Il y a deux espèces de vœux : les uns, Néder, נדר, consistent à consacrer quelque chose à l’Éternel ; les autres, Issar ou Esçar, אסר, à s’abstenir de quelque jouissancea (Nombres 30.3 et sq.)b. Le premier vœu positif (Néder) que nous trouvions dans la Bible est celui de Jacob à Béthel (Genèse 28.20-22). Le patriarche s’engage à avoir l’Éternel pour Dieu et à faire de Béthel un lieu de culte, s’il le garde dans son voyage. On pouvait consacrer à l’Éternel des fonds de terre, des animaux, diverses personnes, sa propre personne. Anne voue à l’Éternel son fils Samuel, et c’est probablement ainsi que s’explique l’existence des femmes attachées au sanctuaire, dont il est parlé dans Exode 38.8 ; 1 Samuel 2.22c. Quand on avait voué à l’Éternel des personnes ou des fonds de terre, on pouvait les racheter et en donner à l’Éternel la valeur ; quand on avait voué des animaux impurs, le rachat était, obligatoire (Lévitique 27.1-25).
a – Les premiers, au nombre desquels sont les sacrifices votifs dont nous avons parlé au § 132, sont plutôt positifs, les autres négatifs. — Nombres 6.5, est le seul passage où Néder soit pris dans le sens négatif.
b – Nombres 30.14 appelle le vœu d’abstinence un serment qui oblige à affliger son âme.
c – Nous ne parlons pas ici de la fille de Jephté, qui fut positivement immolée, ainsi que nous le verrons au commencement de la 2e partie de cet ouvrage.
[Saalschutz, dans son Droit mosaïque, page 363, émet l’opinion que le rachat était également nécessaire quand c’étaient des personnes que l’on avait vouées, et qu’ainsi les vœux de cette nature revenaient à donner une certaine somme d’argent au sanctuaire. Mais 1 Samuel 1.11, 22, 28. — Le prix de rachat des personnes était fixé par la loi et il différait d’après l’âge et la fortune ; le prix de rachat des animaux impurs, des maisons et des propriétés était estimé par les prêtres. La valeur des propriétés variait suivant le nombre d’années qui devaient s’écouler encore jusqu’à la prochaine année de jubilé. Quand on usait du droit de rachat, il fallait encore payer en sus un cinquième de la valeur. Quand il s’agissait d’une propriété héréditaire, et qu’elle n’était pas rachetée par celui qui avait fait le vœu, elle pouvait être vendue à quelqu’autre, et au jubilé elle ne faisait pas retour à l’ancien propriétaire, mais elle était dévolue aux prêtres (v. 20). Si, au contraire, la propriété avait été primitivement acquise à prix d’argent par celui qui l’avait vouée à l’Éternel, et qui ne la rachetait pas, elle lui revenait au prochain jubilé (v. 22, 24).]
Les animaux purs devaient être sacrifiés (v. 9). Il va de soi que ce qui appartenait déjà à l’Éternel d’une autre façon, comme les premiers-nés des bêtes (v. 26), ne pouvait pas faire l’objet d’un vœu, pas plus que des objets souillés (Deutéronome 23.18)d ; car, ce qui est maudit ne peut pas être consacré à l’Éternel, mais seulement חרם, c’est-à-dire interdit, retranché, exclu du milieu où la vie peut se développer.
d – Le prix d’un chien, argent gagné par des souillures contre nature. Voyez aussi l’interprétation de Josèphe Ant. 4.8, 9 : επ᾽ ὀχεύσει κυὸς.
L’interdit, car c’est ici le lieu d’en parler, pouvait être prononcé par Dieu, sous la forme d’un commandement, ou par un homme, sous la forme d’un vœu (Nombres 21.2 ; Lévitique 27.28 et sq.). Nul interdit, voué à l’Éternel par qui que ce fût, ne pouvait être racheté. Si l’objet voué à l’interdit était un être vivant, il devait être tué (v. 29) ; si c’était une pièce de terre, on ne pouvait ni la racheter, ni la vendre, elle devenait la propriété des prêtres (v. 21). C’est à cause de cette impossibilité d’échapper à la juste vengeance de l’Éternel, que les objets voués à l’interdit sont appelés quelquefois très saints, quoiqu’ils fussent en réalité tellement souillés que leur destruction n’était pas seulement permise, mais obligatoire. Une personne ou une ville se livrait-elle à l’idolâtrie, il fallait bon gré mal gré la traiter à la façon de l’interdit (Deutéronome 13.16 ; Exode 22.19-20). C’était dans de pareils cas une manière excellente, mais la seule, de montrer son zèle pour la gloire de l’Éternel.
