La Légende dorée

CXLVII
SAINT FRANÇOIS, CONFESSEUR

[Ce chapitre ne figure pas dans les plus anciens manuscrits, ou n’y figure qu’en appendice, parmi les Legendœ a quibusdam aliis superaddilæ. Son style et les défauts de sa composition suffiraient, du reste, à le distinguer des chapitres « compilés » par Jacques de Voragine. La rivalité des ordres dominicains et franciscains aura, évidemment, empêché le vénérable Frère Prêcheur d’admettre dans sa Légende le Pauvre d’Assise.]

(4 octobre)

François, serviteur et ami du Très-Haut, naquit dans la ville d’Assise, et fut d’abord marchand. Jusqu’à vingt ans, il mena une vie dissipée ; mais Dieu, l’ayant touché de l’aiguillon de la maladie, le transforma subitement en un tout autre homme.

Étant allé à Rome en pèlerinage, il se dépouilla de ses vêtements, revêtit ceux d’un mendiant, et s’assit parmi les pauvres devant l’église de Saint-Pierre. Il serait resté avec eux si ses amis ne l’en avaient empêché. Le diable, pour le détourner de ses saintes intentions, lui montra un jour une femme d’Assise qui était bossue, et lui dit que, s’il persistait dans son projet, il deviendrait pareil à cette femme. Mais le Seigneur le réconforta en lui disant : « François, si tu veux me bien connaître, fais ta douceur des choses amères, et méprise-toi toi-même ! » Rencontrant un lépreux, dont tous avaient horreur, il s’approcha de lui et le baisa sur la bouche : et aussitôt le lépreux disparut. Alors François se rendit à la léproserie, et, baisant les mains des habitants, il leur distribua tout ce qu’il avait.

Un jour qu’il était entré, pour prier, dans l’église de Saint-Damien, l’image du Christ lui parla miraculeusement et lui dit : « François, va réparer ma maison, car, comme tu vois, elle tombe en ruine ! » Et, dès ce moment, son âme se fondit de tendresse, et la compassion du Christ se grava dans son cœur. Dans son désir de réparer l’église, il vendit tout ce qu’il possédait. Et comme le prêtre à qui il offrait son argent refusait de le prendre, par crainte de ses parents, il jeta cet argent comme de la poussière. Puis, son père lui en ayant fait reproche, il se dépouilla encore de ses vêtements et s’offrit, tout nu, au Seigneur. Après quoi, pour détruire l’effet des malédictions de son père, il demanda à un simple d’esprit de devenir son père et de le bénir.

Un de ses frères, le voyant à peine vêtu, pendant l’hiver, et transi de froid, dit à un passant : « Demande donc à François de te vendre pour quelques sous de sa sueur ! » Mais François, l’ayant entendu, répondit gaîment : « Je ne puis, car je l’ai déjà vendue au Seigneur ! » Une autre fois, entendant lire les paroles que le Seigneur avait dites à ses disciples sur leur mission, il résolut de devenir le serviteur des pauvres, ôta la chaussure de ses pieds, revêtit un manteau grossier, et se ceignit d’une corde. Traversant un bois, par un temps de neige, il fut pris par des voleurs qui lui demandèrent qui il était. Et comme il leur répondit qu’il était un héraut de Dieu, ils le renversèrent dans la neige en lui disant : « Gis donc en paix, héraut de Dieu ! »

Cependant une grande foule d’hommes, nobles et manants, clercs et laïques, rejetant la pompe du siècle, s’attachèrent à lui. Il leur enseigna la perfection évangélique, qui consiste à vivre dans la pauvreté et la simplicité. Il écrivit, en outre, pour eux, une règle évangélique, que le pape Innocent confirma. Et, dès lors, il se mit à semer avec une nouvelle ardeur la semence de la parole divine, parcourant sans arrêt les villes et les villages.

Il y avait alors un frère qui, à ne voir que les actes, faisait l’effet d’un saint, mais qui avait cette singularité qu’il poussait la règle du silence jusqu’à ne pas vouloir ouvrir la bouche pour se confesser. Et comme les autres frères faisaient son éloge, François leur dit : « Mes frères, ne louez pas trop, chez lui, une conduite qui n’est peut-être pas exempte d’un peu de diablerie ! Que ce frère consente à se confesser au moins une fois par semaine ! Et, s’il ne le fait pas, c’est donc que sa soi-disant vertu n’est que pour nous tromper ! » Mais le frère, invité à se confesser, mit un doigt sur sa bouche, et hocha la tête en signe de refus. Et le fait est que, peu de temps après, il se pervertit et finit sa vie dans la dissipation.

