זבח השלמים, Zébach hashelamimi, tel est le nom hébreu des sacrifices de prospérité. Quel en est le sens ? S’il vient du Kal, שלם, Shalamj, être entier, intègre, il désigne un sacrifice offert par une personne qui soutient de bons rapports avec l’Éternel, qui est en paix avec Dieu. Ainsi dans Psaumes 7.5, שלמי, Sholemi, signifie : une personne qui est en paix avec moi. Tel est le sens qu’ont attaché à ce mot les Septante, qui l’ont rendu ordinairement par εἰρηνικὴ θυσία quelquefois par σωτήριον (sacrificia pacifica, Vulgate)k. Que les sacrifices de prospérité soient des sacrifices de paix, c’est ce qui est hors de doute, et cela résulte particulièrement du fait que dans les solennités où l’on offre plusieurs espèces de sacrifices, ils précédent toujours les sacrifices expiatoires et les holocaustes (Lévitique 9.12 ; Nombres 6.16).
i – Ce pluriel a le sens du singulier. Il est employé lors même qu’il n’est question que d’un sacrifice de cette espèce. Le singulier Shélem, שלם, ne se trouve qu’une fois dans tout l’A. T. C’est dans Amos 5.22.
j – C’est l’opinion des Rabbins et, parmi les modernes, de Neumann. Sacra, N. T. salutaria. 1854, page 18. sq.
k – Le mot de pacifia a un inconvénient : il suppose que la paix est troublée et qu’elle doit être rétablie par ce sacrifice, ce qui n’est aucunement le cas.
Cependant je préfère rattacher השלמים, Hashelamim, au Pihel, Shillem, שלם vis-à-vis duquel le substantif Shélem se trouve absolument dans la même relation que Kopher (expiation), vis-à-vis de Kipper (expier). Or, Shillem signifie restituer, rendre, rémunérer. Les sacrifices de prospérité seraient ainsi des sacrifices d’actions de grâce et de reconnaissance, mais d’une reconnaissance parfois anticipée, car, nous voyons les Israélites offrir des Shelamim à l’ouverture d’une campagne (1 Samuel 13.9), ou même après de graves revers, dans la confiance que ce seront les derniers et que l’Éternel va se rapprocher de son peuple (Juges 20.26 ; 21.4 ; 2 Samuel 24.25). Offrir un sacrifice de prospérité est d’une manière générale un acte de réciprocitél : c’est reconnaître qu’on n’est redevable qu’à Dieu des biens qu’on a reçus ou qu’on attend de Lui. Ne voyons-nous pas souvent dans les Psaumes que David remercie Dieu à l’avance pour le secours qu’il se promet de sa bonté ? En faveur de cette seconde étymologie, on peut faire valoir le fait que le Pihel, Shillem, est l’expression consacrée pour dire que l’on a offert des sacrifices de prospérité, ou des sacrifices volontairesm (Deutéronome 23.22), ou encore des sacrifices de louangen. Cependant, il ne faut pas laisser complètement de côté la notion de sacrifice de paix ; pour nous résumer, disons que le sacrifice de prospérité suppose entre celui qui l’offre et l’Éternel de bons rapports, une relation normale, en sorte que l’on peut rendre grâces à Dieu des bienfaits qu’on a déjà reçus, ou qu’on ne manquera pas de recevoir bientôt de Lui.
l – Dans Ésaïe 1.23 ; Michée 7.3, Shalemonim et Shilloum désigne un présent donné à un juge pour attirer sa faveur.
m – Nedarim, qui ne sont qu’une variété de sacrifices de prospérité.
n – Tôdôt (Psaumes 56.13). Voyez aussi Osée 14.3 : Shillem parim, offrir des taureaux en sacrifice de prospérité.
