Tel doit être le véritable disciple de la vie spirituelle, vivement pénétré de la puissance de l’esprit de Dieu, qui, dès le commencement, a toujours pris l’humanité sous sa protection, qui annonce l’avenir, qui manifeste le présent, et qui raconte le passé ; il peut donc juger et condamner les autres, et personne ne peut le condamner lui-même. Or, ce disciple de la vérité voit les nations adorant la créature plutôt que le Créateur, consumant leurs jours dans de vains travaux et en des œuvres coupables ; il voit les Juifs, ne voulant pas recevoir le Verbe de liberté, refusant de devenir libres et de profiter de la venue du libérateur, mais s’attachant par vanité à une fausse interprétation de la loi, dont Dieu n’a que faire, et ne reconnaissant pas le Christ qui est venu sur la terre pour sauver les hommes. En effet, les Juifs n’ont pas voulu comprendre le double avènement du Christ, tel qu’il est annoncé par les prophètes. Dans le premier, il paraît dans toutes les misères, dans toute la faiblesse de l’humanité ; il parcourt les villes, assis sur l’ânon de l’ânesse ; il est la pierre mise au rebut par ceux qui bâtissent, la brebis qui est menée à l’autel pour être immolée ; mais il est en même temps le nouveau Moïse, qui triomphe d’Amalech, en élevant ses mains vers le ciel ; il est le berger ramenant à la bergerie de son père toutes ses brebis dispersées dans toutes les parties de la terre, et qui, « s’étant souvenu de ses serviteurs fidèles, qui sont morts avant sa venue, est descendu aux enfers pour les délivrer et pour les sauver. »
Dans le second avènement, il viendra porté sur les nuées, amenant avec lui un jour qui sera enflammé comme une fournaise, frappant la terre de la parole sortie de sa bouche, faisant périr les impies par le souffle de ses lèvres, ayant un van à la main pour purger son aire, réunissant le bon grain dans son grenier, et jetant la paille inutile dans le feu éternel.
Le disciple de la vie spirituelle condamnera aussi avec justice la doctrine des marcionites, qui reconnaissent à la fois deux dieux, régnant en même temps, bien que des distances infinies les séparent. Il se demandera comment on peut attribuer la bonté à celui des deux qui, n’ayant pas créé l’humanité, cherche à attirer cependant les hommes à lui, et à les soustraire à l’empire de leur véritable créateur, et au bonheur que celui-ci leur a préparé dans son royaume ; comment la bonté de celui-ci est en défaut, n’admettant pas tous les hommes au même salut ; et comment il se fait que celui qui n’est pas l’auteur de l’humanité puisse avoir tant de bonté pour l’homme, en même temps qu’il se montre si injuste envers le dieu, son rival, en cherchant sans cesse à lui ravir tout ce qui lui appartient, en qualité de créateur ? Il se demandera encore comment il se pourrait faire que notre Seigneur eût pu dire avec vérité que le pain qu’il tenait à la main fût véritablement son corps, et le vin qui était dans le calice, véritablement son sang, s’il n’était pas réellement le fils de Dieu ; et comment il aurait pu se proclamer le Fils de l’homme, s’il n’eût pas revêtu notre humanité toute entière ? Et, s’il n’était pas Dieu, comment aurait-il pu nous remettre la dette que nous avons contractée envers Dieu, notre créateur, par le péché ? Et comment, s’il n’était pas réellement chair, et s’il n’en avait que l’apparence, a-t-il pu être réellement crucifié ? Et comment a-t-il pu sortir de son côté percé, à la fois du sang et de l’eau ? Qu’était-ce donc que ce corps qui a été réellement enseveli, et qu’était ce qui est réellement ressuscité d’entre les morts ? Il jugera aussi ceux qui sont de la secte de Valentin. Ceux-là, à les entendre, reconnaissent tous un seul et même dieu, auteur de toutes choses ; mais ils disent que ce dieu, qui a tout fait, est né lui-même de quelque révolte ou de quelque souillure. Ils confessent aussi, mais seulement