Un jour, comme François chevauchait sur un âne, en compagnie de frère Léonard, qui était d’une famille noble d’Assise, celui-ci, qui marchait à pied, se dit tout à coup : « Ce n’est point mes parents qui auraient consenti à se laisser ainsi traiter par les siens ! » Et aussitôt François, descendant de son âne, dit à Léonard : « Ce n’est point chose convenable que toi, qui es noble, tu ailles à pied tandis que je chevauche ! » Sur quoi Léonard, confus, se jeta à ses pieds et lui demanda pardon.

Une autre fois, une femme noble accourut au-devant de lui ; et, toute haletante de sa course, elle lui dit : « Prie pour moi, père, car mon mari m’empêche de mener la vie que je voudrais, et s’oppose à ce que je serve pieusement le Christ ! » Et lui : « Va en paix, ma fille, et dis à ton mari, de ma part, que le temps du salut est arrivé ! » Elle redit la chose à son mari ; et celui-ci, aussitôt, changea, et s’engagea à la laisser vivre dans la continence.

Il aimait à ce point la pauvreté qu’il l’appelait sa maîtresse, et que, quand il rencontrait un plus pauvre que lui, il se sentait tout honteux. Un jour qu’un pauvre passait près de lui, il dit à son compagnon : « Ôtons vite nos manteaux, donnons-les à cet homme, et, nous prosternant à ses pieds, proclamons-nous coupables ! » Une autre fois, il rencontra trois femmes, exactement pareilles l’une à l’autre, qui le saluèrent en disant : « Bienvenue soit Madame la Pauvreté ! » Puis, elles disparurent, et jamais on ne les revit.

Étant venu à Arezzo et y ayant trouvé la guerre civile, il dit à frère Sylvestre, son compagnon : « Va devant la porte de la ville, et, de la part de Dieu, ordonne aux démons de sortir de la ville ! » Et à peine Sylvestre eut-il obéi que les citoyens d’Arezzo se réconcilièrent. – Ce même Sylvestre, pendant qu’il n’était encore que prêtre séculier, vit en songe une croix d’or qui sortait de la bouche de François, et dont les bras embrassaient toute la terre. Aussitôt il renonça au monde pour imiter l’exemple de l’homme de Dieu.

Pendant que François était en prière, trois fois le diable l’appela par son nom. Et, chaque fois, François lui répondit ; après quoi il ajouta : « Il n’y a point de pécheur au monde qui ne puisse espérer de Dieu son pardon s’il se convertit ! » Alors le diable, voyant qu’il ne pouvait pas le tenter de cette manière, lui envoya une cruelle tentation de la chair. Et François, ayant enlevé son manteau, se frappait avec sa ceinture en disant : « Hélas, mon frère âne, voilà comment il faut que tu subisses le fouet ! » Puis, comme la tentation persistait, il se roula dans la neige ; et, ayant fait sept petits tas de neige, il dit à son corps : « Regarde, voici ta femme, voici tes deux fils et tes deux filles, et voici ton serviteur et ta servante ! Hâte-toi de les vêtir, car ils meurent de froid ! Et si tu trouves trop difficile de t’occuper d’eux, ne t’occupe donc que de servir ton maître ! » Aussitôt le diable, tout confus, s’en alla ; et François, glorifiant Dieu, rentra dans sa cellule.

Un frère, compagnon du saint, ayant été ravi en extase, vit les trônes du ciel, et, parmi eux, un trône plus haut et plus brillant que les autres. Et une voix lui dit : « C’était le siège d’un des archanges déchus ; et maintenant nous le préparons pour l’humble François. » Alors, s’éveillant, le frère demanda à François ce qu’il pensait de lui-même. Et François : « Je m’apparais comme le plus grand des pécheurs. » Aussitôt l’Esprit-Saint dit à l’oreille du frère : « Reconnais combien était vraie ta vision ; car ce siège, perdu par l’orgueil, sera gagné par l’humilité ! »

Une autre fois, François lui-même, étant ravi en extase, vit au-dessus de sa tête un séraphin crucifié, qui lui imprima si profondément les signes de la crucifixion que ce fut comme si François avait été vraiment crucifié. Et désormais le saint porta sur ses mains, ses pieds, et son côté, les stigmates de la croix ; mais, dans son humilité, il les cachait avec tant de soin, que peu d’hommes les virent avant sa mort, où, au contraire, tous purent les voir. Et la réalité de ces stigmates s’attesta encore par de nombreux miracles, parmi lesquels nous nous bornerons à citer les deux suivants :