Quant au mot Zébach, זבח, il signifie immolation en vue d’un repas (Lévitique 17.3 et sq. ; Deutéronome 12.15). Ce nom convient donc tout particulièrement au sacrifice de prospérité, dont la spécialité est le repas qui le couronne, absolument comme la spécialité de l’holocauste, c’est le fait que la victime tout entière est déposée et consumée sur l’autel. Le Pentateuque est fidèle à ce sens spécial de Zébach ; il n’emploie jamais ce mot en parlant des sacrifices expiatoires. Au reste, les autres livres de l’A. T. le font-ils ? C’est ce qu’il faudrait encore prouver. On a cité Psaumes 51.18. Mais il se peut fort-bien qu’il faille y voir précisément des sacrifices de reconnaissance offerts par le pécheur rentré en grâce ; et il en est de même de Jérémie 7.22, ainsi que le prouve le v. 21, et de Jérémie 17.26. Tout ce qu’on peut dire, c’est que Zébach a un sens plus large dans le reste de l’A. T. que ce n’est le cas dans le Pentateuque, et qu’il y désigne quelquefois les sacrifices sanglants d’une manière toute générale.
Maintenant, combien de sacrifices divers faut-il ranger sous cette commune désignation de Shelamim ? Deux, répond Hengstenberg, car, c’est une erreur que de voir dans les sacrifices de louange, dont parle Lévitique 7.12, une espèce particulière de sacrifices de prospérité ; c’est un autre nom du sacrifice de prospérité, un nom qui sert à marquer les sentiments qui animent, ceux qui l’offrent. Il ne resterait donc en fait de Shelamim, que les vœux et les offrandes volontaires (Lévitique 7.16 ; 22.18,21), qui sont tous deux inspirés par la reconnaissance (Psaumes 54.8 ; 56.13 ; 116.18). Mais impossible avec cette manière de voir de ne pas faire violence à Lévitique 7.15, pour l’accorder avec v. 16 à 18 : au v. 15, il ne faut rien laisser de la chair de la victime jusqu’au matin ; au v. 16, on prévoit le cas où il en resterait quelque chose. D’ailleurs, dans Lévitique 23.37 ; Deutéronome 12.6, nous trouvons une troisième espèce de sacrifice de prospérité mentionnée à côté des vœux et des offrandes volontaires. J’admets donc trois sortes de Shelamim :
- זבח תודה, les sacrifices de louange et de reconnaissance, (Lévitique 7.13,15) ;
- נדר, les sacrifices votifs ;
- נדבה, les offrandes volontaires.
Les premiers se distinguaient uniquement des deux autres par le fait qu’ils n’étaient ni l’accomplissement d’un vœu, ni un témoignage de reconnaissance pour quelque prière exaucéeo. Les sacrifices votifs au contraire, s’offraient après qu’on avait obtenu quelque délivrance signalée ; on pouvait aussi présenter son sacrifice au moment même où l’on faisait son vœu. Les sacrifices volontaires enfin étaient des dons tout à fait libres ; ils n’étaient occasionnés par aucune circonstance extérieure ; c’était un Israélite qui tout à coup se sentait pressé de témoigner à Dieu la reconnaissance qui remplissait son cœur. Voyez Deutéronome 16.10 ; Exode 25.2 ; 35.29p. On comprend après cela que la loi fut moins difficile pour les sacrifices volontaires que pour les deux autres, et qu’elle permit d’y employer des animaux ayant quelque défaut (Lévitique 22.23).
o – C’était un témoignage de reconnaissance pour un bienfait tout à fait immérité et inattendu. Aussi occupait-il le premier rang parmi les sacrifices de prospérité.
p – Il n’y avait donc ici ni vœu, ni motif particulier. Au reste, en tout ceci on en est réduit aux conjectures.
[Les offrandes pour la construction du sanctuaire et pour la confection de ses ustensiles, sont aussi une sorte de sacrifices volontaires (Exode 25.2 ; 35.21). — Pour les sacrifices de prospérité, on pouvait employer des victimes des deux sexes (Lévitique 3.6) ; cependant les mâles étaient préférés (Lévitique 9.4,18 ; Nombres 7.17, sq.). Les pigeonneaux et les tourterelles n’y figurent jamais. — Les sacrifices de prospérité avaient aussi leurs offrandes et leurs libations, car il ressort de Nombres 15.3 et sq., que ce qui est dit des sacrifices de louange dans Lévitique 7.12, s’applique également aux sacrifices votifs et aux sacrifices volontaires.]