[1] Cependant, tandis qu'il était occupé à son enseignement, ainsi qu'il le raconte encore lui-même dans ses écrits, il ne se rencontra plus personne à Alexandrie pour catéchiser ; tous se trouvaient éloignés par la menace de la persécution, et quelques-uns des païens vinrent à lui pour entendre la parole de Dieu. [2] Parmi ceux-ci, il désigne premièrement Plutarque, qui, après une vie honorable, eut l'honneur d'un saint martyre ; en second lieu, Héraclas, frère de Plutarque ; celui-ci, après avoir donné un grand exemple de vie austère et ascétique, fut jugé digne du siège épiscopal d'Alexandrie après Démétrius.
[3] Il avait dix-huit ans lorsqu'il fut mis à la tête de l'école de la catéchèse ; il y grandit dans les persécutions sous Aquila, gouverneur d'Alexandrie, et obtint alors un nom de la plus grande célébrité auprès de ceux qui sont initiés à la foi, à cause de son accueil et de son zèle à l'égard de tous les saints martyrs inconnus et connus. [4] Il les assistait en effet non seulement lorsqu'ils étaient en prison, et pendant qu'ils étaient interrogés et jusqu'à la sentence suprême, mais même ensuite, lorsqu'ils étaient conduits à la mort. Il montrait à cela une grande indépendance et allait au-devant des dangers. Aussi bien lorsqu'il s'avançait courageusement, et quand, avec une grande audace, il saluait les martyrs avec un baiser, il arriva souvent que la foule des païens qui étaient autour, entrait en fureur, et il s'en fallut peu qu'ils ne se précipitassent sur lui ; heureusement il trouva chaque fois la main de Dieu pour le secourir, et il échappa miraculeusement. [5] La même grâce divine et céleste le garda encore et bien d'autres fois, sans qu'il soit possible de dire combien, contre ceux qui lui tendaient alors des embûches à cause de sa hardiesse excessive à exposer la doctrine du Christ et de la liberté de son langage. L'hostilité des infidèles contre lui était en effet si grande, qu'ils se concentraient en masses pour aller à la maison où il demeurait, et y plaçaient tout autour des soldats, tout cela à cause de la multitude de ceux qui étaient instruits par lui des choses de la sainte foi. [6] Chaque jour la persécution contre lui était si ardente que la ville entière ne suffisait plus pour le cacher ; il allait de maison en maison, changeant de demeure, chassé de partout à cause de la foule de ceux qui venaient à lui pour l'enseignement divin qu'il donnait ; c'est qu'en lui les actes de sa vie contenaient des traits tout à fait dignes d'admiration et de la plus véritable philosophie. [7] « Telle sa parole, disait, ou, telle sa vie, et telle sa vie, telle sa parole. » C'était par là surtout, grâce à la force divine qui l'assistait, qu'il entraînait des milliers de gens à l'imiter.
[8] Quand il vit les disciples venir à lui plus nombreux, comme il était le seul auquel Démétrius, le chef de l'Église, avait confié l'école de la catéchèse, il jugea incompatible l'enseignement des sciences grammaticales avec le travail qui a pour but de donner les connaissances divines, et sans tarder il brisa avec le premier, le regardant comme inutile et opposé aux études sacrées. [9] Puis il fit une convention afin de n'être pas dans le besoin de recourir à l'aide des autres ; il céda tout ce qu'il avait jusque-là d'ouvrages anciens dont les copies étaient admirablement écrites, et les quatre oboles de chaque jour que lui donnait l'acheteur lui suffisaient. Pendant de longues années, il suivit ce régime des philosophes et il retrancha tout ce qui aurait alimenté les passions de la jeunesse ; tout le jour il accomplissait de grands travaux d'ascèse, et de sa nuit, il donnait la plus grande part à l'étude des divines écritures : il s'astreignait le plus possible à la vie la plus austère, s'adonnant tantôt aux exercices du jeûne, tantôt n'accordant au sommeil que des temps mesurés très court ; encore s'efforçait-il avec soin de ne pas le prendre en général sur une couverture, mais par terre. [10] Il pensait qu'il fallait par-dessus tout observer les paroles évangéliques du Sauveur, qui nous recommandent de n'avoir pas deux vêtements et de ne pas se servir de sandales, comme aussi de ne point passer son temps dans les soucis de l'avenir. [11] Mais aussi avec un courage au-dessus de son âge, il persistait à demeurer dans le froid et la nudité, poussant la pauvreté jusqu'à l'extrême limite. Ceux qui étaient auprès de lui en étaient très frappés et un fort grand nombre en étaient chagrinés, ils le priaient d'accepter de partager leurs biens avec eux, à cause des travaux qu'ils lui voyaient supporter pour l'enseignement divin ; mais lui ne se laissait pas fléchir par leurs efforts. [12] On dit même que pendant bien des années, il marcha sans jamais se servir de sandale ; il s'abstint plus longtemps encore de l'usage du vin et de tous les aliments qui ne sont pas indispensables pour se nourrir ; aussi tomba-t-il alors en danger de soulèvement et d'altération de la poitrine. [13] Il donnait à ceux qui en étaient témoins, de tels exemples d'une vie philosophique, et parla, à juste titre, il provoquait tant de ses élèves à rivaliser avec lui, qu'alors des païens infidèles et des gens de culture et de philosophie, et non pas les premiers venus, étaient amenés à l'enseignement qu'il donnait ; il arriva même que ceux-ci, après avoir reçu de lui sincèrement dans le fond de leur âme la foi en la divine parole, se distinguèrent à cette époque de la persécution, si bien que quelques-uns furent arrêtés et finirent par le martyre.