1°Dans la Pouille, un homme appelé Roger, étant devant une image de saint François, se demanda si le miracle des stigmates était vrai, ou si ce n’était pas une pieuse illusion, ou même une supercherie des frères. Et aussitôt, il entendit comme le bruit d’une flèche, et il se sentit la main gauche traversée, sous son gant ; et en effet, quand il eût ôté le gant, il vit que sa paume était grièvement blessée. Mais comme il se repentait, et se jurait qu’il ne cesserait plus désormais de croire aux stigmates de saint François, sa blessure disparut peu de temps après.

2°Dans le royaume de Castille, un homme, qui se rendait en pèlerinage à une église de saint François, tomba dans un piège préparé pour un autre homme, et fut mortellement blessé. Or, au milieu de la nuit, comme la cloche des frères sonnait pour les matines, la femme du mort se mit à crier : « Mon mari, lève-toi et va aux matines, car la cloche t’appelle ! » Et aussitôt le mort fit un signe de la main comme pour demander qu’on retirât l’épée qui lui traversait la gorge ; et une main invisible retira cette épée et le mort se releva, entièrement guéri. Et il dit : « Saint François, venu à mon secours, a apposé ses stigmates sur mes blessures, et, par leur contact, les a miraculeusement guéries. Puis, comme il voulait repartir, je lui ai fait signe de retirer l’épée que j’avais dans la gorge, et qui m’empêchait de parler ! »

Saint François et saint Dominique, ces deux flambeaux du monde, se rencontrèrent à Rome devant l’évêque d’Ostie, qui devint plus tard souverain pontife. Et l’évêque leur dit : « Pourquoi ne ferions-nous pas de vos frères des évêques et des prélats, puisqu’ils dépassent les autres frères par le savoir comme par l’exemple ? » Il y eut alors entre les deux saints une longue lutte d’humilité, car chacun d’eux voulait laisser à l’autre l’honneur de répondre le premier. Enfin l’humilité de François l’emporta, car ce fut Dominique qui parla le premier ; et l’humilité de Dominique l’emporta elle aussi, car ce fut par obéissance qu’il consentit à parler. Donc il dit : « Seigneur, mes frères sont élevés déjà à un rang assez haut, par le seul fait de leur titre de frères ; et je ne saurais permettre, quant à moi, qu’ils acceptassent une autre marque de dignité. » Puis François, à son tour, répondit : « Seigneur, mes frères portent le nom de mineurs, précisément afin qu’ils n’aient pas la présomption de se croire majeurs ! »

Avec sa simplicité de colombe, saint François exhortait toutes les créatures à l’amour de Dieu. Il prêchait aux oiseaux, qui l’écoutaient, se laissaient prendre par lui, ne s’envolaient qu’avec sa permission. À la Portioncule, tout près de sa cellule, une cigale chantait ; il étendit la main vers elle et lui dit : « Ma sœur la cigale, viens ici ! » Aussitôt la cigale grimpa sur sa main. Et lui : « Chante, ma sœur la cigale, et loue ton Créateur ! » Il se refusait à souffler les lampes et les chandelles, ne voulant point profaner la lumière en y touchant. Il ne marchait qu’avec égard sur les pierres, en considération de l’esprit qu’il voyait en elles ; il retirait de la route les vermisseaux, par crainte qu’ils ne fussent foulés aux pieds des passants ; il faisait apporter du miel et du vin aux abeilles dans les rigueurs de l’hiver. La vue du soleil, de la lune et des étoiles, le remplissait d’une joie ineffable ; et il ne manquait jamais de les inviter à l’amour du Créateur. Un jour, traversant les marais de la Vénétie, il trouva une grande multitude d’oiseaux qui chantaient ; et il dit à son compagnon : « Voici nos sœurs les avettes qui louent leur Créateur ! Allons au milieu d’elles pour chanter nos heures ! » Mais comme le chant des oiseaux l’empêchait d’entendre sa voix et celle de son compagnon, il leur dit : « Chères sœurs, chantez moins fort, jusqu’à ce que nous ayons fini notre office ! » Et les oiseaux obéirent ; et, quand il eut achevé ses laudes, il leur donna de nouveau la permission de chanter à leur aise. Une autre fois, rencontrant sur la route une troupe d’oiseaux, il les salua tendrement et leur dit : « Mes frères les oiseaux, vous avez bien des raisons de louer votre créateur, qui vous a revêtus de plumes, vous a donné des ailes pour voler, a fait pour vous la pureté de l’air, et gouverne votre vie sans vous en imposer le souci ! » Aussitôt les oiseaux commencèrent à tendre le cou vers lui, et l’écoutèrent avec grande attention. Et pas un seul ne s’envola avant qu’il eût achevé de parler.

