[1] A l'encontre de ceux qui, à Rome, altéraient la saine constitution de l'Église, Irénée composa diverses lettres ; l'une est intitulée : A Blastus, du schisme ; l'autre : A Florinus, de la monarchie ou que Dieu n'est pas auteur de maux. Ce dernier paraît en effet avoir soutenu cette doctrine, et parce qu'il fut entraîné de nouveau dans l'erreur de Valentin, Irénée écrivit encore l'ouvrage De l'Ogdoade, où il se présente comme ayant reçu lui-même la première succession des apôtres. [2] Là, vers la fin de cet écrit, nous avons trouvé de lui une note très jolie ; forcément nous la rapporterons encore ici. Voici sa teneur : « Je te conjure, toi qui transcriras ce livre, au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et de sa glorieuse parousie, dans laquelle il viendra juger les vivants et les morts ! Collationne ce que tu auras copié et corrige-le avec soin sur cet exemplaire où tu l'auras pris. Transcris aussi pareillement cette adjuration et mets-la sur la copie. » [3] Voilà une chose utile à dire pour lui et à mentionner pour nous ; afin que nous ayons ces hommes antiques et vraiment saints comme un excellent exemple de très diligente exactitude.
[4] Dans la lettre à Florinus, dont nous parlions tout à l'heure, Irénée rappelle encore à ce dernier qu'ils ont été ensemble auprès de Polycarpe. Il dit : « Ces doctrines, Florinus, pour ne rien dire de plus, ne sont pas d'une pensée saine ; ces doctrines ne s'accordent pas avec l'Église, elles jettent ceux qui y croient dans la plus grande impiété ; ces doctrines, jamais les hérétiques même qui sont hors de l'Église n'ont osé les produire au jour ; ces doctrines, les presbytres qui ont été avant nous et ont vécu avec les apôtres ne le les ont pas transmises. [5] Car je t'ai vu, quand j'étais encore enfant, dans l'Asie inférieure, auprès de Polycarpe ; tu brillais à la cour impériale et tu cherchais à le faire bien venir de lui. Je me souviens mieux, en effet, de ce temps-là que des événements récents. [6] Car ce que j'ai appris en bas âge a grandi avec mon âme et ne fait qu'un avec elle, si bien que je puis dire en quel endroit le bienheureux Polycarpe s'asseyait pour parler, comment il entrait et sortait, quel était le caractère de sa vie, son aspect physique, les entretiens qu'il faisait à la foule, comment il parlait de ses relations avec Jean et les autres disciples qui avaient vu le Seigneur, comment il rappelait leurs paroles et les choses qu'il leur avait entendu raconter concernant le Seigneur, en ce qui regarde ses miracles, aussi bien que son enseignement ; comment Polycarpe avait reçu tout cela des témoins oculaires du Verbe de vie, et le rapportait en conformité avec les Écritures. [7] Ces choses alors aussi, par la miséricorde que Dieu ma faite, je les ai écoutées avec soin, j'en ai conservé la mémoire, non pas sur un papier, mais dans mon cœur. Pour la grâce de Dieu je les ai toujours ruminées avec amour, et je puis témoigner devant Dieu que si ce presbytre bienheureux et apostolique avait entendu des choses pareilles à celles-ci, il aurait poussé des cris et se serait bouché les oreilles ; il aurait dit comme il faisait souvent : « Ô Dieu bon, à quels temps m'avez-vous réservé, pour que je supporte tout cela ! » et il aurait quitté, qu'il fut debout ou assis, la place où il aurait entendu de tels discours. [8] Du reste, les lettres qu'il envoyait aux églises voisines pour les affermir, et à certains frères pour les avertir et les exciter, peuvent le montrer clairement. » Voilà ce que dit Irénée.