De tous les vœux qu’on pourrait appeler négatifs et par lesquels on s’engage à s’abstenir de quelque jouissance, le plus ordinaire est celui qui consiste à se priver volontairement de nourriture. Chez les Israélites, à l’exception du jour des Expiations (Lévitique 16.29 ; 23.27. § 140), le jeûne n’était point réglementé. On jeûnait quand on en sentait le besoin, quand on était vivement pressé par le sentiment de ses péchés (1 Samuel 7.6 ; Jonas 3.7), quand on était dans le deuil. Ce n’est qu’après l’exil que les jours de jeûne annuel commencèrent à se multiplier, comme nous le verrons plus tard. Humilier, courber son âme, ענות נפש, telle est l’expression consacrée dans le Pentateuque pour désigner le jeûne (le mot צום, Tsoum n’apparaît que plus tard). Et en effet, un jeûne sérieux brise la volonté, mâte la nature.
Au reste, il est assez remarquable, et cela témoigne en faveur de l’esprit moral du Mosaïsme, que toute pratique ascétique compromettant la dignité humaine, mutilation, tatouage, incisions, est sévèrement interdite ; car, dit Moïse en Deutéronome 14.1, tu es un peuple saint (Lévitique 19.28 ; Deutéronome 23.2). Les eunuques sont exclus de l’assemblée de l’Éternel.
Pourquoi la loi permet-elle les vœux ? Quel profit en attend-elle pour ceux qui en font ? L’obligation que l’on contracte ainsi vient au secours de la faiblesse humaine et obvie aux inconvénients qui résultent des revirements de la volonté naturelle. Accompagnée d’un vœu, une prière a un sérieux tout particulier ; une bonne résolution, une force qu’elle n’aurait point sans cela. Cependant, l’A. T. ne considère jamais les vœux comme ayant rien de méritoire. « Quand tu t’abstiendras de faire des vœux, il n’y aura point de péché en toi. » (Deutéronome 23.22) Ce qu’il importe, ce n’est pas de faire des vœux, mais de tenir ceux que l’on a faits (Nombres 30.3 ; Deutéronome 23.21,23).
[On a conclu de ces passages que pour être valable un vœu devait avoir été prononcé, articulé. Il est clair que ce n’était qu’à cette condition qu’il pouvait être contrôlé. Mais serait-il conforme au sérieux moral du Mosaïsme, qu’un vœu tel que, par exemple, celui de Anne (1 Samuel 1.13) eût pu n’avoir aucune valeur et ne constituer aucune obligation ?]
Les vœux faits par une fille qui est encore dans la maison de son père, ou par une femme mariée, ne sont valables que si le père ou le mari n’ont pas déclaré s’y opposer (Nombres 30.4). Les engagements pris au contraire par une veuve ou une femme divorcée, ont force de loi par eux-mêmes. Il est assez curieux que Nombres ch. 30, qui traite avec tant de détails la question des vœux, ne dise rien de ceux que pouvaient faire des fils vivant encore sous le toit paternel.
Les Proverbes (Proverbes 20.25), et l’Ecclésiaste (Ecclésiaste 5.3-5), mettent très sérieusement en garde contre les vœux faits à la légère et d’une manière précipitée. Les Grecs regardaient les vœux comme une sorte de traité conclu avec la Divinité, qui se trouvait plus ou moins obligée de bénir celui qui avait ainsi pris envers elle des engagements volontaires. Il y a bien quelque chose de pareil dans l’A. T., par exemple, dans Genèse 28.20. Mais que dit à cet égard le Psaumes 66 ? Après avoir, v. 13 à 15, parlé de l’accomplissement des vœux, le psalmiste remarque, v. 18, que malgré tout, s’il eût pensé quelque iniquité dans son cœur, le Seigneur ne l’eût point écouté. C’est ainsi encore que Psaumes 50.14 dit hardiment, que la seule vraie manière de rendre des vœux à l’Éternel, c’est de lui témoigner une reconnaissance sincère.
[La Mischna, dans le traité Nedarim, cherche à déterminer toutes les formes que peuvent revêtir les vœux et les divers degrés d’obligation qui résultent de ces diverses formes. C’est tout une casuistique, dont on peut se faire quelque idée par Matthieu 15.5 ; Marc 7.11.]