de bouche, un seul et même Seigneur Jésus-Christ ; mais, dans le fond de leurs pensées, ils distinguent le fils unique du Verbe, le Verbe du Christ, et le Christ du Sauveur, en sorte que, à les entendre tout d’abord, ils semblent confesser l’unité de Dieu ; mais peu à peu cette unité s’évanouit. Ils donnent à chaque qualification une existence à part, en en faisant des êtres distincts. Il est donc évident que l’unité, au sujet du Christ, est un mot qui n’est que sur leurs lèvres, et que leur pensée secrète ne correspond nullement à ces déclarations extérieures, car ils en font un dieu multiforme et purement de leur invention. Ils le font naître après ce qu’ils appellent le Plerum des Æons, et il ne vient sur la terre qu’après une dégradation, fruit de sa révolte, c’est pour cela qu’il souffre la passion qui le rend à sophia, la sagesse ; mais ils avouent eux-mêmes tous leurs embarras à travers ces explications nébuleuses. Je ne veux choisir, pour les combattre qu’Homère, qui est leur prophète, et qui aurait dit, au sujet du Christ, d’après certains érudits : « Je hais plus que les portes de l’enfer celui qui cache sa pensée dans son cœur, et qui se sert de la parole pour la déguiser. »
Le disciple de vérité condamnera, avec le même esprit de sagesse, toutes les propositions chimériques des pervers gnostiques, dans lesquels il ne verra que des disciples de Simon le magicien.
Il condamnera aussi les Ébionites ; il se demandera comment ils pourraient parvenir au salut, si celui qui est venu sur la terre, pour les sauver, n’était pas un Dieu ? ou bien, comment l’homme pourrait passer en Dieu, si Dieu auparavant n’était pas passé dans l’homme ?
Il faudrait aussi pouvoir comprendre comment, d’après le même système, l’homme pourrait échapper au règne de la mort, si Dieu ne venait l’y soustraire par un miracle pour le placer dans un autre ordre de choses, et lui conférer cet esprit de régénération, qui a été donné au monde en signe de salut, par l’incarnation opérée dans le sein de la Vierge ? Et d’ailleurs, comment pourrions-nous nous élever jusqu’à être des fils d’adoption de Dieu, si nous restions toujours renfermés dans le Cercle de l’humanité. Comment se pouvait-il que celui qui, sous le rapport humain, était formé de la même substance que Salomon, que Jonas, que David, fût cependant plus grand que Salomon et que Jonas, et fût le Seigneur de David ? Comment encore concevoir que celui qui a vaincu celui qui était non-seulement le vainqueur de l’homme, mais qui le détenait encore dans la servitude, et qui, après avoir vaincu l’ennemi de l’homme, rend la liberté à ce dernier ; comment concevoir, dis-je, que ce vainqueur de l’ennemi de l’homme ne soft pas d’une nature supérieure à l’homme ? Cependant l’homme a été fait à l’image de Dieu ; qui serait donc d’une nature plus élevée que l’homme, si ce n’était le fils de Dieu, dont l’homme est l’image ? Aussi lorsque Dieu est venu sur la terre, a-t-il revêtu cette même image ; le fils de Dieu, en se faisant homme, a pris la forme donnée à l’homme lors de sa création : nous avons démontré ce point dans le livre précédent.
Le disciple de vérité condamnera aussi les doctrines de ceux qui font du Christ un être de raison. Mais si celui qu’ils disent leur maître n’est pas un être réel, comment ses disciples sont-ils assurés que leurs paroles sont en réalité des paroles ? Ou bien encore, si celui qui est leur maître n’est qu’un être fabuleux, s’il n’est pas la vérité, comment pourraient-ils tenir quelque doctrine pour réelle et certaine ? Comment leur donnera-t-il un salut en réalité, si lui-même n’a rien de réel ? Ainsi, dans les opinons de ces docteurs on ne trouve que chimères et nulle vérité. Et ne serait-on pas autorisé par leurs propres doctrines à douter s’ils sont eux-mêmes des hommes réels, ou s’ils ne sont pas plutôt des apparences d’hommes, et en réalité des animaux muets.
