1.[1] Quand le roi Josaphat fut de retour à Jérusalem de la campagne qu’il avait soutenue avec Achab, roi des Israélites, contre Adad, roi des Syriens, ainsi que nous l’avons dit plus haut, le prophète Jéhu, l’ayant rencontré, lui reproche son alliance avec Achab, homme impie et criminel : Dieu, lui dit-il, était irrité contre lui de ce chef ; cependant il avait sauvé Josaphat de ses ennemis, malgré sa faute, par égard pour son naturel vertueux[2]. Là-dessus le roi offrit des actions de grâce et des sacrifices à Dieu, puis se mit à parcourir en tout sens toute la contrée qui lui appartenait[3], afin d’enseigner à ses sujets les institutions légales que Dieu leur avait données par l’entremise de Moïse ainsi que la piété envers la Divinité. Puis il établit des juges dans chaque ville de son domaine et les exhorta à rendre justice au peuple sans autre souci que celui de l’équité, sans égard aux présents ni à la qualité des plaideurs distingués par la richesse ou la naissance, mais en accordant à tous égal traitement, sachant qu’il n’est aucune action qui échappe au regard de Dieu, fût-elle accomplie en secret. Après avoir donné ces instructions dans chaque ville des deux tribus, il revint à Jérusalem. Là aussi il établit des juges choisis parmi les prêtres, les Lévites et les premiers d’entre le peuple, en leur recommandant d’apporter le scrupule et l’équité dans toutes leurs sentences. Que si, à l’occasion de différends touchant à de graves intérêts, quelques-uns de leurs concitoyens, appartenant à d’autres cités, s’en référaient à leur jugement, il fallait redoubler encore de zèle à juger impartialement leurs litiges : car, dans la ville où se trouvaient le Temple de Dieu et la résidence royale, c’était là surtout qu’il convenait de rendre des arrêts consciencieux et irréprochables[4]. Il plaça à leur tête comme magistrats les prêtres Amasias[5] et Zabadias[6], tous deux de la tribu de Juda. C’est ainsi que le roi mit ordre à ses affaires.
[2] D’après la Bible : « pour avoir enlevé les idoles d’Aschéra et consulté l’Éternel ».
[3] Hébreu (II Chroniques, XIX, 4) : « de Beer Schéba jusqu’à la montagne d’Éphraïm ».
[4] Cette dernière réflexion est ajoutée par Josèphe.
[5] Bible : Amaria. Hudson a corrigé Josèphe d’après la LXX.
[6] Hébreu : Zebadiahou.
2.[7] Dans le même temps, il subit une attaque de la part des Moabites et des Ammanites, qui avaient entraîné avec eux une grande partie des Arabes[8]. Ils établissent leur camp près de la ville d’Engaddi, située au bord du lac Asphaltite, à trois cents stades de Jérusalem. Là poussent les plus beaux palmiers et le baume[9]. Informé qu’après avoir franchi le lac, les ennemis avaient déjà envahi son royaume, Josaphat s’effraye et rassemble le peuple des Jérusalémites dans le Temple ; là, debout devant la façade de l’édifice, il se met en prière et supplie Dieu de lui procurer force et vaillance, de façon à châtier les envahisseurs : car si les ancêtres avaient construit ce sanctuaire, c’était dans l’espérance qu’il combattit pour leur ville et qu’il repoussât ceux qui oseraient s’attaquer à son Temple et entreprendraient de leur ravir la terre qu’il leur avait donnée. Tout en prononçant ces prières, il pleurait, et le peuple entier, y compris les femmes et les enfants, faisait entendre ses supplications. Alors un prophète du nom de Yaziel(os)[10], s’étant avancé au milieu de l’assemblée, éleva la voix, annonçant à la foule et au roi que Dieu avait écouté leurs prières et l’avait informé qu’il combattrait leurs adversaires. Et il recommanda de faire sortir l’armée le lendemain à la rencontre des ennemis ; ils les trouveraient, en effet, dans la montée entre Jérusalem et Engaddi appelée Exoché (point culminant)[11]. Ils ne devaient pas leur livrer bataille, mais se borner à demeurer sur place et à voir comment la Divinité en triompherait. Après ces paroles du prophète, le roi et la foule se jetèrent face contre terre, rendirent grâce à Dieu et l’adorèrent, et les Lévites ne cessèrent de chanter des cantiques, au son de leurs instruments.
