Histoire de l'Église - Théodoret de Cyr

LIVRE V

CHAPITRE IV
ORDINATION DE PLUSIEURS ÉVÊQUES. MORT D'EUSÈBE ÉVÊQUE DE SAMOSATE

Lorsqu'Apollinaire se vit privé de la conduite de l'Église, il publia la doctrine qu'il avait inventée, et se fit Chef de parti. Il passait la plus grande partie de l'année dans Laodicée. Il avait ordonné dès auparavant dans Antioche Vital, qui était un homme élevé dans la piété, et dans la doctrine des Apôtres, mais qui s'était depuis laissé corrompre par le poison de l'erreur. Mélèce imposa les mains à Diodore, dont nous avons ci-devant parlé, qui avait sauvé le vaisseau de l'Église au milieu d'une furieuse tempête, le plaça sur le Siège Épiscopal de Tarse, et le chargea de la conduire de la Cilicie. Il donna le gouvernement des fidèles d'Apamée, à Jean, issu d'une race noble, mais plus illustre par l'éclat de sa vertu, que par la gloire de ses ancêtres, et également recommandable par l'éminence de sa doctrine, et par la pureté de ses mœurs. Il avait présidé à l'assemblée des fidèles dans le temps de la persécution, et avait été secondé dans ce laborieux emploi par Étienne, homme d'un rare mérite, que Mélèce envoya à la ville de Germanicie, comme un savant Médecin, pour guérir les âmes qui étaient infectées des erreurs d'Eudoxe. L'espérance que Mélèce avait conçue des excellentes qualités de ce personnage ne fut point vaine. Car par sa prédication il changea les loups en brebis. Eusèbe étant retourné du lieu de son exil sacra Acace, dont le nom est illustre Évêque de Bérée et Théodote dont la vertu est connue de tout le monde, Évêque de Jérapole. Il sacra aussi Eusèbe Évêque de Calcidice, et Isidore Évêque de Tyr. C'étaient deux hommes dont le cœur brûlait du zèle de la gloire de Dieu. On dit qu'il sacra aussi Euloge Évêque d'Edesse. Cet Euloge avait généreusement défendu la doctrine des Apôtres, et avait été relégué avec Protogène à la ville d'Antinoüs. Barsès ce Prélat si admirable était mort. Il sacra encore Protogène compagnon des combats d'Euloge, Évêque de Carras, et le laissa dans cette ville comme un sage Médecin, pour guérir les maladies spirituelles de ses habitants. Enfin il sacra Maris Évêque de Dolique petite ville infectée par le poison de l'Arianisme. Comme il y entrait pour le placer sur le Siège Épiscopal, une femme prévenue de la doctrine d'Arius, lui jeta une tuile sur la tête, dont il mourut. Il obligea ceux qui étaient présents de lui promettre avec serment, de ne point rechercher la femme qui l'avait blessé, pour imiter autant qu'il lui serait possible, son maître, qui pria sur la Croix pour ceux qui l'avaient crucifié, en disant :

Mon Père, pardonnez-leur, parce qu'ils ne savent ce qu'ils font, et Étienne son Collègue dans le saint Ministère, qui après avoir été couvert d'une grêle de pierres, cria :

Seigneur ne leur imputez point ce péché.

Voilà quelle fut la fin des combats, et des travaux du grand Eusèbe. Après avoir évité de tomber entre les mains des Thraces, il ne put éviter de tomber entre celles des hérétiques. Mais ces mains-là mêmes lui mirent la couronne du martyre sur la tête. Tout ce que je viens de raconter se passa depuis que les Évêques eurent été rappelés du lieu de leur exil.

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