Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE X

CHAPITRE IV
Mort d'Amos après deux ans de règne ; son fils Josias lui succède à l'âge de huit ans ; piété de Josias, il restaure le Temple ; découverte des Livres saints de Moïse dans le sanctuaire ; la prophétesse Hulda prédit la déportation du peuple après la mort de Josias ; Josias fait la lecture de la Loi au peuple assemblé à Jérusalem ; il anéantit le culte des faux dieux instaurés par Jéroboam et fait brûler les ossements des faux prophètes ; il extirpe les idoles des Israélites ; il célèbre la Pâque en grande pompe à Jérusalem.

Mort d’Amos ; avènement de Josias ; ses vertus ; réformes religieuses et judiciaires ; réfection du Temple.

1.[1] Ce roi, qui imita les péchés auxquels son père s’était livré dans sa jeunesse, fut victime d’un complot tramé par ses propres serviteurs ; il périt dans sa maison, à l’âge de vingt-quatre ans, après deux ans de règne. Le peuple châtia ses meurtriers et ensevelit Amos avec son père. La royauté fut transmise à son fils Josias[2], âgé de huit ans, dont la mère, appelée Yédis, était de la ville de Boskéthi[3]. Ce prince avait un beau caractère et d’heureuses dispositions à la vertu ; jaloux d’imiter[4] les mœurs du roi David, il prit celui-ci pour idéal et pour modèle de toute la conduite de sa vie. Dès l’âge de douze ans, il manifestait sa piété et sa vertu : il morigénait le peuple, le conjurait de renoncer à croire aux idoles, qui n’étaient pas des dieux, et de révérer le Dieu de ses pères ; de plus, contrôlant les actes de ses ancêtres, il corrigeait leurs erreurs avec l’intelligence d’un homme âgé et très capable de comprendre son devoir ; mais ce qu’il trouvait bien fait et opportun, il le conservait et l’imitait. En tout cela, il était guidé par sa sagesse et son bon sens naturels ; il obéissait aussi aux conseils et à la tradition des Anciens. En se conformant aux lois, il réussit à merveille dans l’aménagement de l’État et du culte envers la Divinité, car les impiétés de ses prédécesseurs ne se rencontraient plus et avaient entièrement disparu. En effet, Josias parcourut la ville et tout le pays, faisant couper les bocages dédiés aux dieux étrangers et abattant leurs autels, et s’il se trouvait quelque offrande consacrée par ses ancêtres, il l’arrachait avec un souverain mépris. En cette manière, il éloigna le peuple de sa croyance en ces idoles pour le ramener au culte du vrai Dieu et fit offrir les victimes coutumières et les holocaustes sur son autel. Il nomma, d’autre part, des juges et des surveillants, qui devaient régler les différends de chacun, en s’attachant par dessus tout à la justice et en la tenant aussi chère que leur vie. Puis il envoya par tout le pays demander à qui voulait d’apporter de l’or et de l’argent pour la réfection du Temple, chacun selon sa volonté ou ses moyens. Les fonds rassemblés, il commit aux travaux du Temple et à la dépense nécessaire le gouverneur de la ville, Amasias[5], le scribe Saphan, le secrétaire des archives Yoatès[6] et le grand-prêtre Eliakias[7], lesquels, sans ajournement ni délai, procurèrent les architectes et tout ce qu’il fallait pour la réparation et se mirent à l’ouvrage. Et le Temple, ainsi restauré, fit éclater la piété du roi.

[1] II Rois, XXI, 20 ; II Chroniques, XXXIII, 21.

[2] II Rois, XXII, 1 ; II Chroniques, XXXIV, 1.

[3] Hébreu : Yedida, de Bocekat ; LXX : Ίεδία... έx Βασουρώθ.

[4] II Chroniques, XXXIV, 3.

[5] Hébreu : Maacèyahou ; LXX : Μαασά.

[6] Hébreu : Yoah ; LXX : Ίουάχ.

[7] Hébreu : Hilkiyya ; LXX : Χελxίας.

Découverte des Livres Saints ; consultation de la prophétesse Hulda ; prédiction de la ruine de Juda.

2.[8] Il était dans la dix-huitième année de son règne quand il fit prier le grand-prêtre Eliakias de faire fondre le reliquat de l’argent recueilli pour fabriquer des cratères, des patères et des coupes pour le service divin ; il commandait d’apporter en outre tout ce qu’il y avait d’or et d’argent dans les troncs et de le dépenser semblablement à la confection de cratères et d’ustensiles de même genre. Le grand-prêtre Eliakias, en recueillant l’or, met la main sur les Livres saints de Moïse déposés dans le sanctuaire ; il les en retire et les remet au scribe Saphan. Celui-ci, les ayant lus, vient trouver le roi ; il lui annonce que tout ce qu’il a prescrit est achevé, et il lui donne aussi lecture de ces Livres. A cette lecture, Josias déchira ses vêtements, manda le grand-prêtre Eliakias et l’envoya, en compagnie du scribe et de quelques-uns de ses plus intimes amis, vers la prophétesse Olda, épouse de Salloum(os), l’un des plus distingués et des plus nobles citoyens. Ils devaient, arrivés chez elle, l’inviter à supplier Dieu et à essayer de le rendre propice ; car il était à craindre qu’en punition des infractions aux lois de Moise commises par leurs ancêtres, ils ne fussent eux-mêmes déportés, et qu’arrachés à leur patrie pour s’échouer à l’étranger, privés de tout, ils ne perdissent misérablement la vie. La prophétesse, ayant ouï cette communication des messagers du roi[9], les chargea pour lui de cette réponse : « La divinité avait déjà porté contre eux une sentence dont nulle prière ne pouvait obtenir la révocation, à savoir que le peuple périrait, serait chassé de son pays et privé de tous ses biens présents pour avoir violé les lois sans s’être repenti, malgré le long temps écoulé, bien que les prophètes les eussent exhortés à la sagesse et eussent prédit le châtiment de leurs impiétés. Ce châtiment, il le leur ferait subir en tout cas, afin de les persuader que Dieu existe et qu’il n’y a rien que de véritable dans tout ce qu’il leur avait fait annoncer par les prophètes. Toutefois, par égard pour Josias, qui s’était montré vertueux, il ajournerait encore cette catastrophe ; c’est après la mort du roi que les maux qu’il avait décrétés s’abattraient sur le peuple. »

[8] II Rois, XXII, 3 ; II Chroniques, XXXIV, 8 ; dans la Bible, il n’est pas parlé de fabriquer des vases et cratères.

