Nous avons déjà vu au § 104, que d’après Nombres 5.11-31, l’Israélite qui avait quelques doutes sur la fidélité conjugale de sa femme, pouvait la faire comparaître devant un prêtre près de l’autel d’airain, offrir en sa faveur, ou plutôt pour elle, un sacrifice consistant en farine d’orge, sans huile ni encens, et lui faire boire de l’eau de malédictione.
e – Voyez Herzog XIX, 472. Ce sacrifice, qui précède l’épreuve par l’eau, n’a pas lieu d’étonner quiconque sait qu’on n’osait point se présenter à L’Éternel les mains vides (Exode 23.15 ; 34.20).
Ce sacrifice n’était point expiatoire ; il ne doit point couvrir, mais au contraire découvrir la faute. Aussi n’est-ce pas pour lui que le mari l’offre, mais pour sa femme, v. 45 ; c’est une offrande de mémorial, c’est-à-dire qu’elle a pour but de ranimer en Dieu la mémoire du péché, si péché il y a.
[« Apportant l’offrande pour elle », et non pas avec elle. Au v. 25, c’est de la main de la femme que le prêtre la reçoit. Si c’est le mari qui fournit l’offrande, cela vient d’abord de ce que les femmes n’ont rien à elles, puis de ce que c’est le mari qui réclame cette épreuve.]
Pourquoi de la farine d’orge ? Il y a souvent un rapport intime entre la nature de l’offrande et le caractère de la personne qui la présente. Ici cette farine, moins fine que celle de blé, doit répondre aux circonstances pénibles dans lesquelles se trouve la prévenue. Elle n’est point encore convaincue de péché, mais le simple soupçon qui plane sur elle la rend inhabile à offrir un sacrifice ordinaire ; l’huile et l’encens en sont bannis ; ce ne doit point être un sacrifice savoureux ni d’agréable odeur.
[Dans Osée 3.2, l’orge apparaît comme la nourriture d’une prostituée. Mais il ne faudrait pas aller trop loin, ainsi que le fait le Talmud dans le traité Sota II, 1, qui dit que la femme qui s’est ravalée au niveau de la brute par son adultère, ne mérite pas une meilleure nourriture que le bétail. C’eût été là punir la prévenue avant tout jugement.]
Quand l’accusée était entrée dans le parvis, un prêtre prenait de l’eau sacrée dans l’une des cuves avec un vase de terre ; il y mettait de la poussière ramassée auprès du tabernacle ; il découvrait la tête de la femme, mettait l’offrande sur ses mains, saisissait lui-même le vase renfermant l’eau de malédiction, et prononçait sur elle quelques paroles dont le sens était qu’elle n’aurait rien à souffrir de cette eau, si elle était innocente, mais qu’elle en contracterait une terrible maladie, si elle était coupable.
[Il est probable qu’après le v. 20 il y avait une pause, pendant laquelle la femme pouvait encore avouer son crime, si les soupçons de son mari étaient fondés. — S’ils ne l’étaient pas, le mari n’était nullement coupable pour cela.]
La femme répondait à cette imprécation par un double amen ; le prêtre écrivait la malédictionf sur une feuille de parcheming qu’il lavait ensuite dans l’eau de malédiction ; puis, il prenait des mains de la femme l’offrande de jalousie, la tournoyait devant l’Éternel, en brûlait une poignée sur l’autel comme mémorial (§ 129), et enfin il donnait l’eau à boire à la femme.
f – Ou simplement le nom de Dieu, d’après Josèphe Ant. III. 11, 16.
g – De parchemin, d’après la tradition, Sota II, 4.
Théodoret dit qu’en découvrant la tête de la prévenueh, on voulait rappeler que toutes choses sont nues et entièrement découvertes aux yeux de Dieu ; mais puisque le voile et les cheveux sont chez la femme la marque de la pudeur, il est plus naturel de voir dans cette cérémonie l’indice de la brèche qui était faite à la réputation de la femme par le seul fait du soupçon de son mari. — On emploie un vase de terre à cause de son peu de valeur. — La poudre, qu’on répand dans l’eau de malédiction, est elle-même un symbole de malédiction et d’abaissement extrême, ainsi que Bæhr le premier l’a indiqué en s’appuyant sur Genèse 3.14 ; Psaumes 72.9 ; Michée 7.17 ; Ésaïe 49.23. Cette poussière est ramassée à terre, tout auprès de la demeure du Dieu trois fois saint, et l’eau est également puisée dans les cuves du culte ; cela doit renforcer la vertu du breuvage ; vertu qui est mise en œuvre par l’imprécation prononcée par le prêtre, tellement qu’après cela cette eau mérite le nom d’eau des amertumes qui attire la malédiction, v. 24.
h – En lui ôtant son voile et en dénouant sa chevelure.
[Cette eau était amère, מרים non pas au goût, mais à cause de l’effet qu’elle produisait chez les coupables. Cet effet n’était pas magique, mais de la part de Dieu la même eau pouvait, selon les cas, faire du mal on n’en point faire.]
Psaumes 109.17 explique pourquoi cette eau devait être bue. « La malédiction entrera dans son corps comme de l’eau. » L’eau était plus qu’un symbole, c’était le médium par lequel la malédiction pénétrait dans le corps de la femme infidèle ; l’action en était neutralisée par la bonne conscience de l’innocente, et facilitée par le trouble intérieur de la coupable.
Nous trouvons dans Deutéronome 21.1-9, un autre cas analogue. Un meurtre a été commis, le cadavre est là, mais on ignore l’auteur du crime. On suppose qu’il se trouve dans la ville la plus voisine du lieu où le corps a été relevé ; les anciens de ce lieu se réunissent, prennent une jeune vache qui n’a jamais porté le joug, la conduisent au fond d’une vallée au bord d’un cours d’eau, lui rompent la nuque en présence des prêtres et se lavent les mains sur elle, en déclarant solennellement, qu’ils ne savent absolument pas qui a pu commettre ce crime. — Ce n’est pas là un sacrifice expiatoire, car il ne s’agit point d’un délit commis par inadvertance ou par ignorance. Aussi bien est-ce le verbe Araph, ערף, assommer, qui est employé ici, et non pas Scharat, שחט, égorger. La génisse est mise à mort à la place du meurtrier inconnu. Et ce sont les anciens qui doivent la tuer, et non pas les prêtresi, car aux anciens incombe le soin de juger les procès criminels (Deutéronome 19.12). Ici donc il y a réellement pœna vicaria. La mort de l’animal innocent est une sorte de satisfaction donnée à la justice divine et la population de la contrée est par là mise à l’abri de la vengeance céleste, v. 8.
i – Les prêtres ne fonctionnent absolument ici que comme des témoins, v. 5, et non point comme des médiateurs chargés d’expier un péché.