Il est évident qu’un législateur qui enseigne que les hommes portent tous en eux l’image de Dieu et qu’ils descendent tous d’un même couple, en sorte qu’ils ne forment qu’un seul peuple de frères, ne peut pas tolérer une institution qui, comme l’esclavage païen, enlève leurs droits personnels à toute une catégorie de personnes. Quand une race tombe dans ce triste état, ce ne peut être que l’effet d’une malédiction (Genèse 9.25-27).
Chez les patriarches, les serviteurs sont considérés comme une partie de la propriété : « L’Éternel a comblé de bénédictions mon seigneur et il lui a donné des brebis, des bœufs, de l’argent et de l’or, des serviteurs et des servantes. » (Genèse 24.35 ; 26.14.) Abraham en possède une grande quantiték, qui se divisent en serviteurs achetés (Genèse 17.23, מקנת כסף), et en serviteurs nés dans la maison (ילידי בית), qui sont devenus la propriété de leur maître par le seul fait de leur naissance (Genèse 14.14). [La maîtresse de la maison avait aussi des servantes, Agar, Zilpa, Bilha. Il y a deux mots pour les désigner : אמה, Amah est ordinairement une servante mariée. שפ_הּ, Shiphera est une servante d’un rang inférieur (1 Samuel 25.41 ; Exode 11.5).] Cependant Eliézer est là pour nous montrer que, dans la famille élue, les serviteurs étaient des domestiques bien plutôt que des esclaves : Genèse 15.2, nous voyons que c’est lui qui aurait hérité de tous les biens d’Abraham si Isaac ne fût venu au monde, et c’est probablement lui aussi qui, au chap. 24, s’emploie avec tant de zèle à procurer à Isaac une femme craignant Dieul. Une chose fort importante, ce fut la participation à la circoncision, des esclaves et même des esclaves étrangers qui avaient été acquis à prix d’argent ; car, du moment qu’ils avaient reçu le signe de l’alliance, ils se trouvaient presque égalés aux enfants d’Abraham en dignité et en avantages religieux.
k – A eux seuls, les esclaves nés chez lui lui fournissent 318 combattants (Genèse 14.14).
l – Le genre de vie des patriarches était de nature à rapprocher singulièrement les maîtres de leurs esclaves. L’esprit moral ou religieux du maître déteignait tout naturellement sur les serviteurs, et ces rapports finissaient par revêtir un caractère religieux.
[Les conséquences des prémisses anthropologiques de l’A. T. n’ont jamais été tirées d’une manière tout à fait logique et rigoureuse. Mais Moïse a pourtant imposé des limites à l’esclavage et lui adonné un caractère humain, tandis que chez les païens et surtout chez les païens les plus civilisés, l’esclavage a abouti au plus complet mépris de la nature humaine.]
Quand la loi intervint, elle fit une différence entre les serviteurs d’origine israélite, et les étrangers achetés ou faits prisonniers, mais dans tout ce qu’elle stipule à l’égard des uns comme des autres, elle est aussi humaine que possible :
1° Les Israélites sont, comme peuple et chacun individuellement, la propriété de l’Éternel. Pour eux donc, point d’esclavage humain, car Dieu est leur maître. Dieu a brisé, le joug de dessus leur cou, les a fait sortir d’Egypte debout (Lévitique 26.13), la tête droite ; ils ne doivent donc plus se courber pour redevenir des esclaves (Lévitique 25.42, 45). Un Israélite ne peut pas appartenir à autrui. La loi prévoit seulement certains cas où un membre du peuple de Dieu peut devenir serviteur de l’un de ses frères, mais aussi elle s’occupe avec sollicitude de la manière en laquelle cet Israélite pourra rentrer en jouissance de ses droits et de son indépendance. — En revanche, vis-à-vis de toute cette masse profane qui s’appelle les Gentils, il peut y avoir achat et possession (Lévitique 25.44).
Hâtons-nous d’ajouter : 2° Qu’une foule de passages recommandent aux Israélites d’user de bonté envers leurs serviteurs, de quelque origine qu’ils soient, car « vous aussi vous avez été esclaves » (Exode 22.21 ; 23.9 ; Deutéronome 5.14 ; 10.19 ; 15.15 ; 16.11 ; 24.18, 22). Ils doivent montrer leur reconnaissance envers Celui qui les a délivrés de la servitude d’Egypte, en usant de bons procédés à l’égard de leurs propres esclaves.
[Nous arrivons à l’une des parties les plus difficiles de la législation de Moïse. On a même prétendu trouver à cet égard des contradictions insolubles entre le Lévitique et le Deutéronome.]