L'hérésie des Messaliens parut au même temps. Ceux qui ont traduit leur nom en Grec, les appellent Euchites. On les appelé aussi Enthousiastes, parce qu'ils sont agités par un démon, dont ils prennent la violence, pour un effet de la présence du saint Esprit. Ceux qui sont tout à fait infectés du poison de cette erreur, fuient le travail des mains comme un vice, et s'adonnant uniquement au sommeil, prennent leurs songes pour des Prophéties. Les Chefs de cette secte ont été Dadoès, Sabas, Adelphe, Hermas, Siméon, et plusieurs autres. Ils ne le sont jamais séparés de la communion de l'Église, parce qu'ils tiennent que la viande céleste qu'on y reçoit ne nuit de rien, et ne sert aussi de rien, bien que le Seigneur Jésus-Christ, en ait parlé en ces termes. Quiconque mange ma chair, et boit mon sang vivra éternellement. Le désir qu'ils ont de cacher cette maladie, les empêche de l'avouer, lors même qu'ils en sont convaincus, et est cause qu'ils condamnent dans les autres, les erreurs qu'ils tiennent eux-mêmes.
Letoïus Évêque de l'Église de Mélétine, ayant su qu'il y avait des Monastères, ou plutôt des cavernes de voleurs où l'on favorisait ces erreurs, se sentit transporté du zèle de la gloire de Dieu, y mit le feu, et chassa les loups fort loin de la bergerie. Le célèbre Amphiloque, qui étant assis sur le Siège de la Métropole de Lycaonie avait toute la Province soumise à sa conduite, la garantit de cette contagion par sa vigilance. Flavien ayant appris qu'ils étaient à Édesse, et que de là ils répandaient le venin de leur doctrine, y envoya quantité de Moines, qui les amenèrent à Antioche. Quand ils y furent, ils nièrent leurs erreurs, comme des malades qui ont honte de découvrir leurs maladies. Flavien usa de cette ruse pour les convaincre. Il demeura d'accord que ceux qui les avaient accusés, et qui avaient déposé contre eux, étaient des calomniateurs, et ayant fait des caresses extraordinaires à Adelphe, qui était dans un âge fort avancé, et l'ayant fait asseoir auprès de lui, il lui dit :
Nous autres qui avons vécu longtemps, connaissons mieux la nature de l'homme, l'adresse du démon, et la dispensation de la grâce que les jeunes gens ne sauraient faire. Expliquez-moi donc de quelle manière vous dites que le mauvais esprit se retire, et que le saint Esprit vient avec la grâce ?
Adelphe gagné par ce discours, répandit tout le venin de son erreur, déclarant que le Baptême ne sert de rien à ceux qui le reçoivent, et qu'il n'y a que l'assiduité de la prière qui chasse le démon qui habite en nous, parce, disait-il, que tous ceux qui viennent au monde, naissent esclaves du démon, aussi bien qu'enfants d'Adam. Lorsque le démon est chassé par l'assiduité de la prière, le Saint Esprit vient en sa place, qui donne des preuves sensibles de sa présence, en délivrant le corps du mouvement déréglé des passions, et l'âme de l'inclination violente au mal, si bien qu'après cela, l'un n'a plus besoin de jeûnes, pour abattre ses forces, ni l'autre d'instructions, pour la conduire. Quiconque l'a reçu, est délivré de la révolte des sens, connaît l'avenir, et voit de ses propres yeux la Trinité. Flavien ayant découvert de la sorte la source de l'erreur, et le cours des ruisseaux empoisonnés qui en coulaient, dit à ce misérable vieillard :
Misérable qui avez vieilli dans le péché, vous êtes convaincu par votre bouche, et vos lèvres rendent témoignage contre vous.
Leur mauvaise doctrine ayant été ainsi reconnue, ils furent chassés de Syrie, et se retirèrent en Pamphylie, où ils ne manquèrent pas de la publier.