Il avait une grave maladie d’yeux, et l’aggravait encore par ses larmes. Et comme ses frères l’engageaient à moins pleurer, pour épargner sa vue, il leur dit : « Comment pourrais-je, par amour pour la lumière terrestre, qui nous est commune avec les mouches, renoncer au spectacle de la lumière éternelle ? »

Il préférait s’entendre blâmer que louer ; et il avait demandé à un de ses frères que, dès que le peuple faisait l’éloge de sa sainteté, ce frère lui répétât dans l’oreille les pires injures. Et comme ce frère, bien malgré lui, le traitait de rustre inutile et stupide, François tout joyeux, lui disait : « Que Dieu te bénisse, car ce que tu dis là est bien vrai, et voilà les choses que je mérite d’entendre ! » Ce parfait serviteur de Dieu préférait aussi servir que commander, obéir qu’ordonner. Il s’était constitué un gardien, à la volonté duquel il se soumettait aveuglément. Au frère qui l’accompagnait dans sa route, il avait toujours soin de promettre obéissance ; et c’était toujours lui qui le servait.

Un jour qu’il passait par la Pouille, il trouva, à terre, une bourse qui paraissait gonflée de deniers. Son compagnon voulait la ramasser, pour en distribuer le contenu aux pauvres, mais François lui dit : « Mon cher fils, nous n’avons pas le droit de prendre le bien d’autrui ! Cependant, comme le frère insistait, François lui permit de prendre la bourse et de l’ouvrir ; et ils virent qu’au lieu d’argent elle contenait une grosse vipère. Sur quoi le saint dit : “L’argent, pour les serviteurs de Dieu, n’est jamais autre chose qu’une vipère venimeuse.”

Étant l’hôte d’un habitant d’Alexandrie, en Lombardie, cet homme lui demanda que, pour observer le précepte de l’évangile, il consentit à manger tout ce qu’on lui servirait. Le saint promit ; et l’hôte lui fit servir un magnifique chapon. Ce qu’apprenant, un impie se présenta devant eux, pendant qu’ils mangeaient, et leur demanda l’aumône au nom de Dieu. Saint François lui fit aussitôt donner une part du chapon ; et l’impie, au lieu de la manger, la garda avec soin ; puis, le lendemain, pendant que le saint prêchait, il montra le morceau en disant : « Tenez, voici de quoi se nourrit cet homme, que vous honorez comme un saint ! Car c’est lui-même qui m’a donné, hier soir, ce reste de sa table ! » Et il montrait le morceau de chapon, mais la foule ne voyait qu’un morceau de poisson, et l’on traitait de fou l’accusateur du saint. Et quand celui-ci s’aperçut du miracle, tout honteux il demanda pardon ; et aussitôt la viande reprit sa forme première.

François voulait qu’on traitât avec un respect tout particulier les mains des prêtres, qui ont le pouvoir de transformer le pain en le corps de Dieu. Et il disait souvent : « Si je rencontrais ensemble un grand saint du ciel et un pauvre petit prêtre, je courrais d’abord baiser les mains du prêtre, et je dirais au saint : “Attends-moi un instant, saint Laurent, car les mains de cet homme produisent le Verbe vivant, et il faut d’abord que je leur fasse ma révérence !”

Innombrables sont les miracles qu’il opéra pendant sa vie. Le pain même qu’on lui apportait à bénir guérissait les malades. Il changeait l’eau en vin, et tout malade qui goûtait de ce vin recouvrait la santé. Et quand, après une longue maladie, il sentit la mort s’approcher, il se fit déposer sur la terre nue, bénit tous ses frères, et, en souvenir de la Cène, partagea entre eux une bouchée de pain. Il invitait la mort elle-même à louer Dieu avec lui, la saluant avec joie, et lui disant : « Bienvenue est ma sœur la mort ! » C’est ainsi qu’il s’endormit dans le Seigneur.

Un frère nommé Augustin, qui cultivait le jardin du couvent, tomba malade et perdit la parole. Mais tout à coup il s’écria : « Attends-moi, mon père, attends-moi ! Je viens avec toi. » Et comme ses frères lui demandaient ce qu’il voulait dire, il répondit : « Ne voyez-vous pas notre père François, qui marche dans le ciel ? » Et aussitôt, s’endormant dans le Seigneur, il rejoignit son maître.

