Dans un état théocratique la vie tout entière doit être un culte, un service divin. Cependant, Dieu lui-même a institué une série de cérémonies dans lesquelles l’idée du culte, qui est la consécration de soi-même à Dieu avec tout ce qu’on a et tout ce qu’on est, doit se réaliser, d’une façon toute spéciale. Quand le peuple, fidèle à observer ces cérémonies telles que Dieu les a prescrites, s’approche de Celui qui lui a fait la grâce de le choisir d’entre toutes les nations de la terre, quand il se donne à lui et qu’il se sanctifie comme lui-même est saint, — alors Dieu, de son côté, le bénit et lui accorde des grâces nouvelles (Lévitique 9.22 ; Nombres 6.27). Il y a un passage dans lequel ces trois conditions du vrai culte, l’institution divinei, la consécration de soi-même et la bénédiction qui s’ensuit, se trouvent simultanément exprimées ; c’est Exode 20.24 : « Au lieu où je mettrai la mémoire de mon nom (en y instituant des sacrifices que tu devras me rendre), je viendrai à toi et je te bénirai. » Il y a donc dans le culte un continuel et vivant échange entre le peuple qui s’approche de son Dieu par la prière et le sacrifice, et l’Éternel qui fait sentir sa présence en exauçant les prières et en accordant ses bénédictions intérieures. « Je me rencontrerai là avec les enfants d’Israël, dit l’Éternel, en Exode 29.42 et sq.
i – En opposition au culte volontaire. ἐθελοθρησκεία.
[Si l’on réduit le culte à être un simple exercice que l’homme s’impose pour réveiller et vivifier ses sentiments pieux, on se met dans l’impossibilité de comprendre ce qu’en dit la Bible, et particulièrement l’A. T. Le culte a toujours pour but d’amener une espèce d’entrevue entre l’âme qui prie et le Dieu qui se communique. Ce n’est point une satisfaction que l’on cherche à se procurer par soi-même. Quand l’homme a oublié qu’il a affaire avec un Dieu personnel, le culte ne tarde pas à tomber, ou du moins il ne fait plus que de végéter ; il devient une vaine forme. Dans l’Ancienne Alliance, ce qui domine c’est le sacrifice ; dans la Nouvelle, c’est le sacrement. Cette différence provient de la nature même de la Loi et de l’Évangile. Là, l’œuvre de l’homme est au premier plan ; ici, l’œuvre de Dieu. Voyez Sartorius : Du culte de l’A. et du N. T., page 40, sq.]
Du moment que le culte est l’expression de l’alliance et de la communion qui existent entre Dieu et l’homme, il a un caractère symbolique. Ainsi le Sabbat est appelé un signe entre l’Éternel et son peuple (Exode 31.13, 17). Il ne faut pas s’en tenir à la forme, à ce qui frappe les sens, quand on considère les cérémonies du culte mosaïque. Pour les apprécier à leur juste valeur, il est nécessaire de les étudier dans leur rapport avec la grande idée théocratique dont elles sont autant d’expressions. — Or le but de l’alliance que Dieu a traitée avec Israël, c’est la sanctification de son peuple et, par conséquent, tel est aussi tout particulièrement le but que Dieu s’est proposé en instituant un culte en Israël.
[C’est en demeurer à des explications par trop peu spirituelles, que de dire que l’encens qu’on brûlait pendant les sacrifices avait pour but d’éloigner les mouches qui, sans cela, se seraient jetées sur la chair de la victime, — ou bien que d’attribuer à Moïse l’idée que les sacrifices et les offrandes étaient véritablement pour Dieu une nourriture. Voyez les excellentes remarques de K.-.F. Nitzsch, sur ce sujet dans ses « Lectures académiques sur la dogmatique chrétienne, » 1858, page 67. Malgré leur ressemblance extérieure, il y a une immense différence entre le culte païen et le culte mosaïque. Les cérémonies païennes sont censées unir matériellement avec la Divinité, ex opere operato ; il y a là quelque chose de magique. Chez Moïse, au contraire, tout est symbolique, depuis les lustrations et les sacrifices jusqu’aux bâtiments et aux moindres ustensiles sacrés.]
Il est bien vrai que le culte mosaïque n’est pas une pure suite d’idées ou de sentiments intimes, que les actes extérieurs ne feraient que d’exprimer et qui pourraient au besoin se produire indépendamment de ces actes-là. Non ! quand bien même les Israélites pieux ne pouvaient pas être sans une certaine intelligence de la symbolique du culte, puisque la loi cérémoniale elle-même signale souvent l’importance morale de ses prescriptions, — si l’on veut rester fidèle au point de vue de l’A. T. et ne pas lui prêter un horizon plus étendu que ne l’était réellement le sien, il faut poser en principe que l’acte extérieur du culte était alors le véhicule indispensable des grâces divines, en sorte que, sans l’acte, il n’y aurait pas eu communion, communication entre Dieu et l’homme. Ainsi, par exemple, le sacrifice ne symbolise pas une consécration de soi-même à Dieu, que l’homme pourrait faire indépendamment de l’immolation d’une victime ; il n’est pas le complément plus ou moins nécessaire de la prière ; mais pour être dans le vrai, il faut dire que c’est dans l’acte du sacrifice que s’accomplit la consécration de soi-même à Dieu, en sorte que, si l’on veut, le sacrifice est une prière qui revêt en quelque sorte un corps, et que, sans lui, il n’y a ni pardon, ni aucune sorte de bénédictionj. A une nouvelle alliance est réservé le soin de dégager l’idée du sacrifice et, en général, du culte tout entier, de son enveloppe sensible. A l’ancienne alliance, économie préparatoire, temps de minorité, incombait la tâche d’agir du dehors sur le dedans, et de produire par des cérémonies des sentiments, — des sentiments de crainte de Dieu et de communion avec Dieu (Deutéronome 14.22-23).
j – C’est un point incontestable pour qui lit sans prévention tant de passages relatifs au sacrifice de l’Ancienne Alliance.
[Nous verrons plus tard que dans les Psaumes et les Prophètes les sacrifices n’ont de valeur que lorsque celui qui les offre a les dispositions voulues, ce qui n’aurait pas pu être le cas, si, aux yeux de Moïse déjà, le sacrifice n’avait pas été un moyen de sanctification. Le Mosaïsme dit : Point du piété sans sacrifice, le prophétisme : Point de sacrifice sans piété. — Ces deux principes ne sont pas contradictoires ; ils se réclament mutuellement l’un l’autre.]