1.[1] Il y avait dans la ville un méchant vieillard, un faux prophète[2], que Jéroboam tenait en estime, trompé par ses discours flatteurs. Cet homme gardait alors le lit[3], affaibli par la vieillesse. Ses fils lui rapportèrent l’incident du prophète venu de Jérusalem, les signes miraculeux qui s’étaient produits, et comment Jéroboam, après avoir eu la main desséchée, en avait recouvré l’usage, grâce aux prières de son visiteur. Alors il craignit que l’étranger ne l’éclipsât auprès du roi et n’en reçût des honneurs plus considérables. Il ordonna donc à ses fils de seller aussitôt son âne et de le lui tenir prêt pour un voyage. Ceux-ci s’empressent d’obéir ; lui, enfourche alors la bête et se met à la poursuite du prophète. Il le trouva se reposant sous un arbre touffu et ombreux comme un chêne de belle taille[4] ; il l’embrasse d’abord, puis lui reproche de n’être pas entré chez lui pour y accepter les offrandes de l’hospitalité. Le prophète lui répond que Dieu lui avait interdit de rien goûter chez aucun habitant de leur ville : « Mais, en tout cas, repartit l’autre, cette interdiction ne visait pas ma demeure. Je suis prophète, moi aussi, j’observe le même culte que toi envers Dieu, et je viens maintenant, envoyé par lui, pour t’emmener dîner chez moi. » L’autre, crédule à ces mensonges, consent à rebrousser chemin. Mais pendant qu’ils dînaient encore et s’entretenaient en amis, voici que Dieu apparaît à Jadon et lui déclare que, avant transgressé ses ordres, il subira un châtiment et lequel : « un lion, dit-il, te rencontrera sur ton chemin[5], après ton départ ; tu seras dévoré par lui et seras privé de sépulture dans les tombes de tes pères. » Ces choses arrivèrent, j’imagine, par le dessein de Dieu, afin que Jéroboam ne s’arrêtât pas aux paroles de Jadon ainsi convaincu de mensonge. Or, tandis que Jadon s’en retournait vers Jérusalem, il rencontra un lion qui l’arracha à bas de sa monture et le mit en pièces. Quant à l’âne, le lion ne lui fit aucun mal, mais s’accroupissant à côté de lui, il veilla sur lui et sur le cadavre du prophète, tant que quelques voyageurs l’avant aperçu s’en allèrent dans la ville l’annoncer au faux prophète. Celui-ci dépêcha ses fils pour rapporter le corps dans la ville[6], lui fit des funérailles pompeuses, en recommandant à ses fils de l’enterrer lui-même, quand il mourrait, auprès de Jadon, car tout était vrai de ce qu’il avait prophétisé touchant la ville et l’autel et les prêtres et les faux prophètes ; lui-même échapperait à tout outrage après sa mort, s’il était enterré avec ce prophète et si ses ossements se confondaient avec les siens. Ayant donc enseveli le prophète et fait ces recommandations à ses fils, toujours pervers et impie, il va trouver Jéroboam et s’écrie[7] : « Pourquoi donc es-tu troublé par les discours de cet insensé ? » Comme le roi lui contait l’épisode de l’autel et de sa main, affirmant que c’était un être vraiment divin, un excellent prophète, le scélérat commença d’ébranler cette croyance par de perfides sophismes et, commentant astucieusement les faits, en dénatura le vrai caractère. C’est ainsi qu’il assura que c’était de fatigue que la main du roi s’était engourdie en soulevant les victimes, et qu’une fois reposée, elle était revenue à son état normal ; quant à l’autel, il était nouvellement construit, et, ayant reçu de trop nombreuses et trop lourdes offrandes, s’était rompu et écroulé sous leur poids. Il lui raconta aussi comment l’homme qui avait annoncé ces signes miraculeux avait péri, tué par un lion. « Ainsi, rien dans son caractère, ni dans ses discours ne révélait un prophète. » Par ces paroles, il convainc le roi, et, ayant détourné définitivement sa pensée des actions droites et justes, il le poussa aux actes impies. Tels étaient sa fureur de rébellion contre Dieu et son mépris des lois que chaque jour il cherchait à ajouter un nouveau forfait aux précédents, et plus noir encore. Restons-en là, pour le moment, dans l’histoire de Jéroboam[8].
[1] I Rois, XIII, 11.
[2] La Bible dit simplement : « un vieux prophète ».
[3] Ces détails romanesques sur la maladie du vieux prophète et sur sa jalousie ne se trouvent pas dans la Bible.
[4] L’Écriture dit simplement : « sous un térébinthe ».
[5] Dans l’Écriture, Dieu ne fait aucune mention du lion ou du genre de mort qui attend le pécheur.
[6] Dans le récit biblique, il va chercher le corps lui-même.
[7] Tout ce qui suit est ajouté au récit de l’Écriture, afin, sans doute, d’expliquer comment Jéroboam, malgré l’incident de l’autel, a cependant persévéré dans le mal.
[8] Josèphe se montre ici, comme aussi par la suite, plus soucieux que le rédacteur biblique du synchronisme entre les règnes parallèles d’Israël et de Juda.