Il condamne encore les faux prophètes qui, n’ayant pas reçu d’en haut le don de prophétie, et n’ayant pas d’ailleurs la crainte de Dieu, mais qui, poussés par l’amour d’une vaine gloire, par un sordide intérêt, ou par les suggestions du malin esprit, font semblant de prophétiser, et mentent contre Dieu.
Il condamne aussi ceux qui font des schismes, qui sont vains et n’ont pas la crainte de Dieu, ne cherchant que la satisfaction de leur intérêt dans les divisions qu’ils fomentent ; ils ne craignent pas de briser et de diviser le glorieux corps de Jésus-Christ, souvent pour les motifs les plus futiles, et de lui faire tout le mal qui est en leur pouvoir ; ils ne parlent que de paix et font toujours la guerre ; ils se contenteraient, à les entendre, d’un moucheron, et ils dévorent un chameau.
Quel que soit le châtiment qu’on puisse leur infliger, il ne saurait être proportionné au mal que font les schismes suscités par eux. Le disciple de vérité condamne aussi tous ceux qui sont hors de la vérité, c’est-à-dire qui sont hors de l’Église. Mais quant à lui, personne ne peut le condamner. Pour lui toutes choses sont claires et certaines. Il a une foi assurée en un seul Dieu, tout-puissant, auteur de tout ; il croit avec une foi égale au fils de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites, et en tous ses bienfaits, dont le plus grand est de s’être fait homme pour nous sauver ; il croit de la même manière en l’esprit de Dieu, qui donne la grâce pour connaître la vérité, qui a révélé les desseins du Père et du Fils, en faveur de l’humanité, qui sont selon la volonté du Père.
Or, ce qui constitue la véritable croyance, c’est la doctrine des apôtres, sur laquelle repose l’établissement de l’Église, répandue aujourd’hui sur toute la terre ; c’est cette représentation continue du Christ, dans la succession des évêques, qui ont établi des Églises dans chaque lieu selon les besoins des fidèles ; enfin, c’est cette transmission jusqu’à nous, pleine et entière, sans retranchement, sans augmentation, des saintes Écritures, dont le dépôt a été confié à l’Église ; c’est la pureté des traditions de la foi, concordantes avec les Écritures, qui, loin de nous exposer à aucun danger, à aucun blasphème, sont notre guide et notre flambeau ; enfin, c’est le don de l’amour divin, qui est plus précieux que la croyance, plus glorieux que le don de prophétie, enfin d’une valeur supérieure à toutes les autres grâces.
Aussi, c’est pour satisfaire aux besoins de cet amour divin que l’Église envoie sans cesse vers Dieu la foule de ses martyrs ; et il n’y a qu’elle qui ait besoin de martyrs ; les sectes, séparées d’elle, n’en ont que faire, n’ayant à soutenir aucune vérité par le martyre ; car le martyr est un témoin de la vérité. On compte cependant, depuis l’établissement de l’Église, une ou deux personnes, qui appartenaient d’abord à des sectes dissidentes, mais qui, ayant obtenu la miséricorde de Dieu, ont confessé notre foi, ont souffert l’opprobre du nom du Christ et sont morts comme nos autres martyrs. Car il n’y a que l’Église seule qui soit assez forte pour n’être pas ébranlée par les persécutions et par toutes les épreuves auxquelles se soumettent ses enfants, pour rendre témoignage à l’amour divin et à Jésus-Christ ; les pertes qu’elle fait sont aussitôt réparées, et elle demeure toujours entière, comme cette statue de Loth, dont nous avons parlé, et qui était la figure de l’Église. C’est ainsi, et pour les mêmes causes, et pour le même but, que les prophètes ont souffert la persécution sous l’ancienne loi ; c’est notre Seigneur lui-même qui l’a dit : « Ils ont persécuté de « la même manière les prophètes qui ont été avant vous. » Ainsi, l’esprit qui soutenait autrefois les prophètes est le même que celui qui veille aujourd’hui sur l’Église, tandis qu’elle est persécutée de la part de ceux qui n’ont pas foi au verbe de Dieu.
