L’hébreu a deux mots pour désigner l’holocauste : ôlah, עלה, et Calil, כליל. Le premier est le nom ordinaire, le second ne se rencontre que dans des passages poétiques (Deutéronome 33.10 ; Psaumes 51.20). Le mot holocauste vient du grec par la traduction des Septante : ὁλοκαύτωμα signifie : « Qui est brûlé tout entier. » Les Septante emploient aussi quelquefois le synonyme ὁλοκάρπωμα.
Olah, ne vient pas de oul, עול, brûler, dans le sens de sacrifice qui brûle longtemps ; mais de Alah, עלה, monter, ainsi que cela résulte du fait, que ce nom se trouve toujours construit avec le verbe alah : faire monter un holocauste, tandis qu’en parlant des autres sortes de sacrifices, il est dit qu’on les fait approcher, ou qu’on les immole (hiqueriv, higguisch, הגיש יהקריב, ou zavach, זבח). Pourquoi l’holocauste est-il appelé le sacrifice qui monte ? Parce que la victime monte sur l’autel tout entière, ce qui n’est pas le cas dans les autres sacrificesd.
d – Bæhr, Keil et Delitzsch pensent que ôlah désigne le sacrifice qui monte à Dieu en fumée. Cette explication me paraît moins probable.
Calil, כליל, signifie entier. C’est le sacrifice où la victime est entièrement consumée. Lévitique 6.22 et sq. ; Deutéronome 13.17, donnent aussi ce nom à des offrandes non sanglantes que l’on brûlait entièremente.
e – Chez les Phéniciens, calil désignait les sacrifices en général, ainsi que cela ressort d’une inscription carthaginoise trouvée à Marseille.
L’holocauste, étant un sacrifice de première importance, réclamait des victimes mâles. [Il en était de même de certains sacrifices pour le péché. Ce n’était que pour les pigeonneaux et les tourterelles — que les Israélites pauvres pouvaient présenter à la place de victimes trop coûteuses — que l’on ne regardait pas au sexe.] Après qu’on avait écorché la bête, dont la peau devenait la propriété du prêtre (Lévitique 7.8), et qu’on en avait nettoyé les entrailles, — on la brûlait tout entière sur l’autel (Lévitique 1.9), sur les bords duquel le sang en avait été répanduf.
f – Sur les offrandes et les libations qui accompagnaient l’holocauste, voyez Nombres 15.8 et sq.
L’holocauste répond à plus d’un besoin et exprime plus d’un sentiment. D’une manière générale, c’est le sacrifice de l’adoration et de la consécration à l’Éternel. Grâce aux aspersions de sang qui l’accompagnent, c’est un sacrifice d’agréable odeur, il apaise Dieu, il le rend propice au pécheur repentant, dont il expie même les péchés (Lévitique 1.4 ; 14.20 ; 16.24). Mais la loi ne le présente jamais comme servant à l’expiation d’une espèce particulière de péchés.
[Les Rabbins ont inventé une espèce de péchés dont l’expiation était l’affaire spéciale de l’holocauste : ce sont ceux qui sont à la fois la violation d’une défense et d’un ordre positif. On comprend ce qui les a amenés à cette pensée, mais elle paraîtra bien peu fondée quand on aura lu, par exemple, Deutéronome 22.6, où la défense de prendre la mère avec les petits, quand on aura trouvé un nid d’oiseaux, se trouve exprimée négativement et positivement.]
L’agneau d’un an qui était immolé chaque matin et chaque soir au nom de tout le peuple, constituait un sacrifice d’adoration qui représentait la prière du commencement et de la fin de la journée. On l’appelait l’holocauste perpétuel, עלה תמיד. Son importance résulte du fait que c’est au milieu même des lois relatives à la construction du tabernacle que se trouve l’ordonnance qui l’institue (Exode 29.38-42)g. Par lui chaque journée était consacrée à l’Éternel ; les Rabbins vont jusqu’à parler d’une expiation des péchés quotidiens opérée par l’holocauste perpétuel. Etait-il suspendu, le culte tout entier l’était du même coup ; ce qui était considéré comme une grande calamité (Daniel 8.11). Rien n’est prescrit sur l’heure où devait être immolé l’agneau du matinh : l’autre l’était entre les deux soirs (Exode 29.39, 41). Cette expression, que nous retrouvons dans la loi pascale, a été comprise assez différemment. Les Caréites s’appuyant sur Deutéronome 16.6, ainsi que les Samaritains et Aben-Esra, pensent que le premier soir, c’est le coucher du soleil, et le second, le moment où la nuit est close. Les Pharisiens disent que le coucher du soleil est déjà le second soir, et qu’il faut entendre par le premier, le moment où il commence à décliner sensiblement, à peu près vers trois heures de l’après-midi. Dans le fait, c’est ainsi que les choses se passaient dans le temple ; la Mischna Pesachim, 5.1, rapporte que l’holocauste du soir s’immolait une demi-heure après la huitième heure, ainsi donc à 2h 30 et s’offrait à 3h 30. Kimchi et Raschi sont d’une autre opinion encore et prétendent que le coucher du soleil était la limite qui séparait les deux soirs. Le premier soir aurait appartenu au jour qui expirait, et le second au jour qui commençait. Voyez, par exemple, Lévitique 23.32 : « Au neuvième jour du mois, au soir, depuis un soir jusqu’à l’autre soir, vous célébrerez votre jour de repos. » Cela expliquerait aussi 1 Samuel 30.17 : « Depuis l’aube jusqu’au soir qui ouvrait le lendemain, David chargea les Hamalékites. »
g – Cette ordonnance est répétée en Nombres 28.3, 8.
