tôt après l’épreuve, pour qu’on ne pût pas l’attribuer à autre chose qu’aux eaux. Autrement le soupçon d’infidélité aurait plané trop longtemps sur la femme innocente. Cette loi repose sur la certitude que le Dieu vivant qui habite au milieu de son peuple, ne peut laisser sans réponse l’invocation solennelle de son nom.
b – Voyez § 143, où nous parlerons de nouveau de ce sacrifice, et mon article sur le même objet dans l’encyclopédie de Herzog XIX, 472. Il y a dans le genre de maladie qui atteint la femme coupable quelque chose qui rappelle la loi du talion: elle est punie par où elle a péché. Qu’était-ce que cette enflure ? Josèphe y voit une hydropisie mortelle. En tous cas, il résulte du v. 28, par opposition, que la stérilité s’ensuivait.
[La punition de la femme adultère consistait dans l’effet redoutable de la boisson sacrée. Cette boisson n’était donc point destinée à signaler la coupable, afin que la justice humaine pût s’en emparer et lui faire subir la peine dont on punissait ordinairement les adultères. (Lévitique 20.10) — La loi qui vient de nous occuper est au nombre de celles qui ont pour but de faire régner l’ordre et la pureté dans la vie de famille. Mais elle n’est pas seulement destinée à effrayer salutairement les femmes légères ; Théodoret remarque déjà que c’est une barrière imposée à la colère jalouse du mari, qui doit ainsi s’en remettre au jugement de Celui qui seul voit toutes choses. Sous ce rapport, cette loi garantissait l’épouse innocente des effets de l’injuste jalousie de son mari, bien que, remarquons-le, rien n’indique que la femme pût prendre l’initiative de toute cette cérémonie et se soumettre d’elle-même au jugement de Dieu.]
2° Le mari seul a le droit de demander son divorce. (Keritout, כריתות, séparation) Aussi le divorce s’appelle-t-il parfois simplement le renvoi de la femmec. Au reste, la loi ne sanctionne nulle part formellement le droit du mari à renvoyer sa femme. Elle trouve le mari en possession de ce droit ; elle le limite. Elle ne le limite pas seulement par des ordonnances telles que Deutéronome 22.19, 29, mais encore par la loi sur le divorce elle-même, qui n’admet le divorce que pour le cas où le mari aura trouvé chez sa femme une chose infâme. Les quatre premiers versets de Deut. ch. 24 sont ordinairement mal traduits. En voici, croyons-nous, le vrai sens : « Quand un homme épouse une femme, s’il arrive qu’elle ne trouve pas grâce à ses yeux, parce qu’il a trouvé quelque chose d’infâme en elle, et qu’il lui écrive une lettre de divorce, et que, la lui ayant mise entre les mains, il la renvoie de sa maison, etc… » alors, v. 4, son premier mari ne pourra la reprendre. » Ainsi donc l’apodose ne se trouve pas à la fin du v. 1, comme l’ont cru la plupart des traducteurs, mais seulement au v. 4. Moïse ne veut point dire qu’il faut donner une lettre de divorce à la femme qu’on renvoie ; il rappelle un usage. Ce qu’il veut dire, c’est qu’il ne faut pas qu’une femme divorcée retourne à son premier mari. Il est vrai que les Pharisiens disent (Matthieu 19.7) : « Pourquoi donc Moïse a-t-il commandé de donner la lettre de divorce, quand on veut répudier sa femme ? » Mais le Seigneur répond : « Moïse vous a permis de répudier vos femmes. » De Deutéronome 24.1, il résulte simplement que le renvoi d’une épouse devait être accompagné de la rédaction et de la remise d’un document écrit, appelé le livre de la séparation, ce qui pouvait empêcher souvent une démarche précipitée et capricieuse.
c – Les rabbins estimaient toutefois qu’il allait de soi que la femme pouvait demander son divorce, quand son mari lui refusait nourriture, vêtements ou affection.
Mais que faut-il entendre par cette chose honteuse qui autorise le divorce ? Les Rabbins n’étaient pas d’accord sur ce point. L’école de Hillel, prenant cette expression au minimum, y voyait toute espèce de chose qui pouvait déplaire au marid. Celle de Schammaï n’y voyait pas l’adultère, comme on l’a souvent dit à tort ; mais toute espèce de manière d’être, toute action inconvenante, propre à dégoûter un mari de sa femme.
d – Ainsi quand la femme avait laissé brûler un mets. Akiba va encore plus loin : Quand une autre femme plaisait mieux au mari. C’est l’opinion de Josèphe, Ant. 4.8, 23.
[On ne peut guère entendre la chose de l’adultère, qui constituait un cas mortel, et non pas simplement un cas de renvoi. Les Septante en traduisant par : ἅσχημον πρᾶγμα, ont un peu adouci l’expression originale, mais en ont pourtant bien rendu le sens général.]
On a cité comme s’opposant au sens ordinairement donné à Deutéronome 24.4 et Jérémie 3.1, le cas de David qui reprend Mical. Mais il ne l’avait point renvoyée, elle lui avait été illégalement enlevée (1 Samuel 25.44 ; 2 Samuel 3.14 et sq.). Tout ce qu’on peut dire, c’est que David, en agissant ainsi, n’était pas fidèle à l’esprit de la loi.
La loi ne dit pas s’il était permis, lorsqu’elle ne s’était pas remariée, de reprendre la femme qu’on avait renvoyée. Il est à présumer que la chose pouvait se faire.
Il est bien clair que toutes ces ordonnances contrastent tristement avec l’idéal du mariage, tel que l’A. T. lui-même le laisse entrevoir. Le Seigneur le dit expressément (Matthieu 19.8), et nous lisons en Malachie 2.10, 16 : « Que nul n’agisse perfidement avec la femme de sa jeunesse. L’Éternel hait qu’on la renvoie ! »