[7] II Chroniques, XX, 1.
[8] Άράβων. L’hébreu, II Chron., a un texte altéré : « (une partie) des Ammonites ». Kimbi et d’autres commentateurs, se fondant sur Josué, X, 12, et surtout sur II Chron., XXVI, 1 (Meounim mentionnés à côté des Arabes), lisent : « des Maonites ». La LXX a : Μιναίων. Au v. 2, l’hébreu (LXX : Συρίαν) a été corrigé par les Massorètes. La leçon « Edomites » est justifiée par les versets 10 et suivants, où il est question des habitants du mont Séir.
[9] Renseignements propres à Josèphe.
[10] La Bible (v. 14) en fait un Lévite. Hébreu : Yabaziel ; LXX : Όζιήλ.
[11] Hébreu : « Ils montent la montée du Ciç et vous les trouverez au bout de la vallée, en face du désert de Yerouel. »
3.[12] Le jour venu, le roi s’avança dans le désert situé au-dessous de la ville de Thécoa et exhorta le peuple à se fier aux paroles du prophète : eux-mêmes ne devaient pas se ranger en bataille, mais, plaçant en avant les prêtres avec les trompettes et les Lévites avec les chantres, se borner à remercier Dieu « comme s’il avait déjà, dit il, sauvé notre pays des ennemis ». L’avis du roi fut trouvé bon et l’on suivit son conseil. Or, Dieu mit la terreur et le désarroi parmi les Ammanites ; se prenant réciproquement pour des ennemis, ils s’entretuèrent, de sorte que d’une si grande armée nul ne s’échappa. Josaphat, regardant dans le ravin où les ennemis avaient campé et l’ayant vu rempli de cadavres, se réjouit de la façon miraculeuse dont Dieu avait secouru les siens, puisque, sans qu’il leur en coûtât aucun effort, il leur avait à lui seul procuré la victoire ; il permit à son armée de piller le camp des ennemis et de dépouiller les cadavres. Ses soldats passèrent trois jours à ce travail jusqu’à en être fatigués, tant était grand le nombre des morts. Le quatrième jour, tout le peuple s’étant rassemblé en un lieu creux et escarpé, ils bénirent la puissance et le secours de Dieu, et depuis ce temps, l’endroit reçut le nom de Vallée de la Bénédiction[13].
[12] II Chroniques, XX, 20.
[13] Même expression que dans les LXX.
4.[14] De là, le roi conduisit son armée à Jérusalem, où il passa plusieurs jours en festins et en sacrifices. Cependant, quand la nouvelle de la destruction des ennemis parvint aux oreilles des nations étrangères, toutes furent terrifiées devant lui, jugeant clairement que Dieu combattrait désormais en sa faveur. Josaphat, depuis ce jour, vécut dans une gloire éclatante, due à sa justice et à sa piété envers la Divinité. Il fut aussi l’ami du fils d’Achab, qui régna sur les Israélites ; mais s’étant associé avec lui pour équiper des navires qui devaient aller vers le Pont et les marchés de la Thrace[15], il échoua dans son dessein : les navires, trop grands[16], firent naufrage ; aussi le roi renonça-t-il à s’occuper de marine. Telles furent les circonstances du règne de Josaphat, roi de Jérusalem.
[14] II Chroniques, XX, 27 ; et XVII, 10.
[15] D’après I Rois, XXII, 49 : « La flotte de Tarsis devait aller chercher l’or à Ophir ; mais les navires firent naufrage à Scion-Ghéber. » Josèphe suit plutôt II Chron., XX, 36, où la flotte est destinée à aller à Tarais et est construite à Scion-Ghéber ; le lieu du naufrage n’est pas indiqué. Le Pont et la Thrace sont des interprétations dues à Josèphe (ou à un commentateur plus ancien).
[16] La Bible n’assigne pas de motif de ce genre au naufrage, mais en fait le châtiment d’une alliance impie.