[9] Texte corrompu.

Josias lit la Loi au peuple réuni dans Jérusalem ; serment de fidélité ; épuration du culte du Temple.

3.[10] Quand cette femme eut ainsi prophétisé, ils vinrent rendre compte au roi. Celui-ci envoya partout des messagers pour ordonner au peuple, ainsi qu’aux prêtres et aux Lévites, de se réunir à Jérusalem, enjoignant à tous les âges d’avoir à y paraître. Quand ils furent rassemblés, il commença par leur lire les saints Livres ; puis, debout sur l’estrade[11] au milieu du peuple, il les obligea de promettre sous serment de révérer Dieu et d’observer les lois de Moïse. Ceux-ci s’empressèrent d’acquiescer à son désir et se retirèrent pour accomplir les prescriptions du roi. Sur-le-champ, ils immolent les victimes, célèbrent les rites sacrés et supplient Dieu de se montrer propice et miséricordieux envers eux. Josias enjoignit aussi au grand-prêtre de jeter hors du Temple tout ce qui s’y trouverait encore de vases offerts par ses ancêtres aux idoles et aux dieux étrangers. On en ramassa un grand nombre ; il les fit brûler, en dispersa la cendre et mit à mort les prêtres des idoles, lesquels n’étaient pas de la race d’Aaron[12].

[10] II Rois, XXIII, 1 ; II Chroniques, XXXIV, 29.

[11] « Devant la colonne » (Bible).

[12] Addition personnelle au texte de l’Écriture (II Rois, XXIII, 5).

Abolition du culte établi par Jéroboam.

4.[13] Ayant accompli ces actes à Jérusalem, Josias se rendit dans le pays, y anéantit tout ce qui avait été institué par le roi Jéroboam en l’honneur des dieux étrangers et fit brûler les ossements des faux prophètes sur l’autel qu’avait, le premier, érigé Jéroboam. Tout cela, nous l’avons dit, un prophète[14], qui était venu trouver Jéroboam en train de sacrifier et en présence de tout le peuple, l’avait annoncé d’avance, prédisant qu’un homme de la race de David, nommé Josias, ferait ce que je viens de raconter[15]... Cette prédiction se réalisa ainsi après un laps de trois cent soixante et un ans[16].

[13] II Rois, XXIII, 15.

[14] Quelques mss. (L, V) ajoutent ici le nom Achias, alors que, plus haut (VIII, 231), Josèphe a nommé Yadon. La Bible ne nomme pas le prophète.

[15] Lacune dans le texte.

[16] Addition de Josèphe.

Extirpation complète de l’idolâtrie ; célébration solennelle de la Pâque.

5.[17] Après ces événements, Josias se rendit aussi auprès de ceux des Israélites qui avaient échappé à la captivité et à la servitude imposées par les Assyriens, les persuada de renoncer à leurs pratiques impies, de cesser de rendre hommage aux dieux étrangers, de révérer le Dieu de leurs pères, le Dieu suprême, et de s’attacher à celui-ci. En outre, il inspecta les maisons, les bourgades et les villes, dans la crainte que quelqu’un ne recelât chez lui quelque idole. Bien plus, il enleva les chars[18] qu’avaient fabriqués ses ancêtres...[19] et tous les objets analogues qu’ils adoraient comme des dieux. Ayant ainsi purifié tout le territoire, il convoqua le peuple à Jérusalem ; là il célébra la fête des Azymes[20], dite aussi la Pâque, et il donna au peuple (pour le sacrifice pascal) trente mille chevreaux et agneaux de lait et trois mille bœufs pour les holocaustes. Les premiers d’entre les Hébreux fournirent aussi aux prêtres, en vue de la Pâque, deux mille six cents agneaux[21], et les chefs des Lévites donnèrent à ceux-ci cinq mille agneaux et cinq cents bœufs. Grâce à cette profusion inépuisable de victimes sacrées, ils accomplirent les sacrifices selon les lois de Moise, les patres expliquant à chacun ces rites et servant la multitude. Si nulle autre fête n’avait été célébrée de la sorte chez les Hébreux depuis l’époque du prophète Samuel, c’est que cette fois tout fut accompli conformément aux lois et aux rites anciens de la coutume nationale. Josias ayant vécu, après ces événements, dans la paix, dans la prospérité et le respect de tous, perdit la vie dans les circonstances suivantes.

[17] II Rois, XXIII, 19.

[18] II Rois, XXIII, 12.

[19] Les mots τά τοϊς βασιλενομένοις έφεστώτα sont corrompus et inintelligibles. Il s’agit des chars du soleil (Rois, XXIII, 11). Peut-être τοϊς βασιλείοις « dressés devant le palais royal ».

[20] II Rois, XXIII, 21 ; II Chroniques, XXXV, 1. L’expression « fête des azymes » ne se trouve que dans la Chronique (v. 17) ; Rois ne parlent pas de cette fête des azymes.

[21] Hébreu (Chroniques, V, 8) ajoute : et trois cents bœufs.

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