Bæhr estime que le législateur a regardé avant tout à ce que le peuple d’Israël possédait en fait de cultures et de bestiaux, à ce qui constituait la richesse nationale. Il est vrai, et nous l’avons reconnu au § 120, que tout sacrifice doit être un dépouillement, un renoncement, et qu’il faut par conséquent offrir du sien, si l’on veut présenter à Dieu un sacrifice qui mérite ce nom. Offrir à Dieu la propriété d’autrui, c’est là une contradiction in adjecto. Rappelez-vous St-Crépin ! Les pauvres Israélites du retour ont pu profiter de la générosité de Darius (Esdras 6.9 ; 7.17, 22 et sq.), sans oublier pour cela que c’était à eux à faire les frais de leur culte (Néhémie 10.33 et sq.). Mais Bæhr lui-même est obligé de reconnaître que les produits de la terre et que les animaux purs du pays étaient bien loin d’être tous employés comme offrandes et victimes ; en sorte qu’il finit par dire que les sacrifices sanglants et non sanglants correspondent simplement aux deux grands fondements de la richesse publique des Israélites, l’élève du bétail et l’agriculture.
D’autres, s’appuyant sur le fait que les sacrifices sont souvent appelés la nourriture de Dieu (Lévitique 21.6, 8, 17 ; Nombres 28.2, 24. Comparez Ézéchiel 44.7 ; Malachie 1.7)a, ce qui signifie non pas évidemment que Dieu se nourrit des victimes ou des offrandes (§ 112), mais simplement que le peuple fait abandon à Dieu d’une partie de ce qui constitue sa nourriture, — pensent que lorsqu’il s’est agi de déterminer les animaux et les produits de la terre qui devaient figurer sur l’autel, on a tenu compte avant tout de ce qui formait la base de l’alimentation du peuple. C’est bien cela, si toutefois l’on souligne le mot de base, car il est clair que le peuple n’offrait pas à Dieu de tout ce qui lui servait d’aliment, — et il est bien entendu qu’il ne s’agit que des animaux et des fruits de la terre à la production desquels l’homme avait dû donner ses soins. Ainsi compris, les sacrifices des Israélites sont en même temps la consécration de leur vocation terrestre et la preuve que Dieu bénit l’œuvre de leurs mains (Deutéronome 16.17)b.
a – Voyez encore pour les holocaustes et les sacrifices de prospérité Lévitique 22.25, et pour les sacrifices de prospérité spécialement, Lévitique 3.11, 16. Les seuls sacrifices pour le péché et pour le délit ne sont jamais appelés la nourriture, de Dieu.
b – Le gibier est exclu, parce qu’Israël n’est pas un peuple de chasseurs.
Ce n’est pas tout ; deux remarques encore. Les premiers-nés et les prémices, ce que l’on a de mieux, ce à quoi le cœur s’attache le plus, voilà ce qu’il faut offrir à Dieu pour que le sacrifice soit complet ; puis aussi les animaux les plus privés, les plus doux, les plus innocents, ceux qui se livrent le plus aisément à l’homme (Ésaïe 53.7 ; Philon, De vict. § 1).
Quant à l’encens, sa place est toute marquée dans les sacrifices, non seulement à cause du parfum qu’il répand en se consumant, mais surtout comme symbole de la prière qui monte vers Dieu (Psaumes 141.2). L’encens fait du sacrifice un acte de prière. Pour ce qui est de l’huile, on s’est demandé si elle était, comme le sel et l’encens, un simple complément des offrandes, ou si elle faisait partie de l’offrande elle-même. Kurtz soutient la première opinion. Il considère l’huile comme servant uniquement à oindre l’offrande, et à montrer que Dieu ne prend plaisir qu’au produit d’un travail qui a reçu la consécration de son Esprit, car partout dans l’A. T., l’huile est le symbole de la communication de l’Esprit de Dieuc. Bæhr soutient la seconde. L’huile, dit-il, est mise sur le même pied que la farine et que le vin ; c’est l’un des principaux, produits de la Palestine ; dans Nomvres 15, la quantité d’huile spécifiée pour les offrandes répond tout à fait à la quantité de vin spécifiée pour les libations, et si l’huile manque aux sacrifices pour le péché et aux sacrifices de jalousie, c’est qu’ils doivent avoir un caractère austère, tandis que l’huile donne un goût agréable aux aliments auxquels elle est mélangéed.
c – En faveur de cette manière de voir, milite le fait que l’huile et l’encens sont coordonnés dans Lévitique 2.1, 15, et que dans les sacrifices pour le péché et les sacrifices de jalousie, l’huile manquait aussi bien que l’encens.
d – Ainsi le vin manquait à ces mêmes sacrifices, et pour le sacrifice de jalousie en particulier, on n’employait qu’une farine de qualité inférieure.