Seigneur, quelle n’est pas ma folie, à ces heures où je me ronge en inquiétudes pour des ressources que toi seul peux me donner, et que tu as promis de mettre à ma disposition ! Pourquoi me tourmenter de mon pain, n’est-ce pas toi qui donnes l’accroissement à l’épi ? Pourquoi m’inquiéter de mon gîte et de mon vêtement, n’est-ce pas toi qui fait croître le lin ? M’as-tu jamais laissé manquer du nécessaire ? Et si tu voulais me priver de tout, pourrais-je jamais rien t’arracher ? N’est-tu pas ma Providence comme mon Créateur ? Ne veilles-tu pas sur le corps de celui dont tu veux sauver l’âme ? Toi qui as fait le plus, ne feras-tu pas le moins ? Toi qui m’as donné ton Fils, ne m’accorderas-tu pas toutes choses avec Lui ?
Ah ! Seigneur, ce ne sont pas des questions que je t’adresse ; mais des reproches que je me fais. Sans doute, il y a une cause à cette incrédulité. Si je ne compte pas sur toi, c’est que mes désirs ne sont pas selon toi. Je travaille pour la nourriture qui périt, et non pour celle qui reste jusque en vie éternelle. Je recherche les biens de ce monde, non pour vivre, mais pour jouir ; et pour en jouir hors de toi ! Oh ! j’ai grandement raison dès lors de ne pas compter sur ta protection. Je comprends maintenant pourquoi, avec de tels désirs, je n’ose pas te prier ; il est tout simple qu’alors je cherche mes ressources en moi-même, et tout simple que, me sentant faible, je m’inquiète et me désespère.
Mon Dieu, je ne veux plus de cette vie angoissée. Je rejette ce fardeau insupportable de craintes. Je veux me reposer sur toi, compter sur ta bonne providence, et, pour cela, vouloir ce que tu veux, aimer ce que tu aimes, vivre comme ton enfant, sous ton regard, toujours à la portée de ta main. Alors, que la contradiction m’arrive, que l’épreuve survienne ; je recevrai tout avec résignation, sachant bien que tu m’en feras trouver l’issue. Alors, je verrai ton intervention en tout, parce que la mienne ne sera en rien ; et je me reposerai avec confiance et bonheur sur le sein de Celui qui m’a créé, nourri, sauvé, et qui veut encore me sanctifier pour ma propre félicité.