h – C’était dès qu’il faisait jour, d’après la Mischna Thamid. III, 2.
[Le mot Arebbayim, ערבים, est fort propre à exprimer ce partage du soir en deux. Tsaarayim, טהרים, qui signifie proprement une paire de lumières, désigne le milieu du jour, le midi, comme se composant du temps qui précède et de celui qui suit le moment où le soleil est le plus brillant.]
L’holocauste du soir devait brûler toute la nuit (Lévitique 6.9). L’encens était offert sur l’autel d’or aux mêmes heures probablement que l’holocauste continuel l’était sur l’autel d’airain ; heures de prière, ainsi que cela résulte de Daniel 9.21 ; Actes 3.1, car tout holocauste était, plus ou moins régulièrement accompagné d’un acte d’adoration (2 Chroniques 29.27-30). A l’holocauste du soir et du matin, on joignait toujours l’offrande d’un dixième d’épha de fleur de farine et d’un quart de hin de vin.
[C’était entre cette offrande et cette libation qu’avait lieu, d’après la tradition, l’offrande sacerdotale dont il est parlé en Lévitique 6.19-23, et Siracide 45.14, 17. Keil doute que ce sacrifice dût être renouvelé chaque jour. Mais c’est à tort. Josèphe Ant. 3.10, 7. dit que le grand-prêtre devait la fournir à ses propres dépens, ce qui ne mériterait pas d’être mentionné s’il s’agissait d’une offrande qu’il ne dût faire qu’une fois pour toutes le jour de sa consécration.]
Chaque jour de sabbat, à chaque nouvelle lune et au commencement de chaque fête solennelle, l’holocauste ordinaire était renforcé (Nombres 28.9 et sq.), dans les circonstances extraordinaires, comme 1 Rois 3.4 ; 1Chr.29.21, on offrait jusqu’à mille holocaustes.
Nous pouvons, grâces à 2 Chroniques 29.27-30, nous représenter assez vivement comment les choses se passaient dans le temple lors d’une de ces grandes solennités. Dès que les sacrifices commençaient, un chœur de Lévites entonnait un Psaume, avec accompagnement de trompettes. Aussi longtemps que les sacrifices duraient, l’assemblée était là en prière ; à la fin, elle se jetait à genoux et elle recevait sans doute en ce moment, la bénédiction sacerdotale.
[Il était conforme à la nature de l’holocauste qu’il fût souvent uni à d’autres sacrifices d’une signification plus spéciale. Dans les cérémonies proprement expiatoires, il suivait le sacrifice pour le péché ou le délit. Dans les grandes solennités publiques, c’était par les holocaustes que l’on commençait ; ils servaient de préparation aux sacrifices de prospérité.]
Les étrangers désireux d’honorer l’Éternel pouvaient lui offrir des holocaustes aux mêmes conditions que les Israélites (Lévitique 17.8 ; 22.18, 25). Après Alexandre le Grand, il arriva assez souvent que des rois païens demandèrent, aux Juifs de présenter des holocaustes en leur faveur. Auguste, entre autres, institua pour son compte dans le temple de Jérusalem un holocauste perpétuel et quotidien de deux agneaux et d’un taureau (Philon, Leg. ad Gaj. § 40). Les prêtres, en y consentant, avaient fait acte de soumission au pouvoir impérial. (Jos. c. Apocalypse 2.6) ; c’est pourquoi lorsque, au commencement de la guerre judaïque, les prêtres se refusèrent à offrir désormais aucun sacrifice en faveur de quelque étranger que ce fût, chacun vit dans cette mesure une rupture ouverte avec Rome (Jos. Bel. jud. 2.17, 2).