1.[1] Le fils d’Achab, Ochozias, régna sur les Israélites ; il avait sa résidence à Samarie ; il fut pervers et semblable en tout à ses père et mère, ainsi qu’à Jéroboam, le premier qui transgressa les lois et commença d’égarer le peuple. La deuxième année de son règne[2], le roi des Moabites se détache de lui et cesse d’acquitter les tributs qu’il payait précédemment à son père Achab. Or, il advint qu’Ochozias, en descendant du toit de sa maison, fit une chute et devint malade ; il envoya consulter le dieu Mouche d’Accaron[3] — tel était son surnom — pour savoir s’il guérirait. Mais le Dieu des Hébreux apparut au prophète Élie et lui ordonna d’aller à la rencontre des messagers du roi, de leur demander si le peuple des Israélites n’avait donc pas son Dieu à lui ; pour que leur roi envoyât chez un dieu étranger l’interroger sur sa guérison, enfin de les inviter à s’en retourner et dire au roi qu’il ne réchapperait pas de sa maladie. Élie ayant obéi au commandement de Dieu, les messagers, après avoir entendu ses paroles, s’en retournèrent sur-le-champ chez le roi. Comme celui-ci s’étonnait de la promptitude de leur retour et leur en demandait la raison, ils dirent qu’un homme était venu à leur rencontre et leur avait défendu d’aller plus loin : « Il nous a fait rebrousser chemin pour te dire, par ordre du Dieu d’Israël, que ta maladie tournera mal. » Le roi les ayant sommés de lui désigner leur interlocuteur, ils répondirent que c’était un homme hirsute, portant une ceinture de cuir autour des reins. Reconnaissant à ces détails qu’il s’agissait d’Élie, il dépêcha vers lui un capitaine et cinquante hommes d’armes avec ordre de le lui amener. Le capitaine, ayant trouvé Élie assis sur le sommet de la montagne, l’invita à en descendre et à se rendre chez le roi : tel était, disait-il, l’ordre de celui-ci ; que s’il refusait, il saurait l’y contraindre malgré lui[4]. Alors Élie, pour lui prouver qu’il était un vrai prophète, lui annonça qu’il allait prier Dieu pour qu’un feu jaillit du ciel et fit périr les soldats et lui-même ; il prie, et voici qu’un ouragan s’abat sur eux et anéantit le chef et ses compagnons. Quand on annonce leur mort au roi, celui-ci, dans sa fureur, envoie vers Élie un autre capitaine avec autant d’hommes que précédemment. Ce chef renouvelle la menace de saisir le prophète de force pour l’amener au roi, s’il ne veut pas descendre de bon gré ; Élie pria Dieu, et le feu dévora le second capitaine comme le premier. Informé du fait, le roi dépêcha un troisième capitaine. Celui-ci, prudent et d’un caractère fort doué, parvenu au lieu où se trouvait Élie, lui parla en termes affables et lui dit : « Tu dois savoir que c’est à contrecœur et pour obéir aux ordres du roi que je me présente à toi ; ceux qui m’ont précédé sont venus malgré eux pour le même motif[5]. » Il le suppliait donc d’avoir pitié de lui et de ses hommes et de descendre pour le suivre chez le roi. Touché de l’habileté de ces paroles et de la courtoisie de ces manières, Élie descendit et le suivit. Arrivé chez le roi, il prophétisa devant lui et lui révéla les paroles de Dieu : « Puisque tu as dédaigné le Seigneur, comme s’il n’était pas Dieu et ne pouvait prédire l’issue véritable de ta maladie, puisque tu as envoyé pour la connaître auprès du dieu des Accaronites, sache que tu vas mourir. »
[1] I Rois, XXII, 52.
[2] II Rois, I, 1 ; la Bible ne dit pas que la révolte ait eu lieu la deuxième année d’Ochozias ; mais le contexte semble l’indiquer.
[3] Traduction du Zeboub de l’Écriture (Baal-Zeboub), conforme, d’ailleurs, aux LXX (έν τώ Βαάλ μυϊαν θεόν Άxxαρών). Mais Josèphe omet le mot Baal.
[4] Ici et ailleurs cette menace est ajoutée par Josèphe.
[5] Dans la Bible, l’officier supplie simplement Élie de l’épargner, lui et ses hommes.
2.[6] Peu de jours après, comme l’avait prédit Élie, le roi mourut et la couronne échut à son frère Joram(os), car Ochozias quitta la vie sans avoir eu d’enfant. Ce Joram, aussi corrompu que son père Achab, régna douze ans[7], commettant toutes les infractions possibles et toutes les impiétés envers Dieu ; il négligea, en effet, son culte pour révérer les dieux étrangers[8]. Il fut, d’ailleurs, un prince entreprenant. Dans le même temps, Élie disparut d’entre les hommes et personne n’a connu jusqu’aujourd’hui quelle fut sa fin[9]. Il laissa pour disciple Élisée, ainsi que nous l’avons déjà indiqué antérieurement[10]. Au sujet d’Élie et d’Énoch, qui vécut avant le déluge, il est écrit dans les Saints Livres qu’ils devinrent invisibles, et personne n’a eu connaissance de leur mort[11].
[6] II Rois, I, 17.
[7] II Rois, III, 1.
[8] La Bible dit le contraire.
[9] II Rois, II, 11. Josèphe ne dit rien des circonstances miraculeuses de la disparition d’Élie.
[10] Livre VIII, § 353.
[11] Cf. Ant., I, 85 : « A l’âge de 365 ans, il (Énoch) retourna vers la divinité. » Les termes ambigus et mystérieux employés à ce sujet par la Genèse, V, 24, ont été la source de tout un cycle de légendes et d’ouvrages apocryphes rattachés au nom d’Énoch, dont une partie existait certainement déjà au temps de Josèphe (cf. Épître aux Hébreux, XI, 59 etc.).