[1] Voilà ce qui arriva aussi, sous l'empereur désigné plus haut, aux églises du Christ ; par là on peut encore conjecturer par un raisonnement naturel ce qui fut fait dans le reste des provinces. Il m'a paru juste d'ajouter, à ce qui vient d'être dit, un autre passage de la même lettre où la douceur et l'Immunité des martyrs sont décrites en ces termes mêmes :
« [2] Ceux-ci devenaient tellement les émules et imitateurs du Christ qui, étant dans la forme de Dieu, ne crut pas que ce fût une usurpation d'être égal à Dieu, que bien qu'ils fussent dans une telle gloire, et qu'ils eussent rendu témoignage, non pas une ou deux fois, mais souvent, après avoir encore été ramenés d'auprès des bêtes, couverts de brûlures, de meurtrissures et de plaies, cependant ils ne se proclamaient pas martyrs, ni ne permettaient pas que nous leur donnions ce nom ; mais si quelqu'un parmi nous, dans une lettre ou un entretien, les appelait ainsi, ils les reprenaient amèrement. [3] Ils aimaient en effet à donner ce titre au Christ fidèle et vrai témoin, premier né des morts, premier auteur de la vie de Dieu. Ils rappelaient aussi la mémoire des martyrs qui avaient déjà quitté ce monde et ils disaient : « Ceux-là sont maintenant martyrs que le Christ a daigné recevoir dans la confession, après avoir imprimé en eux, par le trépas, le sceau du martyre ; pour nous, nous sommes des confesseurs médiocres et pauvres », et ils exhortaient les frères avec larmes leur demandant de prier sans interruption pour leur persévérance finale, [4] Ils montraient en action la puissance du martyre ; à l'égard des païens, ils avaient une grande liberté de langage ; leur patience, l'absence de peur et de tremblement rendaient évident leur courage ; mais de la part des frères, ils refusaient le titre de martyrs, remplis qu'ils étaient de la crainte de Dieu. »
[5] Et peu après ils disent encore : « Ils s'humiliaient eux-mêmes sous la main puissante par laquelle ils sont maintenant élevés bien haut. Alors ils défendaient tout le monde et n'accusaient personne ; ils déliaient tout le monde et ne liaient personne. Ils priaient pour ceux qui les faisaient souffrir, comme Etienne le parfait martyr : « Seigneur ne leur impute pas cette faute. » Mais si celui-ci a prié de la sorte pour ceux qui le lapidaient, combien plus pour les frères. »
[6] Et ils ajoutent encore après autre chose : « Leur combat le plus grand fut en effet celui qu'ils engagèrent contre lui par la vraie charité, afin que la bête, serrée à la gorge, fût obligée de rejeter vivants ceux qu'elle croyait d'abord engloutir. Ils ne montrèrent donc pas d'arrogance à l'égard des tombés ; ils subvinrent au contraire avec les biens dont ils abondaient à ceux qui en avaient un plus grand besoin ; ils avaient pour eux des entrailles maternelles ; pour eux, ils répandaient des larmes abondantes devant le Père. [7] Ils lui demandaient la vie, et lui la leur donnait, et eux la communiquait à ceux qui étaient autour d'eux, et vainqueurs en tous les combats, ils s'en allaient vers Dieu. Il avaient toujours aimé la paix, ils nous la transmettaient et parlaient avec elle auprès de Dieu ; ils ne laissaient aucune douleur à leur mère, ni à leurs frères aucun trouble ni aucune dissension, mais la joie, la paix, la concorde, la charité. »
[8] Il était utile de présenter encore ces détails concernant l'amour de ces bienheureux à l'égard des tombés, parce que ce sentiment d'humanité et de pitié fit défaut à ceux qui dans la suite attaquèrent sans ménagement les membres du Christ.