C’est pour défendre la même cause, et pour témoigner des mêmes vérités, que les anciens prophètes ont été persécutés, et que les Chrétiens du nouveau Testament souffriront la persécution ; ils seront lapidés, ils seront mis à mort, parce qu’ils auront été marqués du sceau de l’Esprit saint, qu’ils auront été les disciples du verbe du Père et qu’ils l’auront servi de toutes leurs forces. Les prophètes, comme membres vivants du Christ, parce qu’ils étaient enflammés de l’amour de Dieu et de son Verbe, étaient la figure de tout ce qui devait arriver à l’Église. Car, étant tous les membres du Christ, chacun d’eux en représentait un membre particulier et prophétisait en conséquence ; et tous ensemble réunis, ils représentaient le seul et même Christ, et annonçaient sa doctrine et sa loi. Nous trouvons quelque chose d’analogue en nous-mêmes : comme l’action de tout notre corps se manifeste par celle de nos membres en particulier, et pour manifester au dehors l’expression de tout notre être, il faut le concours de l’action de tous nos membres à la fois ; ainsi tous les prophètes ensemble ont figuré un seul et même Christ, tandis que chacun en particulier, comme membre d’un même corps, accomplissait les fonctions qui lui étaient propres et figurait partiellement le Christ.
Parmi eux, en effet, les uns l’ont vu dans toute sa gloire, et dans toute sa majesté, assis à la droite du Père ; les autres l’ont vu comme Fils de l’homme, arrivant porté sur les nuées, ce qui faisait dire aux prophètes : « Vous établirez votre empire au milieu de vos ennemis, ils verront celui qu’ils ont crucifié ; » annonçant par ces paroles l’avènement du Christ à la fin des temps. Il a parlé lui-même de son avènement, et dans le même sens, lorsqu’il a dit : « Mais quand le Fils de l’homme viendra, pensez-vous qu’il trouve de la foi sur la terre ? » Saint Paul a dit aussi à ce sujet : « Il est juste devant Dieu qu’il afflige à leur tour ceux qui vous affligent maintenant ; et que pour vous, qui êtes dans l’affliction, il vous fasse jouir du repos avec nous, lorsque le Seigneur Jésus descendra du ciel, et paraîtra avec les anges qui sont les ministres de sa puissance ; lorsqu’il viendra au milieu des flammes. » Ceux-ci ont prophétisé sa venue lorsqu’il apparaîtra pour juger le monde, en comparant le jour du Seigneur à la fournaise ardente : « Il amassera son froment dans le grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteindra point. » Telle est la menace prononcée contre ceux qui ne voudront pas croire, desquels le Seigneur lui-même a dit : « Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges ; » ce qui fait dire à saint Paul : « Lesquels souffriront la peine d’une éternelle damnation à la présence du Seigneur et devant l’éclat de sa puissance, quand il viendra pour être glorifié dans ses saints, et admiré dans tous ceux qui auront cru. » L’avènement du Christ est dépeint encore dans le passage suivant : « Vous surpassez en beauté les plus beaux des enfants des hommes ; la grâce est répandue sur vos lèvres, parce que le Seigneur vous a béni pour l’éternité. Armez-vous de votre glaive, ô le plus puissant des rois, revêtez-vous de votre éclat et de votre gloire, et, dans votre majesté, marchez à la victoire, montez sur le char de la vérité, de la clémence et de la justice. » Ces images et toutes les autres du même genre, dont les prophètes se sont servis, étaient pour faire sentir combien est grande la grâce et la beauté du royaume céleste, quel sera l’éclat et la gloire de ceux qui y seront admis ; c’était un moyen d’enflammer les hommes du désir de voir le ciel, et, pour y parvenir, de faire en ce monde ce qui est agréable à Dieu. Les prophètes ont encore dit de lui : « Il est homme, mais qui le connaîtra ? – Et je m’approchai de la prophétesse, et elle conçut et enfanta un fils. – Et il sera appelé l’admirable, le conseiller, Dieu, le fort. »
