(29 août)
I. Savinien et Savine étaient les enfants d’un noble païen nommé Savin, qui les avait eus de ses deux mariages successifs. Or, Savinien, ayant lu le verset Asperges me, Domine, demanda ce que signifiaient ces mots. Personne ne put les lui expliquer. Alors, se réfugiant dans sa chambre, il se roulait dans la cendre sur un cilice, disant qu’il aimait mieux mourir que de ne pas comprendre le sens de ces paroles. Sur quoi un ange lui apparut et lui dit : « Ne te tue point à force de te torturer, car tu as trouvé grâce devant Dieu ; et quand tu auras reçu le baptême, aussitôt, devenu pur comme la neige, tu comprendras ce que tu désires comprendre ! » Resté seul, Savinien, tout joyeux, refusa désormais de vénérer les idoles, ce qui lui valut d’être fort grondé par son père. Celui-ci lui disait souvent : « Si tu ne veux pas adorer nos dieux, mieux vaut au moins que tu meures seul, plutôt que de nous entraîner tous dans la mort avec toi ! » Alors le jeune homme s’enfuit en secret, et se rendit à la ville de Troyes. Là, étant arrivé au bord de la Seine, il pria Dieu de lui permettre de recevoir le baptême dans l’eau de ce fleuve. Dieu le lui permit, et, après son baptême, une voix d’en haut lui dit : « Tu as trouvé, maintenant, ce que tu as si longtemps peiné à chercher ! » Après quoi Savinien ficha son bâton en terre, et, quand il eut prié, ce bâton, au vu de tous, se couvrit de feuilles et de fleurs. Et onze cent huit personnes, ayant vu ce miracle, se convertirent à la foi chrétienne.
Ce qu’apprenant, l’empereur Aurélien envoya des soldats pour s’emparer de lui : mais les soldats, l’ayant trouvé en prière, n’osèrent l’approcher. L’empereur lui envoya d’autres soldats, qui, l’ayant également trouvé en prière, prièrent d’abord avec lui ; puis, s’étant relevés ils le conduisirent devant l’empereur. Celui-ci, sur son refus de sacrifier, lui fit lier les pieds et les mains et le fit frapper de pointes de fer. Et Savinien : « Inflige-moi d’autres tourments encore, si tu le peux ! » L’empereur le fit placer sur un bûcher, au milieu de la ville, et ordonna qu’on répandît de l’huile sur le bois, pour attiser le feu. Mais voici que, levant les yeux sur lui, l’empereur le vit debout en prière au plus fort des flammes. Il en fut si étonné qu’il tomba à la renverse. Et il dit à Savinien : « Bête malfaisante, n’as-tu donc pas déjà assez des âmes que tu as trompées, et veux-tu encore me tromper moi-même par tes artifices magiques ? » Et Savinien : « Bien d’autres âmes encore seront converties par moi, et ton âme aussi, parmi elles ! » Mais l’empereur, entendant ces paroles, blasphéma le nom de Dieu. Le lendemain, il fit attacher Savinien à un tronc d’arbre et ordonna qu’on lui lançât des flèches : mais les flèches restaient suspendues en l’air, sans que pas une l’atteignît. Le lendemain l’empereur vint le trouver et lui dit : « Que ton Dieu vienne donc, à présent, et te délivre de ces flèches ! » Et aussitôt une des flèches, se détournant, vint s’enfoncer dans l’œil de l’empereur qui, aussitôt, perdit la vue. Furieux, il fit reconduire le saint en prison, et ordonna que, le lendemain, il eût la tête tranchée. Mais Savinien pria Dieu qu’il lui permît de se transporter à l’endroit où il avait reçu le baptême ; et aussitôt ses chaînes se brisèrent, les portes de la prison s’ouvrirent, et le saint put passer librement au milieu des soldats. Parvenu au fleuve, et voyant que des soldats le poursuivaient, il marcha sur l’eau comme sur des pierres, et atteignit ainsi l’endroit où il avait été baptisé. Puis, quand les soldats eurent, à leur tour, franchi le fleuve, il leur dit : « Après m’avoir frappé de votre hache, portez un peu de mon sang à l’empereur, afin qu’il recouvre la vue et reconnaisse la puissance de Dieu ! » Décapité, il souleva sa tête dans ses mains, et la porta à quarante-neuf pas de là. Et l’empereur, dès qu’il eut frotté ses yeux du sang du saint martyr, recouvra aussitôt la vue ; et il dit : « Vraiment bon et grand est le Dieu des chrétiens ! » Et certaine femme qui, depuis quarante ans, avait perdu la vue, se fit conduire à l’endroit où gisait le corps du saint, et, ayant prié, recouvra aussitôt la vue. Saint Savinien souffrit le martyre en l’an 279, au mois de février. Mais nous avons placé ici son histoire afin de la joindre à celle de sa sœur, à qui s’adresse surtout la fête de ce jour.
