[1] Apollonius, écrivain ecclésiastique, entreprit, lui aussi, une réfutation de l'hérésie appelée cataphrygienne, qui florissait encore à cette époque en Phrygie, et il composa un écrit spécial contre les partisans de celle secte ; il montra que les prophéties qu'ils faisaient circuler étaient fausses à la lettre, et il exposa, pour les confondre, quelle était la vie des chefs de la secte. Mais écoutons-le, parlant de Montan en propres termes :
« [2] Mais quel est ce docteur nouveau ? Ses œuvres et sa doctrine nous le montrent : c'est lui qui a enseigné à rompre les mariages, il a légiféré sur les jeûnes, il a donné à Pépuse et à Tymion (qui sont des petites villes de Phrygie) le nom de Jérusalem, et il a voulu qu'on s'y rassemblât de partout ; il a établi des collecteurs d'argent, organisant, sous le nom d'offrandes, la captation des présents ; il a assigné des salaires à ceux qui prêchaient sa doctrine, afin que la gloutonnerie fît prévaloir l'enseignement de sa parole. »
[3] Voilà encore ce qu'Apollonius rapporte de Montan et plus loin il écrit ainsi de ses prophétesses : « Nous avons donc déjà montré que ces premières prophétesses, à partir du moment où elles furent remplies de l'esprit, quittèrent leurs maris. Comment donc ne mentent-ils pas, quand ils appellent Priscille une vierge ? »
[4] Il ajoute ensuite ces paroles : « Ne te semble-t-il pas que toute Écriture défend aux prophètes de recevoir des dons et des richesses ? Lors donc que je vois la prophétesse accepter de l'or, de l'argent et des vêtements de prix, comment ne la répudierais-je pas ? »
[5] Plus loin encore, au sujet d'un de leurs confesseurs, il dit ceci : « Voici encore Thémison ; il était revêtu de l'avarice indéniable ; lui qui n'a pas porté le signe de la confession, mais qui a déposé les chaînes grâce à une forte somme ; il aurait dû après cela être humble, mais il ose se vanter d'être martyr, jouer l'apôtre, rédiger une épître catholique, catéchiser ceux qui croient mieux que lui et même défendre les discours d'une parole vide de sens, il blasphème contre le Seigneur, les apôtres et la sainte Église. »
[6] Quant à un autre encore, de ceux que leur secte honore comme des martyrs, il en écrit ainsi : « Pour ne rien dire de beaucoup d'autres, que la prophétesse nous parle de ce qui concerne Alexandre, qui se dit lui-même martyr, avec qui elle fait bonne chère, et qu'un grand nombre vénèrent aussi. Il n'est pas nécessaire que nous disions les vols et les autres méfaits pour lesquels il a été puni, car les archives en conservent le récit. [7] Lequel donc des deux pardonne à l'autre ses fautes ? Est-ce le prophète qui absout le martyr de ses larcins, est-ce le martyr qui passe condamnation au prophète de ses avarices ? Le Seigneur a dit en effet : « Ne possédez ni or, ni argent, ni double vêtement » ; ceux-ci, tout au contraire, prévariquent en possédant ces choses défendues. Nous montrerons, en effet, que ceux qu'ils appellent prophètes et martyrs, se font donner de l'argent, non seulement par les riches, mais encore par les pauvres, les orphelins et les veuves. [8] Et s'ils ont confiance, qu'ils se lèvent ici et qu'ils discutent là-dessus, afin que, s'ils sont confondus, ils cessent du moins à l'avenir de pécher. Il faut en effet examiner les fruits du prophète, car c'est d'après le fruit qu'on connaît le bois. [9] Afin que ce qui concerne Alexandre soit connu de ceux qui le désirent, il a été jugé par Aemilius Frontinus, proconsul d'Éphèse, non pas à cause du nom [du Christ], mais à cause des rapines qu'il avait commises : il était déjà un apostat. Dans la suite il a menti au nom du Seigneur, et il fut mis en liberté ; il avait trompé les fidèles de ce pays, et sa propre patrie où il était né, ne le reçut pas, parce qu'il était un voleur, et ceux qui veulent savoir ce qui le regarde ont à leur disposition les archives publiques de l'Asie. [10] Le prophète vécut avec lui nombre d'années et ne le connut pas. En le démasquant, nous confondons par là aussi la personne du prophète. Nous pouvons produire la même chose au sujet de beaucoup et s'ils ont du courage qu'ils affrontent la discussion. »
[11] Encore dans un autre endroit de son livre, au sujet de ces prophètes qu'ils vantent, l'auteur ajoute ceci : « S'ils nient que leurs prophètes aient reçu des présents, qu'il reconnaissent, si nous leur prouvons qu'ils en ont accepté, qu'ils ne sont pas des prophètes, et nous en apporterons mille preuves. Il est nécessaire d'examiner tous les fruits d'un prophète. Un prophète, dis-moi, va-t-il aux bains ? Un prophète se teint-il avec l'antimoine ? Un prophète aime-t-il la parure ? Un prophète s'amuse-t-il aux tables et aux dés ? Un prophète prête-t-il à intérêt ? Qu'ils déclarent si cela est permis ou non ; je montrerai, moi, que cela se fait chez eux. »
[12] Ce même Apollonius, dans le même ouvrage, raconte qu'à l'époque où il écrit son livre, il y avait quarante ans que Montan avait entrepris sa prophétie simulée, [13] et il dit encore que Zotique, mentionné aussi par le précédent écrivain, était à Pépuze au moment où Maximilla faisait semblant de prophétiser et qu'il essaya de confondre l'esprit qui agissait en elle, mais qu'il en fut empêché par les partisans de cette femme.
[14] Apollonius mentionne aussi Thraséas, un des martyrs d'alors. Il rapporte aussi comme venant d'une tradition que le Sauveur aurait ordonné à ses apôtres de ne pas s'éloigner de Jérusalem pendant douze ans. Il se sert de témoignages empruntés à l'Apocalypse de Jean, et il raconte que le même Jean, par une vertu divine, ressuscita un mort à Éphèse. Apollonius dit encore d'autres choses par lesquelles il réfute assez longuement et très complètement l'hérésie dont nous venons de parler. Voilà ce que fit aussi Apollonius.