D’autres ont particulièrement annoncé celui qui serait l’Emmanuel, qui naîtrait de la Vierge et unirait ainsi la divinité à l’humanité : « Le Verbe sera fait chair, et le fils de Dieu deviendra le fils de l’homme (car celui qui est la pureté même sortira d’un sein pur) ; » c’est ainsi que le Dieu fort, celui dont l’essence nous est impénétrable, a été fait semblable à nous. Le prophète Joël a dit : « Le Seigneur rugira du haut de Sion, et sa voix retentira dans Jérusalem ; son nom sera connu dans la Judée, » annonçant ainsi sa naissance en Judée. Un autre prophète a ajouté : « Dieu est sorti de Théman, le Saint est venu des sommets de Pharan, » indiquant par-là que le Christ naîtrait à Bethléem : c’est ce que nous avons déjà expliqué dans le livre précédent, en parlant de l’origine de celui qui est le chef des troupeaux de son père et qui les mène dans les pâturages. Un autre encore prédit ainsi son avènement : « Alors le boiteux sera agile comme le cerf ; la langue du muet sera prompte et rapide ; fortifiez les mains languissantes, affermissez les genoux tremblants. Les morts que vous pleurez vivront, les forts d’Israël ressusciteront. Il a vraiment lui-même porté nos infirmités, il s’est chargé de nos douleurs. » C’est ainsi qu’Isaïe prédisait les guérisons miraculeuses que le Christ devait opérer.
Voici maintenant comment sa passion est annoncée par les prophètes. L’un nous le dépeint sous les traits d’un homme méprisé, le dernier des hommes, homme de douleurs, sachant supporter la misère, et s’avançant, monté sur un ânon, vers Jérusalem ; il abandonne son corps à ceux qui le tourmentent, ses joues à ceux qui les frappent ; il s’est laissé conduire à la mort comme une brebis à l’autel où elle doit être immolée ; il a étanché sa soif avec le fiel et le vinaigre, il a été abandonné par ses amis et par ses proches, il a étendu les mains tout le jour à un peuple incrédule, et il était blasphémé et couvert d’opprobres par ceux qui le regardaient ; ils se sont partagé ses vêtements, ils ont tiré sa robe au sort, ils lui ont donné la mort. Ainsi, dans ces prophéties, tout ce qui est relatif à l’avènement du Christ, selon son humanité, se trouve annoncé, son entrée à Jérusalem, sa passion sur la croix, sa résignation dans les souffrances ; sa descente aux enfers est également prophétisée : « Le Seigneur s’est souvenu de ceux qui sont morts, qui dormaient dans la poussière de la terre ; il est descendu vers eux pour les rendre à la vie et les délivrer de la mort. » Le but de sa passion se trouve ainsi expliqué. Un autre prophète a dit : « En ce jour-là, dit le Seigneur Dieu, je ferai disparaître le soleil en plein midi, et, au milieu de la lumière, j’obscurcirai la terre ; je changerai vos jours de fête en jours de deuil, et vos cantiques de joie en lamentations. » Il prophétisait, par ces paroles, l’obscurcissement du soleil, qui eut lieu vers la sixième heure du jour, lorsque le Christ expira, et encore le deuil et la douleur dans lesquelles furent plongés ceux qui observaient alors les fêtes de l’ancienne loi, leurs cantiques de joie s’étant changés en lamentations ; car dès ce moment ils allaient commencer d’être persécutés par les gentils. Jérémie annonce encore d’une manière plus frappante ce grand événement, quand il dit : « Celle qui a enfanté a défailli ; le soleil a disparu pour elle au milieu du jour ; elle a été confondue et dans la honte ; je livrerai ses derniers enfants au glaive, en présence de ses ennemis, dit le Seigneur. »
