Dialogue avec Tryphon

CXXIII

1 Reconnaissez donc que tout, en effet, s’entend du Christ et ne peut s’expliquer autrement. Vos prosélytes n’ont pas besoin de testament nouveau, puisque tous les circoncis sont compris sous une seule et même loi ; et l’Ecriture a dit, en parlant de ces derniers : « Les étrangers se joindront à eux ; ils s’uniront à la maison de Jacob. »

Le prosélyte a besoin d’être circoncis pour s’unir au peuple et faire, aux yeux de tous, partie de la nation. Eh bien ! nous qu’on appelle le peuple choisi, nous jugés dignes de Prendre ce titre, nous sommes la nation sainte, par là même que nous ne sommes pas circoncis. 2 N’est-il pas ridicule de croire que les yeux de vos prosélytes sont ouverts à la lumière, tandis que les vôtres restent fermés ; qu’ils entendent et qu’ils voient, tandis que vous êtes sourds et aveugles ? Mais ne tombez-vous pas dans un plus grand ridicule, si vous dites que la loi fut donnée aux gentils, et que cette même loi vous ne l’avez pas connue : assurément, si vous, l’aviez connue, 3 vous auriez redouté la colère de Dieu ; vous ne seriez pas des enfants d’iniquité, flottant çà et là au gré de l’erreur ; vous vous seriez épargné ces reproches que vous adresse si souvent le Seigneur : « Véritables enfants d’incrédulité ; et qui est plus aveugle que mes serviteurs, plus sourd que ceux qui les gouvernent ! Oui, les serviteurs de Dieu sont aujourd’hui dans l’aveuglement. Vous avez vu sans voir, vos oreilles étaient ouvertes, et vous n’avez pas entendu. »

4 Quel bel éloge Dieu fait de vous ! Voilà pour des serviteurs un glorieux témoignage, que celui qu’il vous rend ! Quoi ! ne rougissez-vous pas d’entendre et de mériter toujours les mêmes reproches ? ne tremblez-vous pas à toutes ces menaces du Seigneur ? Mais non, vous êtes un peuple insensé, dont le cœur est endurci.

« C’est pourquoi, dit le Seigneur, je ferai plus, je rejetterai ce peuple ; oui, je le rejetterai, je perdrai la sagesse des sages, j’obscurcirai l’intelligence de ceux qui se croient habiles. »

Et ne l’avez-vous pas mérité ? Vous n’avez ni sagesse, ni lumière, je ne vois en vous que ruse et astuce ; vous ne vous entendez bien qu’à faire le mal. Mais vous ne savez point pénétrer les secrets de Dieu, distinguer son testament véritable, découvrir ses sentiers éternels.

5 « C’est pourquoi, dit le Seigneur, je sèmerai en la maison d’Israël et en la maison de Juda une semence d’hommes et une semence d’animaux. »

Il fait ainsi parler Isaïe au sujet d’Israël : « En ce jour, Israël se joindra pour troisième aux peuples d’Egypte et d’Assyrie ; la bénédiction du Seigneur sera sur la terre ; le Dieu des armées l’a bénie, en disant : Je bénis l’Egypte, elle devient mon peuple, ainsi que l’Assyrie ; mais Israël est mon héritage. »

6 Puisque Dieu bénit ce peuple, l’appelle Israël et le proclame son héritage, comment ne faites-vous pas pénitence et de votre orgueil, qui vous fait croire que vous êtes le seul Israël, et de votre haine, qui voue à l’exécration le peuple béni de Dieu ? Car le Seigneur, après s’être adressé à Jérusalem et à toutes les contrées qui l’entourent, ajoute ces paroles : « Je ferai naître des hommes à votre place qui deviendront mon peuple ; ils vous posséderont en héritage ; vous tomberez en leur pouvoir, et vous ne pourrez les empêcher de vous ravir vos enfants. »

7 – Eh quoi donc ! s’écrie alors Tryphon, c’est vous qui êtes Israël, c’est de vous que parle le prophète !

Si ce n’était pas, lui dis-je, une de ces questions que j’ai bien discutées avec vous, je ne saurais plus si c’est faute de me comprendre que vous me faites ici une pareille demande. Mais comme c’est une affaire terminée, un point éclairci qui a pour lui ses preuves et votre assentiment, je ne puis croire qu’il vous reste ici le moindre doute, ou que l’esprit de contestation vous porte à soulever de nouvelles difficultés. Vous m’excitez plutôt, je pense, à revenir sur les mêmes preuves pour l’instruction de nos nouveaux auditeurs.

8 Tryphon me fît de l’œil un signe d’approbation, et je continuai : Si vous ne prêtez une oreille bien attentive, vous comprendrez que Dieu, parlant du Christ en paraboles dans Isaïe, l’appelle Jacob et Israël, témoin ce passage : « Jacob est mon serviteur, je prendrai sa défense ; Israël est celui que j’ai choisi. J’ai répandu sur lui mon esprit ; il portera la justice parmi les nations ; il ne criera point, il ne contestera point ; personne n’entendra sa voix sur les places publiques ; il ne foulera point aux pieds le roseau déjà brisé. Il n’éteindra pas le lin qui fume encore, mais il jugera dans la vérité ; ses bras seront ouverts à tous ; il ne brisera personne, jusqu’à ce qu’il ait établi la justice sur la terre, et les nations espéreront en son nom. »

9 De même que toute votre nation fut appelée Jacob et Israël, de Jacob surnommé Israël, de même du Christ, qui nous a engendré au vrai Dieu, nous est venu le privilège d’être appelés et d’être, en effet, non pas seulement et Jacob et Israël, et Juda et Joseph, et David, mais encore les véritables enfants de Dieu, fidèles observateurs des commandements du Christ.

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