II. Cette sœur, appelée Savine, ne cessait point de pleurer son frère et de supplier pour lui les idoles. Mais, un jour, un ange lui apparut en rêve et lui dit : « Savine, ne pleure pas ! Abandonne tout ce que tu possèdes, et tu trouveras ton frère élevé à un grand honneur ! » Quand elle s’éveilla, Savine demanda à sa sœur de lait : « N’as-tu rien vu ni entendu ? » Et elle : « Maîtresse, j’ai entendu une voix qui te parlait, mais je ne sais pas ce qu’elle te disait. » Et Savine : « Est-ce que tu ne me dénonceras pas ? » Et la sœur de lait : « Non certes, maîtresse ! Tout ce que tu feras sera bien, pourvu seulement que tu ne t’ôtes point la vie ! » Et, le lendemain, toutes deux s’enfuirent. Et comme son père ne parvenait pas à la retrouver, il dit, levant les mains au ciel : « S’il y a vraiment là-haut un Dieu puissant, qu’il détruise mes idoles, qui n’ont pas su protéger mes enfants ! » Alors Dieu, d’un coup de tonnerre, brisa toutes les idoles : ce que voyant, un grand nombre de personnes se convertirent à la foi chrétienne.
Cependant Savine, venant à Rome, fut baptisée par le pape Eusèbe, guérit deux aveugles et deux paralytiques, et demeura cinq ans dans la ville. Mais un jour un ange lui apparut en rêve et lui dit : « Savine, n’as-tu donc abandonné toutes tes richesses que pour venir ici vivre dans les délices ? Lève-toi, et va dans la ville de Troyes, pour y retrouver ton frère ! » Alors Savine dit à sa sœur de lait : « Nous devons nous en aller d’ici ! » Et elle : « Maîtresse où veux-tu aller ? Ici tu es aimée de tous, et tu veux aller chercher la mort dans des pays étrangers ! » Mais Savine : « Dieu aura soin de nous ! »
Puis, prenant un pain d’orge, elle se rendit à Ravenne, et entra dans la maison d’un riche dont la fille était mourante. Et comme elle demandait à la servante de ce riche qu’on lui accordât l’hospitalité, la servante lui dit : « Comment pourrais-tu recevoir l’hospitalité ici, où la fille de mes maîtres est en train de mourir, et où tous sont plongés dans la désolation ? » Mais Savine : « Je ferai en sorte qu’elle ne meure pas ! » Puis, entrant dans la maison, elle prit la main de la mourante, qui, aussitôt, se releva guérie. On voulut retenir Savine, mais elle poursuivit son chemin. Arrivée à un mille de Troyes, elle s’arrêta pour prendre un peu de repos. Vint à passer un homme noble de la ville, nommé Licérius, qui leur demanda : « D’où êtes-vous ? » Et Savine. « Seigneur, je suis étrangère, et je cherche mon frère Savinien, perdu pour moi depuis longtemps ! » Alors Licérius : « L’homme que tu cherches a été décapité pour le Christ, il y a peu de temps, et c’est ici même qu’il est enseveli ! » Sur quoi Savine, se prosternant en prière, dit : « Mon Dieu, qui m’as toujours gardée dans la chasteté, laisse-moi maintenant reposer dans ce lieu ! Je te recommande ma sœur de lait, qui a tout supporté pour moi. Et fais en sorte que je puisse voir, dans ton royaume, mon frère, qu’il ne m’a pas été donné de voir dans ce monde ! » Puis, ayant ainsi prié, elle rendit son âme au Seigneur. Ce que voyant, sa compagne se mit à pleurer, car elle n’avait même pas les moyens nécessaires pour l’ensevelir. Mais Licérius envoya chercher, en ville, >des hommes pour ensevelir l’étrangère ; et ainsi Savine fut mise au tombeau.
C’est le même jour aussi que l’Église célèbre la fête de sainte Sabine, qui était femme d’un soldat nommé Valentin, et qui fut décapitée sous le règne d’Adrien, pour avoir refusé de sacrifier aux idoles.