Une femme, qui avait une piété spéciale pour saint François mourut ; pendant que le clergé célébrait ses obsèques, soudain elle se redressa sur son lit, et dit à l’un des prêtres : « Mon père, je veux me confesser. J’étais morte, et j’allais être condamnée à la prison éternelle, car j’avais sur la conscience un péché dont je ne m’étais confessée à personne. Mais saint François a daigné prier pour moi, et a obtenu que je revinsse à la vie pour révéler mon péché et en recevoir mon pardon. » Elle se confessa, reçut l’absolution et s’endormit dans le Seigneur.

Un paysan de Vicera, à qui des frères franciscains demandaient une charrue, leur répondit : « Plutôt que de vous donner ma charrue, j’aimerais mieux vous écorcher, et votre saint François avec vous ! » Peu de temps après, le fils de cet homme tomba malade et mourut. Et son père, se roulant à terre, invoquait saint François : « C’est moi qui ai commis le péché, c’est moi que tu devais punir ! Grand saint, rends à un pieux suppliant ce que tu as enlevé à l’impie blasphémateur ! » Et aussitôt le fils, ressuscité, lui dit : « Quand je suis mort, saint François m’a conduit par un chemin long et sombre jusque dans une belle prairie ; et puis il m’a dit : “Retourne maintenant chez ton père, mon cher enfant, je ne veux pas te retenir plus longtemps !”

Un pauvre demandait à un riche de lui prolonger le crédit d’une dette, par amour pour saint François. À quoi le riche répondit : « Je t’enfermerai dans un lieu où François lui-même ne pourra pas te venir en aide. » Et il le fit jeter en prison. Mais, le soir même, saint François apparut au prisonnier, brisa ses chaînes et le ramena dans sa maison.

Un soldat, après avoir déprécié les miracles de saint François pendant qu’il jouait aux dés, s’écria : « Si François est saint, que ces deux dés amènent donc le total 18 ! » Aussitôt l’un des deux dés se trouva porter 12 au lieu de 6, et neuf fois de suite ce miracle se renouvela. Mais le soldat, aggravant son ancienne folie d’une folie pire encore, s’écria : « Si ce François est vraiment un saint, je veux que mon corps tombe aujourd’hui percé d’une épée ! » Et, dès que la partie fut finie, le neveu de cet homme, s’étant pris de querelle avec lui, tira son épée et lui en transperça le ventre, ce dont il mourut sur-le-champ.

Un homme qu’une paralysie empêchait de se mouvoir invoquait saint François, en disant : « Secours-moi, saint François, en souvenir de ma dévotion et des services que je t’ai rendus ; car autrefois je t’ai porté sur mon âne, j’ai baisé tes pieds et tes mains ; et voici que je meurs dans de cruelles souffrances ! » Aussitôt le saint, lui apparaissant, lui toucha les jambes avec un bâton qui avait la forme du T grec. Et le malade recouvra la santé, mais le signe du T grec resta à jamais gravé sur sa peau. Or c’était de ce signe que saint François avait coutume de signer ses lettres.

Dans la ville de Pomereto, en Pouille, une mère, ayant perdu sa fille unique, invoquait en pleurant l’aide de saint François. Celui-ci lui apparut et lui dit : « Ne pleure pas, car la lumière de sa lampe, que tu crois éteinte, va se rallumer sur mon intercession ! » La mère, donc, ne permit point qu’on emportât le corps de sa fille et bientôt, prenant celle-ci dans ses bras elle la releva saine et sauve. Une autre fois, à Rome, l’intercession du saint rendit la vie à un petit garçon qui s’était tué en tombant de la fenêtre d’un palais. À Suze, saint François ressuscita de la même façon, pour répondre aux prières d’une mère, un jeune homme qui était mort sous les décombres d’une maison, et qu’on se préparait déjà à ensevelir.

Le frère Jacques de Riéti, traversant un fleuve avec d’autres frères, se noya au moment où ses compagnons descendaient déjà sur le rivage. Les survivants invoquèrent l’aide de saint François, et le noyé lui-même, déjà à demi mort, l’invoquait de son côté. Et voici que ses compagnons le virent marcher sur les vagues comme sur du sable, et ramener jusqu’au rivage le bateau submergé. Et ils virent même que ses vêtements étaient secs, au point que pas une goutte d’eau ne les avait mouillés.

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