D’autres ont prédit la résurrection du Seigneur et son ascension dans le ciel, quand ils ont parlé de celui qui s’était endormi, qui s’était livré au sommeil de la mort, et qui en avait été tiré, parce que le Seigneur l’avait reçu dans son sein, ordonnant aux puissances du ciel de lui ouvrir les portes éternelles, pour laisser entrer le Roi de gloire. Et quand le prophète a dit : « Il part des extrémités de l’aurore, et il s’abaisse aux bornes du couchant, rien ne se dérobe à la chaleur de ses rayons, » il prophétisait que le Christ remonterait au ciel d’où il serait descendu, et qu’il n’y a aucun être qui pourrait se dérober à son équitable justice. Ensuite cette prophétie où il est dit : « Que Jéhovah règne, que les peuples tremblent ; il est assis sur les chérubins, que la terre soit émue, » contient à la fois deux prédictions : la première annonce la persécution générale qui devait s’élever, après la mort du Christ, contre tous ceux qui croiraient en lui ; la seconde concerne l’avènement du Christ lors du jugement dernier, lorsqu’il descendra des cieux, escorté des anges et des puissances célestes, et lorsque toute la terre tremblera à son approche, ainsi qu’il l’annonce lui-même dans son Évangile, quand il dit : « La tribulation alors sera grande, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à présent et qu’il n’y en aura jamais. » Enfin, quand Isaïe a dit : « Celui qui justifiera mon innocence est auprès de moi : qui peut m’accuser ? paraissez ; quel est mon juge ? qu’il s’approche ; » et encore : « Voilà que mes ennemis seront détruits comme un vêtement que les insectes dévorent ; » et encore : « Toute chair s’humiliera, l’orgueil humain sera abattu ; Dieu seul sera grand en ce jour ; » il a ainsi prophétisé le triomphe du Christ après sa résurrection, et sa victoire sur tous ses ennemis que Dieu mettra sous ses pieds, tandis que lui-même sera exalté au-dessus de toutes les gloires, et qu’il n’y aura personne qui puisse lui être comparé et qui échappe à sa justice.
Les prophètes ont aussi annoncé tout ce qui est relatif au règne du nouveau Testament, lorsqu’ils ont parlé de la nouvelle alliance que Dieu devait faire avec les hommes, laquelle serait différente de celle qui avait été donnée autrefois sur le mont Horeb ; qu’un cœur nouveau, qu’un esprit nouveau serait donné aux hommes : « Et je les délivrerai en partie de leurs idoles, je leur donnerai un cœur nouveau et je mettrai un esprit nouveau au milieu d’eux ; un chemin traversera le désert, les fleuves tomberont dans la solitude, pour étancher la soif de vos élus ; j’ai formé ce peuple pour annoncer ma gloire. » Tout cela exprimait hautement la délivrance qui s’opérerait par le nouveau Testament ; c’est le vin nouveau que l’on met dans les vases nouveaux ; et la nouvelle foi au Christ est exprimée par cette image du chemin de justice qui a été tracé dans le désert, et par ces fleuves de l’Esprit saint, qui arrosent des terrains arides et qui abreuvent le peuple choisi de Dieu, qu’il a formé pour célébrer sa gloire, et non pour blasphémer son saint nom.
Le disciple de vérité expliquera de même et naturellement toute la suite des prophéties contenues dans les saintes Écritures et que nous avons exposées plus haut, donnant à chacune son sens providentiel et sa manifestation entière de l’œuvre du Verbe ; mais dans toutes ces méditations, il reconnaîtra et adorera sans cesse un même Dieu le père, un même Verbe, un même Esprit saint, bien que cette trinité se soit montrée à nous et doive se montrer jusqu’à la fin des temps, par des signes nouveaux, depuis que l’ère du nouveau Testament est ouverte. C’est cette ferme croyance en Dieu et en son Verbe, qui fait mériter le salut à ceux qui l’ont dans leur cœur. Mais quant à ceux qui s’éloignent de Dieu et qui dédaignent ses commandements, qui profanent en eux-mêmes la créature formée de la main de Dieu, et qui blasphèment par leur incrédulité même celui qui les nourrit, ils attirent sur eux par cette conduite un jugement sévère. Ainsi le disciple de vérité juge les autres, et il ne redoute le jugement de personne ; il adore Dieu le père et révère ses desseins ; il honore les patriarches et les prophètes, connaissant celui qui les a inspirés de son esprit, et de qui seul sont émanées toutes les prophéties.