[1] Il aurait beaucoup à dire, celui qui tenterait de donner à loisir et par écrit la vie du héros, et un pareil sujet demanderait un ouvrage spécial. Toutefois, pour le moment, nous résumerons la plupart des faits aussi brièvement que possible, et le peu que nous raconterons de lui, nous l'exposerons d'après diverses lettres et le récit de ses amis qui ont vécu jusqu'à nous.
[2] En ce qui concerne Origène, même les langes de son berceau, pour ainsi dire, me paraissent dignes de mémoire. Sévère était donc à la dixième année de son règne, Laetus gouvernait Alexandrie et le reste de l'Égypte ; d'autre part, Démétrius avait tout récemment alors reçu, après Julien, l'administration des églises de ce pays. [3] Le feu de la persécution allait grandissant, et des milliers de chrétiens avaient ceint la couronne du martyre. Un tel désir du martyre s'empara de l'âme d'Origène encore tout jeune enfant, qu'aller à la rencontre des dangers, bondir et s'élancer au combat lui était une joie. [4] Alors, pour lui tout au moins, le terme de la vie fut proche ; mais la divine et céleste Providence, en vue du bien d'un grand nombre, se servit de sa mère pour dresser un obstacle à son empressement. [5] Celle-ci commença donc par le conjurer par ses paroles ; elle l'exhortait à prendre pitié de l'amour maternel qu'elle lui portait ; mais le voyant plus fortement se raidir, lorsque, après avoir appris que son père était arrêté et en prison, il se donnait tout entier à son élan vers le martyre, elle lui cacha tous ses habits et lui imposa ainsi de rester forcément à la maison. [6] Mais lui, n'ayant plus la possibilité de faire autre chose, et son ardeur croissant au-dessus de son âge, il ne put demeurer inactif ; il envoya à son père une lettre très fort exhortant au martyre, dans laquelle il l'encourage et lui dit expressément : « Fais attention de ne pas prendre un autre parti à cause de nous. » Voilà ce qui est à consigner comme la première preuve de la vivacité d'intelligence d'Origène enfant, et de ses dispositions très franches à l'égard de la religion.
[7] Il avait déjà, en effet, jeté des bases sérieuses pour les sciences de la foi en s'exerçant aux saintes Écritures dès ses premières années ; ce qui est sûr, c'est qu'il s'y appliquait sans réserve ; son père, en outre du cycle de l'enseignement des enfants, s'en préoccupait pour lui autrement que d'un accessoire. [8] Par-dessus tout, avant de donner son soin aux enseignements païens, il l'amenait à s'exercer aux connaissances sacrées et il exigeait chaque jour de lui des récitations et des comptes rendus. [9] L'enfant n'y avait aucune répugnance, il s'y appliquait même avec un zèle excessif, si bien qu'il ne se contentait pas, pour les saintes Écritures, du sens obvie et qui est à la portée de la main, mais il cherchait plus loin, et déjà dès ce temps il s'occupait avec soin de théories plus profondes. Il suscitait même, de la sorte, des difficultés à son père, quand il lui demandait ce que voulait exprimer le sens des mots de l'Ecriture inspirée de Dieu. [10] Léonide, en apparence et devant lui, le réprimandait, l'exhortant à ne rien chercher qui fût au-dessus de son âge, ni qui dépassât le sens qui apparaissait. Mais à part lui, il se réjouissait grandement, il rendait les plus profondes actions de grâces à Dieu, source de tous biens, parce qu'il l'avait jugé digne d'être le père d'un pareil enfant. [11] On dit qu'alors il allait souvent près de lui pendant son sommeil, lui découvrait la poitrine, et comme si l'Esprit divin en avait consacré l'intérieur, la baisait avec respect et s'estimait heureux de son bonheur de père. Voilà, avec d'autres traits analogues à ceux-ci, ce qu'on raconte d'Origène enfant.
[12] Lorsque son père mourut martyr, il resta seul avec sa mère et six frères plus petits, n'ayant pas plus de dix-sept ans. [13] Le bien de son père fut confisqué par les agents du lise impérial, et lui-même, avec ses parents, se trouva dans le besoin des choses nécessaires à la vie. Il fut jugé digne d'être l'objet de la providence de Dieu. Il fut reçu et mis hors de soucis par une femme très riche selon le siècle et du reste très remarquable. Elle traitait, il est vrai, avec égard un homme fort connu parmi les hérétiques d'Alexandrie ; celui-ci était d'Antioche par sa naissance, et cette personne l'avait avec elle comme son fils adoptif et le comblait absolument de soins. [14] Mais Origène, qui était nécessairement en rapport avec lui, donna, à partir de ce moment, des preuves éclatantes de l'orthodoxie concernant la foi : tandis qu'une foule immense, non seulement d'hérétiques mais même des nôtres, s'assemblait auprès de cet homme, parce que Paul (c'était son nom) paraissait capable dans la science, jamais Origène ne consentit à s'unir à lui dans la prière. Il garda ainsi dès l'enfance la règle de l'Église ; il éprouvait du dégoût, comme il le dit lui-même en propre terme, aux enseignements des hérésies.
[15] Son père l'avait avancé dans les études des Grecs et ce fut avec plus d'ardeur encore qu'après sa mort, il s'adonna tout à fait à l'exercice des belles lettres. Aussi bien, peu après la fin de Léonide, il posséda dans les arts grammaticaux une préparation suffisante, et en s'y consacrant, il pourvut, pour cet âge, abondamment au nécessaire de la vie.